69 – Le Royaume des Sternes de Mer

Mercredi 30 Décembre, An II

Le chevalier : « Max ! Léo ! Les petizours ! Il est l’heure de vous lever. »

Max : « Mmmmmm… ondorencor… »

Le chevalier : « Debout ! Il faut aller inspecter ! »

Max : « Oui oui, on arrive… »

Le chevalier : « N’auriez-vous pas fait les fous hier soir au lieu de dormir ? »

Max : « Un peu… on est des juvéniles nous… tuveupanoulaissédormir ? »

Le chevalier : « Allez debout ! Je vous laisse le temps d’un café pour vous préparer. »

Max : « Léo ! Léo ! Réveille-toi ! Il faut aller inspecter. »

Léo : « Mmmmm… on va aux zoisos ? »

Max : « Si on sort de nos lits… »

Léo : « Allez Max, debout ! On va aux zoisos ! »

Le chevalier : « Bonjour Léo ! Déjà prêt ? »

Léo : « Bonjour chevalier ! Oui oui, je suis prêt. J’ai même déjà mis mon sacado 🙂 »

Le chevalier : « Et max ? »

Léo : « Il arrive. »

Le chevalier : « Vous avez fait les fous hier soir ! »

Léo : « Oui, on s’est endormis quand tu nous as couchés mais après j’ai siffloté en rêvant. Ça a réveillé Max qui m’a réveillé et on s’est chamaillés, mais pas méchamment. Et puis Max a imaginé que tu arrivais et il t’a imité : ‘Dites les foulques, vous allez arrêter de vous chamailler ou je vous ploufe !‘ Il a essayé de faire un regard sévère, comme tu fais des fois. Ça m’a fait rigoler et Max a fait semblant de se vexer et on a fait la bagarre. Mais pour s’amuser, parce qu’on est des juvéniles et qu’on aime bien s’amuser. Et puis après on s’est recouchés et on a dormi. Tu es fâché contre nous ? »

Le chevalier : « Bien sûr que non 🙂 Mais vous allez être fatigués aujourd’hui et j’avais prévu une longue journée. »

Léo : « Avec des zoisos ? »

Max : « Des tas de zoisos ! Il y en a beaucoup au Royaume des Sternes de mer ! »

Le chevalier : « Tu es enfin prêt ! Comment sais-tu que nous allons inspecter ce Royaume ? »

Max : « Bonome, c’est notre dernier jour à la mer et on l’a pas encore inspecté. Qu’est ce qu’elle dirait Princesse si on y allait pas ?! Tu t’es caféiné ? On peut y aller ? »

Le chevalier : « Allons-y. »

Pendant la chevauchée…

Max : « Tu vas voir Léo, il est très beau ce Royaume. C’est un grand estran sablo-vaseux, avec quelques rochers et une longue plage. On va pas à la plage parce qu’il y a pas beaucoup des zoisos à la plage. On marche sur l’estran dans tous les sens en faisant attention à pas mettre les pieds dans la vase, à pas glisser sur les cailloux et à pas ploufer les pieds dans les flaques. »

Léo : « C’est dangereux alors ! »

Max : « Un peu. Mais bonome fait très attention. Parce qu’il risquerait d’abîmer ses appareils fotos si il tombait. Et pour ses petizours aussi. »

Léo : « Et il y a des zoisos ? »

Max : « Tu sais bien que bonome nous en trouve toujours 🙂 Cet été on a vu des sternes : la pierre-garin, la caugek et la naine. »

Léo : « Tout ça de sternes ! Rhooo la chance ! J’aimerais bien voir des sternes. Mais elles sont pas là l’hiver 🙁 Elles migrent tout là-bas. »

Max : « Mais on verra d’autres zoisos. Tiens, on s’arrête. Je crois qu’on arrive. »

69 01 L'estran

Le chevalier : « Max et Léo, vous pouvez sortir. Nous sommes arrivés. »

Max : « Bonome, je peux te poser une question ? »

Le chevalier : « Oui, bien sûr. »

Max : « L’estran est tout plat et il est bordé de falaises. Pourquoi il y a pas de falaises à la place de l’estran ? »

Le chevalier : « C’est à cause de l’érosion Max. Les falaises s’érodent petit à petit et laissent la place à un platier. »

Léo : « Ça veut dire que la falaise recule et que la mer avance, alors. »

Le chevalier : « Oui Léo. Je vous expliquerai tout ça tout à l’heure. »

Max : « Tu n’oublieras pas ? »

Le chevalier : « Promis Maxou. Je vous emmènerai voir de belles falaises pour illustrer mes explications. »

Max : « D’accord. On joue aux zoisos ? »

Le chevalier : « Non, vous ne connaissez pas bien les oiseaux que nous allons rencontrer. Le jeu ne serait pas drôle. »

Max : « Parce que tu sais qui on va voir, toi ! »

Le chevalier : « J’en ai déjà aperçu quelques uns et les déterminations ne vont pas être faciles. Nous jouerons peut être plus tard. »

Léo : « Oui chevalier. D’abord, tu nous expliques. Lui, par exemple. Celui qui pique son bec dans la vase, c’est qui ? Tu nous le présentes s’il te plaît ? »

69 02 Bécasseau variable 69 03 Bécasseau variable

Le chevalier : « C’est un bécasseau variable. »

Max : « Calidris alpina ? »

Le chevalier : « Oui Max. tu as l’air surpris. »

Max : « Moi j’aurais dit que c’était un bécasseau sanderling. Il est gris et blanc et il a pas de tâche noire sur la poitrine. »

Le chevalier : « C’est parce que tu te souviens du bécasseau variable en plumage nuptial. »

Max : « Oulala, ça commence mal 🙁 Et comment tu fais pour les distinguer quand ils sont tous les deux gris et blancs ? »

Le chevalier : « Il y a un détail qui aide beaucoup, quand on arrive à le voir. Le sanderling n’a pas de doigt tourné vers l’arrière. »

Max : « Ah ouai, d’accord. Il faut compter ses doigts. Facile ! Et je te rappelle que nous, on a pas de doigts. »

