Mercredi 2 Mars, An III (suite)
Max : « On va où maintenant ? »
Le chevalier : « Au Veryarc’h. Mais d’abord nous allons observer les falaises depuis la Longue Pointe… Voilà… Qu’en pensez-vous ? »
Max : « Bonome, Léo a perdu sa mâchoire 🙂 »
Le chevalier : « 🙂 C’est beau, n’est ce pas ? »
Léo : « Rholalaaaaa… C’est magnifique ! Quel beau paysage ! »
Max : « C’est ça le Veryarc’h ? »
Le chevalier : « Oui Maxou. »
Max : « Et on va tout explorer ? »
Le chevalier : « Tout, oui 🙂 »
Max : « Je commence à comprendre la journée un peu dense… »
Léo : « Tu nous fais une petite présentation avant d’y aller s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Nous sommes sur les grès armoricains de la Longue Pointe. On en voit un petit pointement qui dépasse de la végétation tout à gauche. Derrière, ce sont les schistes de Postolonnec inférieurs. Au niveau de l’accès à la plage il y a une faille qui affecte ces schistes mais elle est peu visible. Puis il y a les grès de Kérarvail. Viennent ensuite les schistes de Postolonnec supérieurs. La partie blanche et massive de la falaise est occupée par les Grès de Kermeur. »
Max : « Tout ça on l’a déjà vu ailleurs 🙂 »
Léo : « Même les grès de Kéleur ? »
Max : « Les grès de Kermeur Léo. Oui, souviens-toi ! C’était à la Pointe de l’Aber, à côté du Petit Fleuve. Il y avait plein de dolérites à côté. »
Léo : « Ah oui ! Mais c’est pas la Pointe de l’Aber mais la Pointe de Raguenez Maxou. »
Le chevalier : « Après les grès de Kermeur la falaise se poursuit par les Schistes du Cosquer. La falaise du Veryarc’h se termine là. »
Max : « Mais, bonome, à Raguenez, après les Grès de Kermeur il y avait les Tufs et calcaires de Rosan. Pourquoi ici c’est pas pareil ? »
Le chevalier : « C’est ce qu’on appelle une variation latérale de faciès. Les éruptions ont eu lieu là-bas, pas ici. Et dans les conditions qui régnaient à Rosan, ce sont des calcaires qui se sont déposés et non des Schistes… Au-delà de la falaise du Veryarch, vous voyez peut être l’Anse de Lamm Saoz. Je vous ferai plus tard une autre présentation. »
Léo : « Tout ça ! Rhoooo… »
Max : « On va voir 6 formations ! »
Le chevalier : « Oui 🙂 C’est l’une des plus belles coupes paléozoïques de France 🙂 C’est une référence mondiale pour l’Ordovicien et la base du Silurien. Devant vous sont accumulées 50 millions d’années d’archives sédimentaires et paléontologiques. »
Léo : « Ben voilà ! On va marcher 50 millions d’années cet après-midi ! »
Max : « Une journée assez dense disait-il ! »
Le chevalier : « Je vous ai fait un petit tableau qui vous permettra de mieux comprendre. J’espère ne pas avoir fait d’erreur. »
Ordovicien |
Supérieur |
Ashgill |
6 Schistes du Cosquer |
Caradoc supérieur |
|||
Caradoc moyen |
5 Grès de Kermeur |
||
Caradoc inférieur |
4 Schistes de Postolonnec supérieurs |
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Inférieur |
Llandeilien supérieur |
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Llandeilien inférieur |
3 Grès de Kérarvail |
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Llandeitien supérieur |
|||
Llandeitien inférieur |
2 Schistes de Postolonnec inférieurs |
||
Landvirnien |
|||
Arénig |
1 Grès armoricains |
Max : « Merci bonome… Bon, on y va maintenant ? »
Le chevalier : « Allons-y 🙂 »
***
Léo : « Rholala ! Qu’est ce que c’est beau ! »
Max : « Toutes nos inspections commencent par un rholala léonin 🙂 »
Le chevalier : « Je partage son enthousiasme… regarde-moi ce paysage mon Maxou. »
Max : « Je le vois 🙂 Dis bonome, on va retourner voir les Schistes de Postolonnec inférieurs, à droite de la plage ? On y est déjà allés mais on a surtout regardé les zoisos. On peut aller observer les roches. Il y a peut être des fossiles… »
