Vendredi 22 Juillet, an III
Max : « Bonjour bonomou 🙂 As-tu bien dormi ? »
Le chevalier : « Très bien, merci. Tu es seul ? »
Max : « Léo étudie. »
Le chevalier : « Et toi ? »
Max : « Je t’attendais. On voulait te montrer une jolie plante que nous avons vue dans le jardin autour de la cabane. »
Le chevalier : « Vous êtes allés dans le jardin ? Tous les deux ? »
Léo : « Oui 🙂 Tu dormais si bien que nous avons pas voulu te réveiller. Alors nous sommes allés explorer le jardin. On a jamais pris le temps d’y aller. »
Max : « On avait entendu des jeunes mésanges. On a reconnu le chant particulier de la toute jeune mésange qui demande du manger. »
Léo : « Alors on est allés les voir. »
Max : « J’aime bien les voir demander du manger à leurs parents. Elles écartent légèrement les ailes et les agitent très vite. On dirait qu’elles vibrent 🙂 »
Le chevalier : « Mais je ne veux pas que vous alliez dans le jardin sans moi ! »
Max : « Pourquoi ? »
Le chevalier : « A cause des chats voyons ! »
Max : « Oui, on a vu une jolie femelle. »
Léo : « Au pelage roux, noir et blanc. »
Max : « Avec une oreille abîmée. »
Léo : « Et un gros ventre. Il faudrait la mettre au régime. »
Le chevalier : « Vous avez vu Mounette ? »
Max : « Oui 🙂 »
Léo : « Tu savais que les chats aiment aussi se faire gratter le front ? »
Max : « Le menton aussi 🙂 »
Léo : « Elle arrêtait pas de ronronner 🙂 »
Max : « On aurait dit un petitours 🙂 »
Le chevalier : « Vous lui avez gratté le front ?! »
Max : « Ben oui ! Sinon on saurait pas qu’elle aime ça. Bonome, tu es pas encore réveillé toi. Tu t’es pas caféiné ? »
Léo : « Tu as l’air inquiet ? Quelque chose ne va pas ? »
Le chevalier : « Vous êtes allés seuls dans le jardin ! Vous avez gratouillé un chat ! »
Max : « Ben oui. »
Léo : « Et alors ? »
Le chevalier : « Mais… Elle pouvait vous éventrer d’un coup de griffes ! »
Max : « Pourquoi elle aurait fait ça ? »
Léo : « Elle est très gentille… Comment tu l’as appelée déjà ? »
Le chevalier : « Mounette… »
Léo : « Elle est très gentille Mounette. »
Max : « Tu la connais ? »
Le chevalier : « Oui… »
Max : « Alors tu sais qu’elle est très gentille. Mais elle doit manger trop de chocolat. Elle a un gros ventre. »
Le chevalier : « Je ne veux pas que vous retourniez seuls dans le jardin. Il y a d’autres chats et ils ne sont pas tous aussi gentils que Mounette. »
Max : « Alors viens avec nous ! Il faut que tu nous présentes la jolie plante à fleurs. »
Léo : « Allez viens ! Elle est par là. »
Max : « Et fais attention aux chats ! »
Le chevalier : « Ce n’est pas drôle. »
Max : « Pfff… Ton humour est resté au lit ? »
Léo : « Voilà la jolie plante. Tu nous l’expliques s’il te plaît ? »
Le chevalier : « C’est une fleur de la Passion, également appelée passiflore. »
Max : « Une fleur de la Passion ? Passion, parce qu’on l’aime passionnément ? »
Le chevalier : « Non Maxou, sinon je n’aurais pas mis de majuscule à Passion. »
Max : « Bonome, je crois que tu vas aller te caféiner d’urgence. Tu es pas bien réveillé dans ta tête ! Comment on peut savoir que tu as mis une majuscule. On voit pas les majuscules à l’oral ! »
Le chevalier : « Ah oui 🙂 Pardon. »
Max : « La Passion… Comme dans La Passion de Jésus, le Christ, Notre Seigneur ? Celle qu’on fête à Pâques et tous les dimanches ? »
Le chevalier : « Exactement ! »
Léo : « Je veux pas paraître irrespectueux mais je vois pas bien le rapport entre une fleur, même très jolie, et la mort de Jésus sur une croix. »
Le chevalier : « Je comprends 🙂 Je crois que peu de gens connaissent le lien. Je ne sais même pas s’ils comprennent ce que veut dire Passion. »
Max : « Alors tu nous expliques. Bonome, nous t’écoutons. »
Le chevalier : « Si vous me le permettez, je vais commencer par l’aspect botanique. »
Max : « Nous te le permettons 🙂 »
Le chevalier : « Cette jolie fleur est une passiflore du genre Passiflora. Il me semble que c’est l’espèce caelurea. Elle appartient à la famille des Passifloracées qui regroupe 530 espèces essentiellement sud-américaines. »