Léo : « Max ronchonne 🙂 Vous avez pas dit sa famille à Calidris alpina. »

Max : « Tu sais pas ? C’est un Scolopacidé le bécasseau. »

Léo : « Oups, j’avais oublié. »

Le chevalier : « Voilà pourquoi il faut vous coucher tôt et ne pas faire les fous ! Sinon le lendemain vous êtes fatigués et vous oubliez tout. »

Max : « Et ce zoiso ? Là-bas. C’est qui ? Il est encore gris et blanc … » 69 04 Pluvier argenté

Le chevalier : « Oui, mais il est plus grand et plus tacheté. Plus noir. Son bec est plus court que celui du bécasseau variable. C’est le pluvier argenté. »

Léo : « Pluvialis squatarola ? Le Charadriidé ? »

Max : « Celui qui a des taches noires aux aisselles ? »

Le chevalier : « Oui et oui ! Bravo mes petizours. »

69 05 Goéland brun

Léo : « Là-bas il y a un Laridé. Tu arrives à voir qui c’est ? Je vois pas bien moi. »

Le chevalier : « Max, veux-tu prêter tes jumelles à Léo ? »

Max : « Non, je peux pas. Je les ai oubliées. »

Le chevalier : « Tu aurais peut être pensé à prendre tes affaires si tu avais assez dormi. »

Max : « Oui bonome. Tu as raison bonome. On a compris. Ça suffit maintenant. Dis nous plutôt qui c’est ce Laridé. »

Léo : « Il a le dos gris sombre, mais pas presque noir. Et j’ai l’impression que ses pattes sont jaunes. Larus fuscus ? »

Max : « Oui, le goéland brun. Tu en penses quoi bonome ? »

Le chevalier : « Que c’est probablement un goéland brun. Avez-vous vu l’oiseau qui est sur sa droite ? On dirait une barge rousse… »

Max : « On peut aller voir. »

Léo : « Max, c’est tout vaseux. C’est dangereux. Il faut pas y aller. On la verra plus tard chevalier. »

Max : « Dis lui en zoiso de venir plus près tout à l’heure, avec ses copines, qu’on puisse bien les voir et les fotoer. »

Le chevalier : « Pour montrer à Princesse ? »

Max : « Non, pour tes petizours ornithologues 🙂 »

Léo : « Regardez ! Il y a d’autres bécasseaux variables. Ils sont très beaux ces bécasseaux. Il est bien ce Royaume 🙂 »

69 07 Bécasseau variable 69 08 Bécasseau variable
Max : « Et là-bas il y a un autre goéland brun. C’est pas un pluvier argenté qui passe derrière lui ? » 69 09 Goéland brun

Le chevalier : « Si Max. Dis donc, tu as des superzieux ! »

Max : « C’est à cause de sa taille et de son bec. Tu as raison, il est bien plus grand que le bécasseau variable et son bec est plus court. »

Le chevalier : « Vous apprenez vite. Je suis fier de vous. »

Léo : « Tu connais les tailles de ces zoisos ? »

Le chevalier : « Pour faire simple, je dirais 20 cm pour le bécasseau et 30 pour le pluvier. »

Max : « Grand gravelot ! Charadrius hiaticulata, Charadriidés ! Je le connais celui-là. »

69 10 Grand gravelot 69 11 Grand gravelot

Léo : « On dirait qu’il a le bout du bec sale ! »

Max : « Peut être. Il est trop loin pour qu’on voit. Mais c’est normal qu’il ait deux couleurs : la base est orange et le bout est noir. C’est comme ça chez les grands gravelots. »

Le chevalier : « Pas toujours Max. »

Max : « Comment ça, pas toujours ? »

Le chevalier : « Ce n’est que chez les adultes en plumage nuptial. »

Max : « Mais c’est l’hiver ! Qu’est ce qu’il fait en plumage nuptial ? Dis lui d’aller se changer bonome. Ça va pas du tout ça ! »

Le chevalier : « 😀 »

Léo : « Il y a un dimorphisme sexuel chez les grands gravelots ? »

Le chevalier : « Très léger. La zone noire autour des yeux est plus nette chez le mâle que chez la femelle. Là, je pense que c’est un mâle. »

Léo : « Brenta bernicla, Anséridés ! »

Max : « On fait le jeu alors ! »

Léo : « Qu’est ce qu’elle est belle ! »

69 12 Bernache cravant

Le chevalier : « Dites tous les deux, que pensez-vous de ce goéland ? »

69 14 Goéland

Max : « Il a le dos gris… Gris ardoisé assez foncé… ou noirâtre ? »

Léo : « Ses pattes sont pas nettement jaunes. Rose terne ? »

Max : « Il a la tête et le cou striés de gris… »

Léo : « L’œil est jaune. »

Max : « C’est bizarre. »

Léo : « Il a le dos du goéland brun, les pattes du marin… »

Max : « Et des stries… Qu’est ce que tu en penses, toi ? »

Le chevalier : « Je ne sais pas vraiment… C’est compliqué les Laridés. Si j’osais, je dirais que c’est un Larus intermedius. »

Max : « Et pourquoi tu oses pas ? »

Le chevalier : « Je n’en ai jamais vu. Je ne sais même pas s’il y en a ici. »

Max : « Ben tu dis que c’est une hypothèse. C’est toi qui m’as dit qu’on pouvait avoir faux quand on hypothèse. C’est pas comme quand on dit des erreurs. »

Le chevalier : « Merci Max. C’est gentil. »

Léo : « Calidris alpina, Scolopacidés. »

69 17 Bécasseau variable 69 18 Bécasseau variable

Max : « Mais… on était en train de parler ! Tu triches encore ! »

Léo : « Quand c’est pas toi qui annonces un zoiso, c’est toujours de la triche ! Mauvais joueur ! »

Max : « Je suis pas mauvais joueur. Je suis un bon gagnant 🙂 »

Léo : « Pfff… »

Le chevalier : « Regardez plutôt les bécasseaux. En particulier l’individu de droite de la photographie de droite. Son doigt postérieur est visible. »

Max : « Le petit machin noir qui dépasse à peine ? »