Le chevalier : « C’est par là que nous allons commencer. Descendons doucement. »
Max : « Ben voilà ! On se retrouve encore sur des cailloux tout cassés et tout glissants… »
Léo : « C’est comme ça la géologie Maxou… On peut pas observer les roches depuis son fauteuil. Ou alors en fotos. Mais c’est moins intéressant. »
Max : « Tu vas encore rechercher le contact entre les grès armoricains et les Schistes de Postolonnec ? »
Le chevalier : « Non 🙂 Ce n’est pas la peine, il se voit dans le paysage. Regardez. »
Max : « Qu’est ce que tu vois ? »
Le chevalier : « Des tas de choses… Voyez-vous le contact entre les grès et les schistes ? »
Léo : « Pas vraiment 🙁 Tu le vois toi Maxou ? »
Max : « Je vois rien du tout… A part qu’à gauche il y a les grès armoricains. »
Le chevalier : « Oui, et ils percent la végétation. Elle est assez maigre d’ailleurs sur les grès. Et puis la falaise est souvent minérale. Par contre, plus à droite, on ne voit pas les roches. Elles sont couvertes par un sol plus épais. On aperçoit même une loupe de glissement. »
Max : « Une loupe de glissement ? »
Le chevalier : « Oui, regardez bien. On voit un creux dans le sol qui couvre la falaise. »
Max : « C’est pas vraiment un creux. On dirait plutôt que la végétation est plus claire. »
Le chevalier : « Je me trompe peut être mais je pense que le sol a glissé un jour qu’il était gorgé d’eau. »
Max : « D’après ce que tu dis, la limite entre les grès et les schistes se trouverait quelque part au milieu de la falaise. »
Le chevalier : « Oui, elle passe en avant de l’escarpement rocheux le plus à droite et des pointements de grès les plus à droite aussi. »
Léo : « C’est presque une parallèle à la falaise. »
Le chevalier : « Pas tout à fait mais presque. »
Max : « On regarde beaucoup les paysages aujourd’hui 🙂 »
Le chevalier : « Je néglige trop souvent de le faire… Allons observer les roches. »
Max : « Schistes de Postolonnec nous voici ! »
Léo : « Je suis pas fou moi 🙁 C’est pas gentil de dire ça. C’est quoi la pyrite ? »
Le chevalier : « Je te demande pardon mon Léo. Mais la pyrite est réellement surnommée l’or des fous 🙂 C’est un sulfure de fer (FeS2). Elle se forme dans les sédiments pauvres en oxygène. Le fer vient des roches ou de la matière organique. Le soufre est surtout d’origine organique. Les protéines en contiennent et leur dégradation donne des sulfates (So42-) mais en absence d’oxygène, des bactéries réduisent les sulfates, ce qui produit de l’hydrogène sulfuré (H2S). C’est un produit très toxique qui sent l’œuf pourri. Ensuite l’hydrogène sulfuré se combine avec le fer et on obtient de la pyrite. Sa présence nous indique donc une faible teneur en oxygène de la mer et des sédiments et un milieu de vie assez inhospitalier. »
Léo : « Tu en connais des choses chevalier ! »
Max : « C’est normal ! Il a vu tout ça se former. »
Le chevalier : « Max, tu penses vraiment que je suis aussi vieux que ça ? »
Max : « Bien sûr que non bonome. Mais dès qu’on te montre quelque chose, tu nous expliques tout. Là, Léo te montre un caillou doré et tu nous expliques que la mer manquait d’oxygène, comme si tu y étais. Nous, on commence la géologie. On est néophytes. On voit de belles roches et on arrive un peu à les distinguer les unes des autres. Toi, quand tu vois un caillou, tu nous racontes l’histoire du monde depuis sa création. Alors ça nous amuse de nous moquer de toi en disant que tu t’es baigné dans les mers de l’Ordovicien. Des fois, quand t’es pas là, on t’imagine dans les temps anciens, parmi les dinosaures et tous les zanimos bizarres que tu nous présentes comme si tu les avais vus la veille. C’est pas méchant. »
Le chevalier : « Je sais bien que vous n’êtes pas méchants mes petizours. Ça vous amuse vraiment de m’imaginer aux temps anciens ? »