Léo : « A quoi on reconnaît les Passifloracées ? »
Le chevalier : « La famille est très homogène. Ce qui veut dire que les passiflores se ressemblent beaucoup. Nous allons donc décrire celle-ci et vous saurez reconnaître toute la famille. »
Léo : « D’accord. »
Le chevalier : « Commençons par l’extérieur. Vous voyez sûrement les 10 Tépales. »
Max : « On les voit pas bien tous mais on te croit. On dit tépales quand les sépales et les pétales sont pareils. »
Le chevalier : « Viennent ensuite les nectaires. Ils sont en forme de filaments. Ici ils sont violet, blanc et bleu. »
Léo : « C’est original comme forme 🙂 »
Max : « C’est très beau quand même 🙂 »
Le chevalier : « Au centre, il y a l’androcée et le gynécée… »
Max : « STOP ! Bonome, pourquoi tu utilises des mots compliqués que personne connaît à part toi ? »
Léo : « Ça sent le grékancien 🙂 »
Le chevalier : « Oui Léo 🙂 L’androcée est l’ensemble des étamines et le gynécée l’ensemble des organes féminins. »
Max : « Les étamines et le pistil… Tu peux pas faire simple ! Bonome, qu’est ce qu’on va faire de toi ? »
Léo : « Max, tu sais bien qu’il affine pour qu’on fasse des progrès. Comme ça, après, on a plus de vocabulaire. On est naturalistes nous, alors on doit utiliser un vocabulaire scientifique adapté. Continue chevalier. »
Le chevalier : « Je préfère parler d’androcée et de gynécée pour que vous compreniez la suite. Si vous regardez bien, vous allez voir que le gynécée se trouve sur l’androcée. »
Max : « Tu peux traduire s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Oui Maxou. Vous voyez cinq machins qui portent des trucs. »
Max : « Bonome… »
Le chevalier : « Ce sont les cinq étamines qui portent les anthères, parfois appelées sacs polliniques. »
Le chevalier : « C’est mieux. »
Léo : « Et c’est ça l’androcée. »
Le chevalier : « Oui Léo. Dessus, il y a un ovaire en trois parties surmonté de trois longs styles terminés chacun par un stigmate. »
Léo : « Le gynécée. »
Max : « D’accord. Et c’est quoi la suite ? »
Le chevalier : « Vu la disposition particulière de ces organes on parle d’androgynophore. »
Max : « Pfff… »
Léo : « Le vocabulaire est compliqué mais je comprends. »
Max : « Moi aussi. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi on dit pas qu’il y a cinq étamines et, dessus, un pistil comprenant un ovaire, trois style et trois stigmates. »
Le chevalier : « Tout simplement parce que le mot androgynophore dit tout cela en un seul mot. »
Léo : « C’est plus rapide. »
Max : « D’accord. Et toutes les Passifloracées ressemblent à ça ? »
Le chevalier : « Je ne les connais pas toutes mais oui. »
Léo : « Et le rapport avec la Passion de Notre Seigneur ? Je comprends pas bien. »
Le chevalier : « Les prêtres se sont servis de cette fleur comme support pédagogique pour expliquer la Passion du Christ. »
Max : « Je suis curieux d’entendre tes explications. »
Le chevalier : « C’est assez simple. Vous savez que Jésus a été accusé de s’être proclamé roi des juifs. »
Max : « Mais c’est pas vrai ! Il a jamais dit ça ! »
Le chevalier : « Je le sais Max. Il a été accusé à tort et injustement condamné. Mais c’est quand même le motif de sa condamnation. »
Max : « Et à cause de ça, il a été cloué sur une croix. »
Le chevalier : « Ce qui était rare. Les crucifiés étaient attachés à la croix. »
Max : « C’était une pratique barbare. Le supplicié mettait des jours à mourir. Ils sont méchants les zoms. »
Le chevalier : « Trop souvent. C’est vrai. Savez-vous que la mort se fait par asphyxie ? Le corps s’affaisse et la position fait que les mouvements respiratoires ne sont plus possibles. Le supplicié meurt donc étouffé. »
Max : « C’est barbare quand même. J’aime pas les zoms. Et Jésus méritait pas de mourir comme ça. »
Léo : « Il est pas mort à cause du coup de lance dans son cœur ? »
Le chevalier : « Non Léo. Il était déjà mort. »
Max : « J’aime pas qu’on parle de ça. Et je comprends toujours pas le rapport avec la fleur. »