Le chevalier : « Oui Max. Léo, le vois-tu ? »

Léo : « Oui. C’est ça qui permet de distinguer le bécasseau variable du bécasseau sanderling ? »

Le chevalier : « En cas de doute, oui. »

Max : « Pluvialis squatarola, Charadriidés. » 69 19 Pluvier argenté

Léo : « Bien vu Max ! ZOISOS ! »

Max : « Quoi zoisos ? »

Léo : « Regarde là-bas ! »

69 21 Des zoisos 69 23 Goéland marin

Max : « Oulala, il y en a plein ! Mais ça compte pas. Tu as pas donné les noms d’espèces en scientifique. »

Léo : « Tadorna tadorna et Chroicocephalus ridibundus ! »

Max : « Pfff, t’as pas donné les familles ! »

Léo : « Anatidés et Laridés ! »

Max : « Bon d’accord, ça compte. Je vais encore perdre… »

Léo : « On joue Maxou, on gagne pas 🙂 »

Max : « C’est quoi les autres zoisos ? Le Laridé et le Scolopacidé. »

Le chevalier : « Un goéland brun et un bécasseau variable. »

Max : « Tu en es sûr ? »

Le chevalier : « Non, ce sont des hypothèses. Je ne les vois pas bien. Léo, qu’est ce qui te fait sourire comme ça ? »

Léo : « La mouette rieuse qui fait sa toilette. On dirait qu’elle se noie 🙂 » 69 23 Mouette rieuse
69 24 Mouette rieuse 69 25 Mouette rieuse
69 26 Mouette rieuse 69 27 Mouette rieuse
69 28 Mouette rieuse 69 29 Mouette rieuse

Max : « Regardez de l’autre côté, dans le bassin. Qu’est ce qu’il fait le Laridé ? Il se ploufe tout seul ! Il va pas bien dans sa tête. C’est à cause du soleil ça. Bonome, il va falloir distribuer des casquettes aux Laridés pour pas qu’ils se ploufent tout seuls. »

69 31 Un goéland 69 32 Un goéland
69 33 Un goéland 69 34 Un goéland
69 35 Un goéland Le chevalier : « Il pêche Maxou. Quand il repère une proie, il s’extrait de l’eau, s’élève un peu puis pique dessus. Avec un peu de chance, il l’attrape et l’avale. Gloub la proie 😉 »

Léo : « Et tu le reconnais ce Laridé ? Moi j’y arrive pas. »

Le chevalier : « Moi non plus petit Léo. Mais c’est pas grave, il est beau quand même ce Laridé. »

Max : « Bonome, tu m’imites là ! »

Le chevalier : « Oui Maxou. J’aime bien ton expression ‘Gloub le poisson‘ et tu as raison de dire que les oiseaux sont beaux même si on ne connaît pas leur nom. »

Max : « Tu te moques pas alors. »

69 36 Tadorne de Belon

Le chevalier : « Non mon petitours… Tadorna tadorna ! Anatidés ! »

Max : « Parce que toi aussi tu joues !!!

J’ai aucune chance de gagner alors 🙁 »

Léo : « Chut ! Il dort le tadorne. Il faut pas le réveiller. »

Max : « Brenta chépukoi ! Là ! Et là aussi ! »

69 38 Bernache cranant 69 39 Bernache cravant
69 42 Bernache cravant 69 43 Bernache cravant

Léo : « Brenta chépukoi ? C’est quoi ce zoiso ? »

Max : « La bernache cravant ! C’est le genre Brenta mais je me souviens plus du nom d’espèce. C’est peut être parce que j’ai mal dormi à cause d’un siffloteur nocturne. »

Léo : « D’accord, on te compte le point. »

Max : « Merci Léo 🙂 Bonome, pourquoi la bernache qui est en train de manger a des liserés blancs sur les plumes de ses ailes ? L’autre en a pas. Tu sais pourquoi ? »

Le chevalier : « Tu observes vraiment bien mon petitours. Je n’avais pas vu ce détail. »

Max : « Tu peux pas nous expliquer alors. Tant pis. »

Le chevalier : « Nous pouvons regarder dans ton beau livre… Apparemment les liserés blancs ne sont présents que chez les juvéniles lors de leur premier hiver. »

Max : « C’est un juvénile alors. »

Le chevalier : « Mais tu ne vas pas te chamailler avec lui ! »

Max : « J’ai pas envie de me chamailler aujourd’hui. Je suis trop fatigué. »

Le chevalier : « Si tu veux nous pouvons faire une pause sur les rochers. Vous vous installerez sur mes genoux et je vous gratterai le front. Tu es d’accord Léo ? »

Léo : « Oui, moi aussi je suis fatigué… Il est beau ce pluvier. On voit de beaux zoisos dans ce Royaume. On va sur ces rochers ? Oh ! Une bergeronnette ! » 69 44 Pluvier argenté

Max : « C’est une bergeronnette grise mais on va encore passer des heures pour savoir si c’est Motacilla alba alba ou Motacilla alba yarrelli… »

69 45 Bergeronnette 69 46 Bergeronnette
69 47 Bergeronnette 69 48 Bergeronnette

Léo : « Il faut décrire le zoiso Maxou et après on regardera dans ton beau livre. »

Max : « Il y a une virgule noire sur les joues et la calotte est noire. »

Léo : « Tu crois que c’est suffisant ? »

Max : « Je m’en fiche. Je veux siester sur mon bonome. A tout à l’heure. »

Léo : « Tu crois qu’il va vraiment dormir ? »

Le chevalier : « Il dort déjà 🙂 »

Léo : « Et la bergeronnette ? »

Le chevalier : « D’après ce qu’a dit Max, c’est un mâle yarrelli en plumage internuptial. Tu veux dormir un peu aussi ? »

Léo : « Mais qu’est ce que tu vas faire toi ? »

Le chevalier : « Attendre un peu, regarder les oiseaux… Puis je vous installerai dans ma poche. »

Léo : « J’y vais tout de suite. Et je crois que tu peux pocher Max 🙂 A tout à l’heure… Dis, si tu vois un beau zoiso, tu n’oublies pas de nous réveiller s’il te plaît. »