Léo : « Oui 🙂 On rigole bien. Un jour on te racontera 🙂 »
Le chevalier : « D’accord 🙂 Bon, allez chercher des fossiles, je vous attends ici. »
Max : « On court pas ! Promis ! »
…
Léo : « Venez ! J’ai trouvé un moulage externe de trilobite ! »
Max : « Et moi un moulage interne de gastéropode ! »
Le chevalier : « Et là il y a un moulage interne de brachiopode 🙂 »
Léo : « C’est quand même pas des fossiles qui vont finir dans des musées 🙁 »
Max : « On est un peu ridicules avec nos trouvailles toupourries 🙁 »
Le chevalier : « Vos découvertes sont très intéressantes mes petizours. Elles nous renseignent sur la faune qui vivait dans la mer de l’époque. »
Léo : « Après l’Arénig la mer est devenue plus profonde. C’est pour ça que c’est des schistes. Les vagues de beau temps n’ont plus eu d’influence sur les sédiments. Seules les grosses tempêtes ont pu laisser des traces. »
Le chevalier : « C’est exact. La plate-forme sous-marine s’est approfondie progressivement, ce qui explique que la transition entre les grès et les schistes soit si difficile à voir. Mais la profondeur s’est ensuite stabilisée. »
Max : « A quelle profondeur ? »
Le chevalier : « Difficile à dire. Il me semble qu’elle dépassait 200 mètres. Ce que je sais, c’est que la profondeur augmentait à mesure qu’on se déplaçait du nord (Normandie) vers le sud (Crozon). »
Max : « Mais bonome, à cette profondeur il n’y a plus des végétos. Ils mangeaient quoi les zanimos de nos fossiles ? »
Le chevalier : « C’étaient des organismes filtreurs ou des nécrophages. Les Arthropodes marins comme les trilobites sont souvent nécrophages. »
Léo : « Ils mangeaient les cadavres ? »
Le chevalier : « Oui, c’est la définition de nécrophage 🙂 D’autres filtraient la matière organique présente dans les sédiments. La faible teneur en dioxygène empêchait sa décomposition. Allez, venez voir les Grès de Kerarvail. »
Max : « Le vent s’était déchaîné ! »
Le chevalier : « Ne le dis pas trop fort ! Tu pourrais lui donner envie de nous faire une démonstration 🙂 »
Max : « Oh j’aimerais bien le voir souffler très fort un jour. Mais pas aujourd’hui. On a des tas de choses à voir ! »
Léo : « Ben oui ! On doit marcher 50 millions d’années ! »
Le chevalier : « Effectivement ! Alors avançons. Vous connaissez déjà les Schistes de Postolonnec supérieurs. »
Max : « Oui, on les a déjà vus à Postolonnec. Ici aussi il y a des dolérites ? »
Le chevalier : « Non, pas ici. »
Max : « Les volcans, c’était que là-bas alors. »
Le chevalier : « Pas seulement. Nous irons peut être voir d’autres traces de volcanisme un autre jour. Mais c’est plus au sud, dans le prolongement de l’Aber. »
Max : « Bonome, regarde, il y a des grottes. Tu crois qu’il y a des fossiles ? On peut aller voir ? »
Léo : « Tu vois quelque chose ? »
Le chevalier : « Oui, là, à gauche, il y a deux pygidiums de trilobites. Et plus à droite, on peut voir un gastéropode allongé et pointu. »
Max : « On peut chercher par terre ? Dans les cailloux, comme en Charentmaritimie. »
Le chevalier : « Si vous voulez 🙂 Mais la probabilité que vous trouviez un fossile est assez faible… »
Max : « J’en ai un ! Même que c’est un pygidium un peu usé. »
Le chevalier : « Max, où as-tu trouvé ce pygidium ? »
Max : « Ben là 🙂 »
Le chevalier : « Tu es sûr ? »
Max : « Ben oui 🙂 »
Le chevalier : « Parce qu’il ressemble étrangement à celui que j’ai trouvé ici l’an dernier et qui se trouvait dans la pochette contenant toutes vos affaires. »
Max : « Tiens, ça me fait penser qu’on t’a pas remercié pour les imperméables 🙂 Merci bonome, grâce à toi on sera pas tout mouillés 🙂 »
Le chevalier : « Max ! »
Max : « Oui, d’accord, c’est ton fossile. Je l’ai pris dans la pochette ce matin. Mais je voulais en trouver un, pour montrer à Princesse que je suis un bon fossileur… »