Le chevalier : « J’y viens. Avant d’être crucifié, Jésus a été coiffé d’une couronne d’épines. Par dérision. »
Max : « Pour se moquer ? »
Le chevalier : « Oui, pour se moquer. Les filaments des nectaires, en forme de filaments, rappellent cette couronne d’épines. Les trois stigmates représentent les trois clous qui ont servi à la crucifixion. Il ont causé quatre plaies. Mais si on ajoute celle provoquée par le coup de lance, elles sont au nombre de cinq. »
Léo : « Les cinq étamines ! »
Max : « Il y a d’autres équivalence ? »
Le chevalier : « Chez certaines espèces on peut observer une trentaine de tâches noires sur les pièces florales. Elles sont l’équivalent des trente deniers que reçut Judas comme prix de sa trahison. »
Max : « Judas est pas un traître ! Il fallait que Jésus meurt puis qu’il ressuscite pour racheter nos péchés. Alors Judas l’a aidé. C’est pas un traître. Il aimait Jésus. C’était son ami. »
Le chevalier : « Mon petitours… Tu ronchonnes, tu grognes, tu râles… mais tu es un vrai disciple de Jésus. Tu vois toujours l’amour même quand il se cache dans des comportements qui paraissent en être dénués. Tu as raison. Judas aimait Jésus et ce n’était pas un traître. »
Max : « Il a aidé Jésus à passer de ce monde à son Père. Il a aidé son ami à accomplir sa mission. »
Léo : « Il y a d’autres choses encore ? »
Le chevalier : « Les feuilles. Elles sont lobées et chaque lobe rappelle la pointe de la lance qu’on lui a plantée dans le cœur. Et les vrilles qui permettent à la plante d’être grimpante rappellent les fouets qui ont servi à flageller Jésus avant sa crucifixion. »
Léo : « Je comprends mieux le nom maintenant. On peut effectivement se servir de cette fleur pour raconter la Passion du Christ. »
Max : « Bonome, les petizours vont ressusciter aussi ? »
Le chevalier : « Je le crois. »
Max : « Et on ira au paradis avec toi ? »
Le chevalier : « Tu m’as déjà posé cette question Maxou. Il n’y aura pas de paradis pour moi si vous n’êtes pas à mes côtés. »
Max : « Même si, parfois, on mange trop de chocolat, on se chamaille et on est pas gentils avec toi ? »
Le chevalier : « Oui Max. Mais je n’ai pas souvenir que vous n’ayez pas été gentils avec moi. »
Max : « On sera jamais séparés alors ? On sera ensemble pour l’éternité ? »
Le chevalier : « Bien sûr. Ne t’inquiète pas. Vous êtes d’adorables petizours et je ne vois pas ce qui pourrait faire que vous n’alliez pas au paradis. Je suis plus inquiet pour moi… »
Max : « Mais tu es un grand chevalier toi ! Tu iras bonome ! »
Le chevalier : « Alors nous serons ensemble. »
Léo : « Et on retrouvera Tante Yvonne. »
Max : « Et tous tes amis des temps anciens. »
Le chevalier : « Oui 🙂 et si, en attendant, nous allions faire un gros câlin ? »
Max et Léo : « Ouiiiii 🙂 »
Je sais bien pourquoi il a proposé un câlin mon chevalier. Il a bien vu que cette discussion m’avait un peu contrarié. Et puis, il a eu peur en apprenant qu’on s’était promenés sans lui dans le jardin. En plus, il était fatigué par la longue journée d’hier. Alors on s’est câlinés tous les trois, on a chahuté puis il nous a gratté le front. Évidemment, Léo et moi, on a ronronné. Et on s’est endormis tous les trois pour une longue sieste réparatrice. D’habitude, on dort pas avec bonome. On a nos lits à nous. Mais là, pour la sieste, on est restés tous les trois ensemble. Quand je me suis réveillé, Léo était tout serré contre bonome 🙂 Il aime beaucoup bonome Léo. Moi aussi je me suis serré conte lui, comme un avant goût de paradis et j’ai fait semblant de dormir, pour pas les réveiller. Mais j’ai ronronné et ça les a réveillés. C’est Léo qui s’est levé le premier. Ou plutôt, il s’est assis sur le lit.
Léo : « Dites tous les deux, si on allait se promener ? »
Max : « Se promener ou inspecter ? »
Léo : « Se promener 🙂 »
Max : « Tu veux bien bonome ? »
Le chevalier : « Je veux bien. Mais nous n’allons pas loin. »
Max : « On fait comme tu veux bonomou. On enfile nos sacados et c’est parti ! »