Le chevalier : « Max ! Léo ! Réveillez-vous ! »

Les petizours sortent leur tête de la poche, les yeux encore pleins de sommeil…

Le chevalier : « Regardez ! »

69 49 Courlis cendré 69 50 Courlis cendré

Léo : « Rholala ! Il en a un long bec lui ! »

Max : « C’est un courlis ? »

Le chevalier : « Oui, un courlis cendré (Numenius arquata, Scolopacidés). D’après la longueur du bec, je pense que c’est une femelle. »

Léo : « Pourquoi tu dis ça ? »

Le chevalier : « Chez le courlis cendré, la femelle a un bec plus long que le mâle. »

Max : « On a vu les deux courlis alors, le cendré et le corlieu. »

Léo : « Rhoooo la chance… Et celui là, vous le connaissez ? »

Max : « Tu le connais pas ? Bonome, Léo l’a jamais vu ? »

69 53 Tournepierre à collier

Le chevalier : « Je n’arrive plus à savoir tout ce que Léo a vu, ce que vous avez vu tous les deux ou ce que tu as vu avant son arrivée. »

Max : « Pas grave. C’est un tournepierre à collier, Arenaria interpres, Charadriidés. Il retourne les pierres pour trouver les petits crustacés dont il se nourrit. Ou alors il pique son bec dans la vase pour trouver des vers ou des bivalves. Cet été on en a vu un qui avait trouvé un petit crabe. Il s’est sauvé parce qu’il avait peur qu’on lui chipe son crabe. On a même pas eu le temps de lui dire qu’on est pas crabivores. »

Le chevalier : « Crabivore ? »

Max : « On dit pas crabivore ? Crabophage alors ? »

Le chevalier : « En petitoursien les deux se disent 🙂 »

Max : « Bonome ! Fotoe-vite ! Les bernaches cravants vont se poser ! »

69 54 Bernache cravant 69 55 Bernache cravant

Max : « Montre-moi les fotos… Zutalor ! On les voit pas bien. Princesse verra pas l’atterrissage des bernaches cravants. Tant pis. »

69 56 Grand gravelot Léo : « Charadrius hiaticulata, Charadriidés ! Il a pas de orange sur le bec. C’est un juvénile ? »

Le chevalier : « Probablement. Je ne sais pas pourquoi mais depuis quelques temps je redoute de rencontrer des juvéniles 🙂 »

Max : « T’inquiète pas bonome, je suis pas en état de lui courir après. Regardez le goéland ! Il vient de se réveiller et il s’étire. C’est rigolo 🙂 » 69 57 Goéland brun
69 58 Goéland brun 69 59 Goéland brun

Léo : « Vous avez vu ? Un gravelot est passé ! C’est qui ce goéland ? On dirait un goéland brun. »

Max : « Dos gris ardoisé, pattes jaunes… ça doit être ça. Larus fuscus, Laridés. C’est beau les Laridés. »

Léo : « Il y a un autre grand gravelot. Il y en a beaucoup ici. »

69 60 Grand gravelot 69 61 Grand gravelot

Max : « Pas tant que ça ! Ce sont quelques individus isolés. Parfois ils forment de grands groupes de dizaines d’individus. On en a vu cet été. Bonome, tu veux pas avancer sur l’estran pour voir d’autres zoisos ? Mais tu fais attention à pas tomber ni t’enfoncer dans la vase. »

Le chevalier : « D’accord. Alors allons vers la pointe de la falaise. Il y a moins de sédiments sur le platier. Je m’enfoncerai moins. »

Max : « Pourquoi il y a des supports en fer là-bas ? »

Le chevalier : « Parce que des ostréiculteurs faisaient pousser des huîtres. »

Max : « Comment on fait pour faire pousser les huîtres ? »

Le chevalier : « Il faut d’abord faire se développer les naissains, c’est à dire les larves. Cela se fait dans des bassins. Quand les huîtres font quelques centimètres on les met dans des sacs et on pose les sacs sur des supports en métal sur l’estran. Les huîtres se nourrissent en filtrant l’eau. Mais il faut retourner et secouer les sacs régulièrement. C’est très difficile comme métier. »

Max : « Et maintenant les huîtres poussent toutes seules ici. Il y en a partout ! »

Léo : « Dites, les ostréiculteurs, vous connaissez le gros zoisos là-bas ? »

69 62 Barge rousse 69 63 Barge rousse
69 64 Barge rousse 69 65 Barge rousse
69 66 Barge rousse 69 67 Barge rousse

Max : « Ce sont des barges ! Elles sont venues nous voir ! Mais il y a deux espèces de barges : la barge rousse et la barge à queue noire. C’est laquelle celle-là ? »

Léo : « Oui, comment on les distingue ? »

Le chevalier : « La barge rousse a un bec légèrement retroussé. Et il est plus court que celui de la barge à queue noire. En plumage internuptial, la barge à queue noire a un plumage gris uni alors que celui de la barge rousse est strié. »

Léo : « C’est bien une barge rousse alors. Et c’est quoi son nom en scientifique ? »

Le chevalier : «Limosa lapponica, Scolopacidés. »

Léo : « C’est la barge à queue noire qu’on a vu voler au Royaume des Chevaliers. C’est quoi son nom à elle ? »

Le chevalier : « Limosa limosa. »

Max : « Bonome, tu as remarqué qu’on voit toujours les barges à queue noire en vol et les rousses au sol ? »

Le chevalier : « Oui, j’ai remarqué 🙂 C’est étrange. J’espère que ce n’est pas dû à une erreur de détermination. »

Max : « Ça arrive de dire des erreurs bonome. Mais Léo a rien dit au sujet de tes déterminations alors tu dois avoir bon. »

Léo : « Max, je n’étais pas avec vous cet été et je découvre les barges. Et puis tu sais, je connais pas tout en zoisos moi. »

Max : « Et ces deux là, tu les connais ? »