Le chevalier : « Tu es un bon fossileur Maxou. Pas la peine de tricher. Que va penser Princesse maintenant ? »
Max : « On est pas obligés de lui dire que j’ai triché. S’il te plaît. »
Le chevalier : « Je ne lui dirai rien. Promis. »
Max : « Merci mon bonome. Tiens, je te rends ton pygidium. »
Léo : « Hé ! Venez voir ! Il y a un changement de couche ici ! On passe des schistes à des grès ! »
Le chevalier : « Bien vu Léo ! Mais je ne pense pas que c’est le passage des Schistes de Postolonnec aux Grès de Kermeur. Quoi que… Peut-être… »
Max : « La transition se voit sur l’estran ! Léo, mets-toi sur les grès et moi je reste sur les schistes… Voilà ! On est dans des mers de profondeurs différentes:) Tu peux nous fotoer s’il te plaît ? Dépêche-toi, il se met à pleuvoir ! »
Léo : « Zutalor ! Il pleut fort ! On fait quoi ? On va pas rentrer quand même ? Peut-être que ça va pas durer… »
Le chevalier : « Vous êtes protégés par vos imperméables. On avance. Et pour les fotos, je prendrai celles de l’an dernier. »
Max : « Oulala ! Ça c’est de l’aventure ! On y va ! »
Max : « Heu… Bonome, tu vas où là ? Tu vas pas passer par là ! Tu préfères pas contourner le rocher et passer par le plage ? »
Le chevalier : « Si, mais il va nous falloir attendre une demi heure que la marée descende. »
Max : « Pas grave, on est pas pressés. »
Le chevalier : « Non, je n’attends pas. Allez, on passe. »
Max : « Et tu vas faire comment ? Parce qu’il y a de grandes cuvettes d’eau avec des tas de cailloux. Faut pas aller là ! C’est dangereux. »
Le chevalier : « Le plus simple est de passer par la paroi de droite. »
Max : « Passer par la paroi ? C’est quoi passer par la paroi ? »
Le chevalier : « En escalade on appelle ça une traversée. »
Max : « Tu vas pas faire ça ? Léo, aide-moi s’il te plaît. »
Léo : « Non, je voudrais le voir faire 🙂 Avec son gros manteau et son sacado, son appareil foto et ses deux petizours… Viens Maxou, on se poche. »
Max : « Tu le laisses faire l’escalade comme ça ! »
Le chevalier : « Max, il y a à peine 6 à 7 mètres à faire… Tu vois, ce n’était pas si terrible. »
Max : « Je te parle plus. J’ai eu peur que tu tombes 🙁 »
Léo : « Il s’en est plutôt bien sorti, tu ne trouves pas Maxou ? »
Max : « Vas-y, encourage-le à recommencer ! »
Le chevalier : « Ça suffit Max. Cesse donc de ronchonner. Allons voir les Grès de Kermeur. »
Léo : « Ça c’est de la falaise 🙂 Ils font quelle épaisseur les Grès de Kermeur ? »
Le chevalier : « 220 mètres il me semble. Ils débutent par un conglomérat. Ce que nous avons vu tout à l’heure n’était pas la limite entre les deux formations… Le conglomérat indique qu’il y a eu émersion. La mer s’est retirée avant une nouvelle transgression. Une mer peu profonde est venue recouvrir la plate-forme. »
Max : « Un mer peu profonde ? Avec action des vagues de beau temps ? Il peut y avoir des ripples-marks alors ! Venez, on va voir sur la paroi. »
Max : « Bof… Pas terrible ces ripples-marks. Elles sont tout érodées. On les voit à peine… » Le chevalier : « Prenons un peu de recul pour observer la partie inférieure de ces grès. » |
Léo : « Il y a des passages de schistes. C’est à cause des variations du niveau de la mer. Elle est devenue plus profonde mais pas longtemps. »
Le chevalier : « C’est exact. Un examen attentif de la falaise montrerait qu’il y a eu plusieurs cycles de transgressions-régressions. »
Léo : « Ben, c’est un peu normal avec les mers peu profondes. A la moindre baisse du niveau de la mer, il y a plus d’eau du tout. »
Max : « Donc, on est encore dans un environnement côtier avec des fleuves qui apportent des sables et des argiles. Vous avez vu la faille ? »
Léo : « Oui, elle coupe la falaise en biais. Mais c’est pas une faille très importante. »
Max : « Bonome, tu peux fotoer le bas de la falaise s’il te plaît. Je trouve ça très beau l’alternance de grès jaunes en cubes et de schistes sombres en feuillets. »
Le chevalier : « Avançons pour voir la partie supérieure des Grès de Kermeur. »
Max : « Il y a des plis. »
Léo : « Ils vont dans un sens puis dans l’autre. »
Le chevalier : « On les appelle des plis en genou. »
Léo : « J’ai quand même du mal à concevoir qu’une couche de 220 mètres d’épaisseur de roches soit redressée presque à la verticale, et qu’en plus elle soit tout pliée comme ça. »
Max : « C’est à cause de la tectonique Léo. »
Léo : « Je sais Maxou, mais tu te rends compte du temps que ça prend ? Parce que pour le moment, le chevalier nous explique les dépôts des sédiments. Mais après, il faut bien les transformer en roches et puis former les montagnes pour qu’il y ait les plis. Et encore après, il faut tout éroder les montagnes. Parce que en Bretagne il y en a pas des montagnes. Moi ça m’impressionne tout ça. Ça donne un peu le vertige. »
Max : « Je te comprends Léo. Mais je suis presque sûr qu’il nous réserve encore des surprises. Encore plus impressionnantes… »
Le chevalier : « Venez mes petizours, continuons notre voyage dans le temps… Voici le passage au Schiste du Cosquer. »
Max : « Le gros rocher là, c’est les Schistes du Cosquer ? »
Le chevalier : « Non, il est constitué de grès de Kermeur. A la fin du Caradoc moyen, vers 444 millions d’années, la mer s’est retirée en raison d’une glaciation. Une gigantesque calotte de glace recouvrait l’Afrique, entraînant une diminution du niveau marin de 150 mètres. Ceci s’est traduit par l’émersion des fonds marins et leur érosion. Plus tard, vers 442 millions d’année la calotte a fondu provoquant le retour de la mer et la reprise de la sédimentation. Un conglomérat s’est mis en place et il a comblé les reliefs dus à l’érosion. Le passage des grès aux schistes se voit dans ce que tu appelles le gros rocher. J’ai trouvé une foto sur laquelle est indiquée la limite. A gauche ce sont les Schistes du Cosquer au sens strict. »
Max : « La dalle qui forme le toit de la grotte, elle appartient à quelle formation ? »
Le chevalier : « C’est le conglomérat de base de la formation du Cosquer. »
Léo : « Et la roche noire après ? C’est des schistes ? »
Max : « C’est quoi ? Il y a des morceaux de je-sais-pas-quoi dans les schistes. »
Léo : « Ça fait comme des grumeaux. »
Max : « Mais on voit des couches dans les grumeaux. »
Léo : « C’est étrange. »
Max : « Je dirais même que c’est bizarre. »
Léo : « Ben oui. Tu sais bien qu’il repousse l’étrange aux limites du bizarre 🙂 »
Max : « C’est quoi ? »
Le chevalier : « Vous avez compris que les schistes indiquent une sédimentation de plate-forme en domaine assez profond. Mais au bord de cette plate-forme il y a une pente, le talus, qui remonte un peu brutalement. Au sommet du talus, la mer est très peu profonde. »
Max : « C’est le bord de mer. Et c’est du sable qui se dépose. »
Léo : « Et les sables donnent des grès. »
Le chevalier : « Oui, vous avez tout compris 🙂 Ce que vous appelez des grumeaux sont des morceaux de dépôts sablo-gréseux qui sont tombés le long du talus et ont été inclus dans les schistes. »
Max : « Mais pourquoi ils sont tombés ? »
Le chevalier : « Probablement à cause de séismes… »
Max : « Encore des séismes ? Eux aussi ils étaient dus à un mouvement de compression, comme pour les phyllades de Douarnenez ? »
Le chevalier : « J’ai lu quelque part que les mouvements étaient distensifs. »
Max : « Ça s’écartait ? D’accord. Tu sais pourquoi ? »
Le chevalier : « Non, je reconnais mes limites. Nous arrivons à l’anse de Lamm Saoz. Je vous propose de faire une pause. »