69 68 Bécasseau variable 69 69 Tournepierre à collier

Léo : « Trop facile 🙂 A gauche, ce sont des bécasseaux variables (Calidris alpina, Scolopacidés) et à droite c’est un tournepierre à collier (Arenaria interpres, Charadriidés) et il est crabivore 🙂 Dis chevalier, il y a un Laridé, là-bas, derrière la barge rousse. Tu peux le fotoer et me le montrer s’il te plaît. »

Le chevalier : « Je le vois mon Léo… Voilà, je l’ai fotoé. Pas très bien centré… Regarde Léo. » 69 70 Goéland cendré
69 71 Goéland cendré 69 72 Goéland cendré

Léo : « Ben oui… C’est bien ce que je me disais. Montre à Maxou s’il te plaît. Tu vois, de loin on aurait pu penser à une mouette rieuse ou un goéland argenté. Mais non. »

Max : « Tu as vu son bec ? Il est gris, noir puis jaune. »

Léo : « Ben oui, j’ai vu. Et ses pattes… »

Max : « Quoi ses pattes ? Qu’est ce qu’elles ont ses pattes ? »

Léo : « Observe-les, Buteo trois fois ! »

Max : « Bonome ! Léo m’insulte ! »

Le chevalier : « Il te dit surtout d’observer les pattes du goéland. »

Max : « Ah ouai ! Il m’insulte et toi, tu le laisses faire ! D’accord ! »

Le chevalier : « Max, je te rappelle que c’est toi qui as commencé à utiliser des noms d’oiseaux. As-tu observé ? »

Max : « Elles sont jaunes-verdâtres. Et il a les yeux noirs. C’est bizarre ça. »

Le chevalier : « Pas forcément. Tu en penses quoi Léo ? »

Léo : « Tu veux que j’hypothèse ? Rholala… Qu’est ce que ça peut être ? Alors… il y a un cercle noir autour du bec. Ça pourrait être un goéland à bec cerclé. Mais je crois me souvenir qu’il a l’œil jaune. Et puis il est trop rare. Ou alors… ou alors c’est un goéland cendré ! Ça pourrait marcher, ça ! Le bec, la couleur, les pattes… Et même les stries sur la tête ! C’est ça : Larus canus, Laridés. C’est un goéland cendré en plumage internuptial. Tu peux vérifier dans le beau livre s’il te plaît chevalier ? »

Le chevalier : « Ce n’est pas la peine Léo 🙂 »

Léo : « J’ai bon ? C’est vraiment un goéland cendré ? »

Le chevalier : « Oui Léo 🙂 »

Max : « Il est fort mon cousin 🙂 »

Léo : « C’est parce que j’aime beaucoup les Laridés alors je relis souvent les pages de ton beau livre consacrées aux Laridés. »

Max : « Bonome, tu nous as dit que tu nous montrerais une falaise et que tu expliquerais comment elle se transforme en platier. Quand est ce qu’on y va ? »

Le chevalier : « Nous pouvons-y aller si tu veux. »

Max : « Ce qui m’embête c’est que Léo a pas très envie de faire la géologie. »

Léo : « Si j’ai envie ! »

Max : « Mais avant de venir à la mer, tu as dit que tu voulais faire que l’ornithologie. »

Léo : « Oui mais c’était avant que tu m’offres un sacado ! Maintenant je suis un petitours naturaliste alors je veux faire la géologie moi aussi. »

Max : « C’est vrai ? »

Léo : « Ben oui Max sacado ! Tu crois peut être que tu es le seul petitours naturaliste… »

Max : « Tu entends ça bonome ! On y va alors ! »

Léo : « Mais on regarde les zoisos en chemin. »

Max : « On joue aux zoisos ! Pluvialis squatarola, Charadriidés ! »

Léo : « Bien vu Maxou 🙂 Dites, vous pensez qu’on en verra en plumage nuptial ? »

69 73 Pluvier agrenté

Max : « Pas en hiver Léo ! »

Léo : « Mais cet été ? »

Le chevalier : « Je ne sais pas. Peut être. Ils ont leurs plumages nuptiaux quand ils sont dans la toundra du haut Arctique. »

Léo : « Ils habitent tout là-haut ? »

Le chevalier : « Oui, mais ils y restent peu. Les quelques mois d’été. Puis ils migrent en Europe occidentale où ils restent pour la mue ou tout l’hiver. Nous aurons peut être la chance d’en voir en plumages nuptiaux. »

Max : « Brenta bernicla, Anséridés ! »

Léo : « Tu es bien réveillé toi 🙂 Elle a pas de liserés blancs sur les ailes. C’est pas un juvénile. On peut faire la différence entre les mâles et les femelles ? »

69 74 Bernache cravant

Le chevalier : « Pas à ma connaissance Lé… »

Léo : « Calidris alpina, Scolopacidés ! Là ! Et là aussi ! »

69 76 Bécasseau variable 69 77 Bécasseau variable
69 78 Bécasseau variable 69 79 Bécasseau variable

Max : « Ça compte que pour un ! »

Léo : « Tu es vraiment mauvais joueur Maxou. Bien sûr que ça compte que pour un ! »

Le chevalier : « Fini de jouer les petizours. Filez dans ma poche et faites une petite sieste le temps que nous chevauchions jusqu’aux falaises. »

Max : « Qui a gagné ? »

Léo : « C’est toi Max 😉 »

Max : « Je savais bien 😀 On va où bonome ? »

Le chevalier : « En bordure du Petit Royaume des Barges. Allez, pochez-vous et dodo. »

Léo : « A tout à l’heure ! »

69 80 Empreintes

Le chevalier : « Les zours ! Réveillez-vous ! Nous sommes arrivés ! »

69 81 Un étage

Léo : « Rholala ! C’est beau ! »

Max : « Tu vois la cabane sur pilotis Léo ? Les zoms appellent ça un carrelet à cause qu’il y a un grand filet carré qui permet de pêcher à la manivelle à marée haute. Il y en a beaucoup en Charentmaritimie. »

Léo : « On en a déjà vu ! Sur l’Île où on va à pieds. Et j’ai lu ton blog tu sais. »

Max : « Peut être, mais Princesse m’a confié la mission de te former alors je te forme moi. »

Léo : « Merci Maxou. »

Max : « Dis bonome, c’est un étage aussi ici ? »

Le chevalier : « Oui mon petitours. C’est le Kimméridgien supérieur. »

Max : « Le Kimméridgien ? Mais on a déjà vu le Kimméridgien ! C’est pas ici le Kimméridgien, c’est à côté du Royaume des Sternes de Mer ! Tu dis des erreurs bonome. »

Le chevalier : « Non Max. A côté du Royaume des Sternes de Mer c’est le Kimméridgien inférieur. Ici, c’est le Kimméridgien supérieur. »

Léo : « Ça date de quand le Kimméridgien ? »

Max : « Oulala, c’est très très vieux ! Bien plus vieux que bonome 🙂 C’était au Jurassique de l’ère secondaire. »

Le chevalier : « Entre 157 et 152 millions d’années avant nos jours. »

Léo : « Ah oui, quand même ! »

Max : « On va voir de plus près ? »

Le chevalier : « Allons-y ! »

Le chevalier : « Nous voilà non loin de la falaise. »

Max : « Bonome, tu as vu par terre ? »

Le chevalier : « Que dois-je voir ? »

69 82 La falaise

Max : « Les galets ! Il y a des galets qui glissent partout ! Tu vas pas marcher la-dessus. Tu vas tomber et tu vas être tout cassé ! Et ta cheville ? Tu vas encore avoir mal pendant des jours. »

Le chevalier : « La géologie est une science de terrain mon petitours. J’en assume les risques. Mais je n’aime pas beaucoup venir ici justement à cause de ces galets. C’est fatigant. Allez, il n’y a pas plus de 2 km à faire. »

Max : « Et le retour ! Tu oublies toujours le retour, quand tu es tout fatigué ! »

Le chevalier : « Je te promets de faire attention et d’avancer lentement. Ça te va ? »

Max : « Léo, tu es d’accord ? »

Le chevalier : « Il a promis de faire attention. On peut avancer un peu, pour voir. »

Max : « D’accord. MAIS TU FAIS ATTENTION !!! »

Le chevalier : « oui Maxou 🙂 »

Max : « Ben, tu t’approches pas de la falaise ? »

Le chevalier : « Jamais ! Il y a un règle de prudence simple : on ne s’approche jamais d’une falaise à un distance inférieure à la mesure de sa hauteur. »

Max : « Tu peux ré-expliquer s’il te plaît ? »

Léo : « Je crois que j’ai compris. Si la falaise mesure 10m de haut on s’en approche pas à moins de 10m. C’est ça ? »

Le chevalier : « Oui Léo. »

Max : « D’accord. Et tu respectes toujours cette règle ? »

Le chevalier : « Honnêtement, non. Mais ici, oui. Je vous expliquerai pourquoi plus loin. Observons d’abord la falaise. Combien de couches voyez-vous ? »

69 83 La falaise 69 84 La falaise

Max : « Trois ! »

Léo : « Peut être quatre. Il y en a une fine qui paraît plus dure entre la deux et la trois. »

Le chevalier : « Bien vu. Vous voyez la couche grise. Elle est surmontée d’une couche jaunâtre qui débute par une strate plus dure, en effet. Elle se voit mieux sur la première photographie. A la base de la couche grise, on voit une encoche qui correspond à la limite supérieure de la couche la plus profonde. Il y a donc trois couches principales. »

Max : « Tu peux affiner tes descriptions s’il te plaît ? On est géologues nous. Il faut nous expliquer. »

Le chevalier : « Alors je vais vous expliquer 🙂 Commençons par la nature des roches. Pour faire simple, ce sont des marnes. »

Léo : « C’est quoi des marnes ? »

Le chevalier : « Des mélanges de calcaire et d’argiles. »

Max : « Tu sais Léo, les argiles sont des particules très très fines qui viennent de l’érosion de roches et les calcaires c’est l’accumulation de coquilles d’algues unicellulaires très petites. Oulala, on les voit même pas à l’œil nu. Il faut un microscope. Et les argiles et les calcaires se déposent au fond de la mer. On appelle ça la sédimentation. »

Léo : « Tu connais bien la géologie 🙂 »

Max : « Je connais un peu parce que bonome m’a expliqué les étages qu’on a vus en Charentmaritimie. Et puis, les argiles, elles se déposent que si le courant et l’agitation sont très faibles. »

Léo : « Comme ici ! C’est tout vaseux ! »

Max : « Et la vase, c’est de l’argile et de l’eau. »

Léo : « On peut revenir à la falaise s’il vous plaît. Parce que l’argile c’est gris et là, il y a pas que du gris. »

69 85 La falaise Le chevalier : « Commençons par le bas, sous l’encoche. Cette couche sera mieux visible plus loin, sur l’estran. La roche qui la constitue est une calcaire argileux ou calcaire marneux. »

Max : « Calcaire argileux, calcaire marneux… et puis quoi encore ! »

Léo : « C’est quoi ces roches ? »

Le chevalier : « J’ai dit tout à l’heure que les marnes sont des mélanges de calcaires et d’argiles. Mais en fait le nom de la roche change en fonction des proportions des deux constituants. Plus de 95 % d’argiles et on parle d’argile. De 95 à 65 %, ce sont des marnes argileuses. De 65 à 35 % , ce sont des calcaires argileux ou calcaires marneux. De 35 à 5 %, c’est une marne au sens strict. Et moins de 5 %, c’est un calcaire. »

Max : « D’accord pour le calcaire marneux. Et il y a des fossiles ? Parce que dans les roches sédimentaires, il peut y avoir des fossiles. »

Le chevalier : « Oui, il y a quelques niveaux à nombreux Nanogyra virgula, regardez ! »

69 86 Des fossiles 69 87 Des fossiles

Max : « Oulala ! Il y en a des fossiles ! »

Léo : « On dirait des petites huîtres. »

Le chevalier : « Ce sont de petites huîtres 🙂 »

Max : « Et il y en a pas des grandes ? »

Le chevalier : « Non, jamais. Elles ont toutes la même taille : 2cm environ. Les scientifiques pensent que c’est parce que le milieu de vie était pauvre en dioxygène. Vous savez peut être qu’une eau agitée est plus oxygénée qu’une eau calme. »