Max : « Moi je veux bien faire une pause parce qu’on a déjà beaucoup marché. »
Le chevalier : « Arrêtons-nous là et profitons du panorama sur l’Anse de Lamm Saoz. »
Léo : « C’est beau ! On va y aller aussi ? »
Max : « Ben oui, il l’a annoncé tout à l’heure. »
Léo : « On a parcouru combien de millions d’années déjà ? »
Le chevalier : « De l’Arénig à la fin de l’Ashgill… 50 millions d’années 🙂 »
Max : « C’est ce que tu avais annoncé 🙂 »
Le chevalier : « Alors je m’étais trompé 🙂 A Lamm Saoz nous allons parcourir 50 autres millions d’années… »
Max : « Encore 50 millions d’années ! »
Léo : « On aura marché 100 millions d’années ! »
Max : « Et si on ajoute les phyllades de ce matin, ça fait combien ? »
Le chevalier : « De 600 à 385 millions d’années… »
Max : « 215 millions d’années ! Léo tu te rends compte ! On aura exploré 215 millions d’années ! »
Léo : « Rholala ! C’est pas tout le monde qui fait ça dans la journée 🙂 Rhooo ! »
Max : « Bonome, je peux te poser une question ? Mais j’ai peur qu’elle soit un peu bête… »
Le chevalier : « Ne crains rien mon petitours. Je t’écoute. »
Max : « Ben, c’est que les couches se déposent les unes sur les autres. Alors normalement on devrait voir que le sommet de la dernière. Pourquoi on voit toutes les couches côte à côte ici ? »
Léo : « Je crois que je sais. Je peux proposer une réponse ? »
Le chevalier : « Bien sûr Léo. »
Léo : « C’est parce que les couches sont très penchées. On avoit bien que les grès de Kermeur sont presque verticaux. C’est pour ça qu’on voit toutes les couches côte à côte. »
Max : « J’aurais pu y penser ! Je suis bête moi 🙁 »
Le chevalier : « Non Maxou. Tu as vu beaucoup de choses et tu es fatigué. Tu sais, c’est toujours difficile de comprendre ce qu’on voit sur le terrain. C’est souvent de retour dans la cabane, en relisant les documents et en observant attentivement les photographies que tout s’éclaire. Tiens, il m’a fallu des mois pour comprendre que la coupe que nous venons de parcourir est en fait le flanc Est d’un vaste anticlinal dont le cœur est occupé par les phyllades de Dournenez, que nous avons observées à Pen Hat Et Porzh Naye. »
Max : « Tu peux me rappeler ce que c’est un anticlinal s’il te plaît. »
Le chevalier : « Un vaste pli dont la courbure se fait vers le haut. »
Max : « Ah oui ! Comme le A de Anticlinal. Mais en arrondi et sans la barre horizontale 🙂 »
Le chevalier : « C’est ça 🙂 »
Max : « Mais c’est tout plat ! Ça peut pas être un anticlinal ! »
Le chevalier : « Sauf si il a été entièrement érodé. Regardez cette coupe. »
Léo : « On voit tout ce qu’on vient de faire ! »
Le chevalier : « Mais il faudrait ajouter les grès armoricains puis les phyllades de Douarnenez à gauche. Puis de nouveau les grès armoricains de la Pointe du Toulinguet. Observez bien le sens dans lequel penchent les couches. »
Max : « Le pendage ? Il est vers le nord ouest. »
Le chevalier : « Maintenant, reprenons la carte… »
Léo : « Il y a pas la légende 🙁 »
Le chevalier : « Vert : Phyllades ; Jaune : Grès armoricains ; Bleu : Schistes de Postolonnec ; Gris : Grès de Kermeur ; Orange : Schistes du Cosquer. Voyez-vous apparaître l’anticlinal ? » |
Max : « Pas vraiment… »
Le chevalier : « Reliez les limites des couches par un arc de cercle imaginaire au dessus de la feuille. »
Max : « Mmmmm… Oulala ! J’ai compris ! »
Léo : « Je crois que moi aussi ! »
Max : « Mais… C’est pas possible… Ça veut dire qu’au dessus des phyllades il y a les arcs de cercle de toutes les autres formations avec leur épaisseur. Tu peux les redonner ces épaisseurs s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Grès armoricains : 600m ; Schistes de Postolonnec : 450m ; Grès de Kermeur : 220 m ; Schistes du Cosquer : 190 m. »