Max : « Je savais pas ça moi. Mais l’eau était pas très agitée si il y a beaucoup d’argiles. »

Le chevalier : « C’est vrai mais les scientifiques ont un autre argument. On trouve de nombreux petits cristaux de pyrite (FeS2) qui ne se forment qu’en milieu réducteur, c’est à dire pauvre en dioxygène. »

Léo : « Rholala, on apprend tout ça sur la mer d’il y a 150 millions d’années en regardant la roche ! C’est bien la géologie 🙂 On cherche des indices et après on raconte toute l’histoire. Rholala… »

Max : « Il est rigolo Léo 🙂 Dis bonome, il y a d’autres fossiles dans cette couche ? »

Le chevalier : « Quelques terriers de vers ou de crustacés… Rien d’extraordinaire. »

Max : « On avance pour aller voir les deux autres couches ? »

Léo : « Max, regarde 🙂 »

Léo chuchotte quelque chose à l’oreille de Max…

Max : « Bonome, regarde ! Vas-y Léo, dis lui ! »

Léo : « Non, vas-y toi ! »

Max : « Mais non, c’est ton idée ! »

Léo : « Mais j’ose pas. »

Le chevalier : « Ose mon Léo 🙂 »

69 89 Les petizours

Léo : « Bonome, on a trouvé un œuf de Batman ! »

Le chevalier : « 😀 Vous êtes bêtes 😀 »

Léo : « C’est quoi en vrai ? »

Max : « Une capsule d’œuf de raie. J’en ai dans ma collection. »

Le chevalier : « Max, j’en ai assez de t’entendre parler de ta collection alors qu’il s’agit d’une accumulation d’objets hétéroclites posés sur une étagère et qui prennent la poussière ! »

Max : « Tu veux jamais m’aider à la classer ! »

Le chevalier : « Ça suffit Max ! Tu ne me l’a jamais demandé ! »

Max : « Pardon bonome. Me gronde pas s’il te plaît 🙁 »

Léo : « Dites les foulques, vous préférez pas me dire de quelle espèce de raie il s’agit plutôt que de vous chamailler ? »

Le chevalier : « Raja undulata, la raie brunette. »

Léo : « Max, je crois que tu as fâché le chevalier. »

Le chevalier : « Un peu énervé… Regardez un peu la falaise. »

69 90 Les risques 69 91 Les risques

Max : « Il y a un morceau qui se détache ! »

Léo : « Et des éboulis au pied de la falaise ! »

Max : « C’est pour ça qu’il faut pas s’approcher d’une falaise : elle peut nous tomber dessus. »

Léo : « Et après on est tout crabouillés ! »

Le chevalier : « Un jour que je promenais ici, j’ai entendu un énorme bruit derrière moi. J’ai sursauté. Mon cœur s’est arrêté et je me suis retourné. Mais je n’ai rien vu. J’ai cherché partout d’où pouvait venir le bruit et je ne trouvais pas. Je me suis encore retourné et j’ai vu des petits morceaux de falaise qui tombaient. »

Max : « Il y avait eu un éboulement ! »

Léo : « Tu as eu de la chance ! »

Le chevalier : « Non Léo, j’ai été prudent. J’avais hésité à m’approcher de la falaise pour chercher des fossiles. Je n’en ai presque pas trouvé sur l’estran. Mais je me suis rappelé les règles de sécurité et je suis resté à la bonne distance. Si j’avais fait l’autre choix je me serais retrouvé juste sous l’éboulement. »

Max : « Et tu aurais été tout cassé ou tout mort. Faut être prudent bonome. »

Le chevalier : « Je le suis le plus possible… Vous avez compris que lorsqu’on marche en haut de la falaise, il ne faut jamais s’approcher du bord. On pourrait se retrouver sur un bloc immense qui est en équilibre précaire. Le poids d’un homme peut être suffisant pour le déstabiliser et le faire tomber. »

Léo : « Il ne faut jamais s’approcher d’une falaise, ni en haut, ni en bas. »

Le chevalier : « Oui petit Léo. Et c’est comme cela qu’une falaise se transforme en platier. Par le haut. L’eau s’infiltre, crée des fissures qui s’agrandissent… Un bloc instable apparaît et finit par tomber. »

Max : « C’est pas à cause de la mer alors ? »

Le chevalier : « Vous souvenez-vous de l’encoche au bas de la falaise ? »

Léo : « Elle est pas très profonde. »

Le chevalier : « Pas assez pour déstabiliser la paroi. »

Max : « Alors la mer érode rien du tout. »

Le chevalier : « Elle déblaie les éboulis. En quelques années tout est déblayé. Sans cette action, la falaise serait plus stable. D’ailleurs les falaises situées à l’intérieur des terres reculent beaucoup moins vite. »

Léo : « Je savais pas que c’était dangereux le haut des falaises. Mais … où est Max ? »

Max : « Je suis là ! A quoi je vous fais penser ? »

69 92 Max 69 93 Max

Le chevalier : « 😀 La naissance de Max, par Botticelli ! »

Max : « Ouiiiii 🙂 »

Le chevalier : « L’œuf de Batman, la naissance de Max… Vous êtes en forme aujourd’hui 🙂 »

Max : « oui, c’est la fatigue ! Bon, on continue à observer les couches ? »

Le chevalier : « Les strates, Max. Les couches, c’est pour les bébés 😀 »

69 94 La falaise 69 95 Les strates

Le chevalier : « La partie inférieure est constituée de strates de calcaires compact, gris-blanc, épaisses de 10 à 20 cm séparées par des lits marneux d’environ 1 cm. La moitié supérieure est formée de strates de calcaires jaunâtres. »

Max : « Et il y a des fossiles ? »

Le chevalier : « Des ammonites des genres Aspidoceras et Perisphinctes, des oursins, des bivalves… Mais ils sont très rares et en mauvais état. »

Max : « On va pas fossiler alors… »

Le chevalier : « Non, ce n’est pas la peine. »

Max : « Tu peux me remontrer les dernières fotos s’il te plaît ? »