Max : « Soit environ 1500 m ou encore 1,5 km. Bonome, il est où ce kilomètre et demi de roche ? C’est l’érosion qui l’a enlevé ? »
Le chevalier : « Ce n’est pas moi qui l’ai pris 🙂 »
Léo : « C’est possible d’éroder 1,5 km d’épaisseur de roches ? »
Le chevalier : « Je crois que vous venez de comprendre que oui 🙂 La Bretagne appartient à une ancienne chaîne de montagnes appelée Massif Armoricain. Tout porte à croire que cette chaîne dépassait les Alpes en altitude. »
Léo : « Mais il y a pas des montagnes en Bretagne. C’est tout plat ! »
Le chevalier : « Pas tout à fait. Le plus haut sommet dépasse les 300 mètres 🙂 »
Max : « C’est pas des montagnes ça ! »
Le chevalier : « Parce que l’érosion est passée par là 🙂 »
Léo : « Rholala ! C’est bien la géologie ! »
Max : « Oui c’est bien, mais c’est compliqué. On regarde des paysages sur des kilomètres mais pour comprendre il faut regarder des cailloux tout petits. Les durées sont en millions d’années mais les mouvements se font au cours de tremblements de terre qui durent 10 secondes. Et puis, normalement, il y a rien de plus immuables que les montagnes et toi tu fais rien qu’à nous dire qu’elles apparaissent puis qu’elles disparaissent. »
Léo : « Et puis les roches qu’on voit se sont formées dans des mers dont la profondeur faisait rien qu’à changer. »
Max : « Et les roches se plient. »
Léo : « Et puis elles se cassent… »
Max : « C’est compliqué la géologie. »
Le chevalier : « On continue quand même ? »
Max : « On va là ? A Lamm Saoz ? »
Léo : « Pour 50 millions d’années supplémentaires ? »
Le chevalier : « Oui 🙂 »
Max : « D’accord ! »
Léo : « On y va ! »
Ben oui, c’est un trèèèès grand garçon 🙂
Et on a pas besoin de pulls nous. On est des petizours. On a une grosse fourrure pour l’hiver 🙂
Ça ne m’étonne pas de votre chevalier 🙂 Il assume les risques, dit-il, c’est un grand garçon, c’est sûr, depuis l’époque où il se baignait dans les mers de l’Ordovicien 😉
En tous cas, s’il continue de se casser de partout, il faudra qu’il se mette au tricot et à la broderie pour s’occuper, en attendant de se recoller 😉 Il pourrait peut-être vous tricoter des pulls pour l’hiver 😉
Bonjour Brindille 🙂
Je ne sais pas si tu te souviens mais au début Léo ne voulait pas trop faire de géologie 🙂 Maintenant il est encore plus intéressé que moi.
Et puis la pédagogie c’est bonome qui nous apprend. Il fait pas de l’auto-socio-construction des savoirs lui. Il explique. Et si on l’écoute attentivement on comprend tout. Même si des fois il faut réviser à la cabane parce que c’est quand même un peu compliqué la géologie.
Je fais ce que je peux pour le surveiller mais il dit toujours qu’il assume les risques, qu’il sait ce qu’il fait… Et même Léo s’y met : il dit que si on veut pas prendre de risques, il faut faire du tricot. Alors il faudra pas s’étonner si un jour il est encore pire tout cassé 🙁
Gratouillis aussi.
Coucou Max !
Merci pour ce nouvel article ! Léo et toi, vous êtes de grands pédagogues ! On apprend tant de choses avec vous ! Moi qui n’étais pas intéressée par la géologie à la schola, je trouve cela passionnant grâce à vous !
Et merci pour le tableau de l’Ordovicien et la photo numérotée. Cela nous aide à nous repérer entre les grès, les schistes et tout ça !
Super aussi, Léo, tes résumés en fin d’article, car oui, c’est compliqué la géologie ! C’est une véritable démarche de police scientifique que vous menez !
Prenez bien soin du chevalier, car il est tellement passionné par ce qu’il fait qu’il semble bien imprudent parfois, oulala le vilain 🙂
Je compte sur vous pour le surveiller ; il est déjà toucassé, il faudrait pas qu’il recommence ses triples axels sur les rochers glissants !
Gratouillis à tous les deux 🙂
😉