Le chevalier : « Bien sûr. Tu as vu quelque chose ? »

Max : « Oui, regarde : il y a une faille. »

Le chevalier : « Bien vu Maxou ! »

Léo : « C’est quoi une faille ? »

Max : « C’est quand il y a une grande cassure énorme dans les roches qui se cassent en deux morceaux et que les morceaux se déplacent l’un par rapport à l’autre. Là, on voit que le morceau le plus proche de nous est plus haut que l’autre. »

Léo : « Rholala ! Il faut beaucoup de force pour tout casser comme ça ! »

Max : « Ben oui, forcément 🙂 C’est à cause de la tectonique des plaques. »

Le chevalier : « Je vous expliquerai tout à l’heure. »

Léo : « Oui, je veux bien. Mais il y a pas une couche en plus en haut de la partie la plus basse ? »

Le chevalier : « Si Léo. C’est une lentille de sable du Cénomanien. »

Max : « Le Cénomanien ? Comme ça, sur le Kimméridgien ? Ça va pas ça bonome. Tu avais fait un beau tableau pour mon blog et il y avait des tas d’étages entre le Kimméridgien et le Cénomanien. Ils sont où tous ces étages ? »

Le chevalier : « Ils sont absents ici. »

Max : « Ils sont absents ! Ils ont un mot du docteur ? Ils reviennent quand ? Bonome, pourquoi ils sont pas là ? »

Le chevalier : « Max, tu sais que les sédiments se déposent dans la mer. »

Max : « Ben oui. Même Léo sait ça ! »

Léo : « Donc il y avait pas la mer entre la fin du Kimméridgien et le début du Cénomanien. C’est ça ? »

Le chevalier : « Oui Léo. »

Max : « Si j’ai bien tout compris… il y a eu une mer chaude et peu profonde sur la Charentmaritimie au Kimméridgien inférieur et la région était sous les tropiques. Il en reste le Kimmeridgien récifal d’à côté du Royaume des Sternes de Mer. Après, il y a eu beaucoup d’argiles apportées par les fleuves, et les coraux pouvaient plus pousser. Et ça a donné les calcaires argileux du début du Kimméridgien supérieur. Et puis la mer est devenue encore moins profonde et les marnes se sont mises en place. A la fin du Kimméridgien la mer est partie. Et elle est revenue que 50 millions d’années plus tard, au Cénomanien du Crétacé supérieur. »

Le chevalier : « Tu as bien compris Maxou. »

Léo : « Tu en connais des choses en géologie. Rholala… Mais pourquoi la mer était là, puis   repartie et  revenue ? »

Le chevalier : « Quand la mer recouvre les continents, on parle de transgression et quand elle repart c’est une régression. Alors vous voulez savoir pourquoi il y a eu une grande régression à la fin du Jurassique et une vaste transgression au début du Crétacé supérieur ? »

Max : « Ben oui, on est géologues nous, on veut savoir. »

Léo : « Oh oui, raconte nous s’il te plaît. »

Le chevalier : « Alors asseyez-vous. Et il va me falloir des cartes. Comme tu l’as brillamment expliqué tout à l’heure Max, dès le Kimméridgien, les dépôts sédimentaires indiquent une tendance à la régression. Cette émersion est due à l’ouverture de l’Atlantique Nord, après l’élargissement de l’Atlantique Central et de la Téthys Ligure qui a eu lieu pendant tout le Jurassique, mais qui se ralentit fortement à la limite Jurassique-Crétacé (-145 Ma) ; s’ouvrent alors le rift du Golfe de Gascogne qui fait dériver l’Ibérie vers le Sud-Ouest et en même temps, plus vers l’Est, dans son prolongement, celui du mini-océan Valaisan entre l’ « Île Briançonnaise » et le continent européen. Regardez la carte, ce sera peut être plus clair. »

Kimm

Max : « C’est quoi cette carte ? »

Le chevalier : « La position des océans et des continents au Kimméridgien. »

Max : « C’était comme ça ? Oulala ça a tout bougé depuis ! »

Le chevalier : « Oui Maxou, c’est la conséquence de la tectonique des plaques. »

Léo : « Et la régression du Crétacé inférieur ? Elle est due à quoi ? »

Le chevalier : « Regardez la carte du Cénomanien. »

Cénomanien

Léo : « Rholala, ça a tout bougé encore ! »

Le chevalier : « Oui, beaucoup de chose se sont passées… L’océan du Golfe de Gascogne et l’océan Valaisan ont commencé leur ouverture et ont créé des zones d’appel des eaux. En même temps, leurs marges se sont surélevées. L’émersion totale est réalisée au Purbeckien (entre -145 et -130 Ma). Seuls, quelques marécages et lagunes parsèment le paysage charentais au début du Crétacé inférieur. »

Max : « Et pourquoi la mer est revenue au Cénomanien ? »

Le chevalier : « La transgression cénomanienne est à relier à l’ouverture de l’Atlantique Sud dont le taux d’expansion est élevé à cette période : plus de 10 cm par an. Cela implique un bombement important de la dorsale médio-Atlantique Sud par ascension de matériel mantellique et donc une diminution de la profondeur du bassin puisque le fond se surélève. L’eau envahit alors les continents limitrophes. Le phénomène est également favorisé par un réchauffement du climat global de la Terre responsable d’une dilatation des eaux marines. Pas trop compliqué ? »

Max : « Je voudrais pas avoir une interro ! Oulala ! »

Léo : « Moi non plus ! Mais on va graver tout ça dans le blog de Max et après on pourra tout relire calmement. C’est bien la géologie quand même 🙂 »

Le chevalier : « Et si on allait aux zoisos avant de rentrer ? »

Léo : « Oui ! Allons-y ! »

Max : « Bonome, qu’est ce que tu regardes encore sur la falaise ? Il y a pas des zoisos sur la falaise ! »

Le chevalier : « J’ai aperçu quelque chose qui va vous plaire ! »

Max : « On s’approche pas de la falaise ! C’est interdit, oulala, c’est trop dangereux ! »

Le chevalier : « Non, nous ne nous approcherons pas. Je vais tout zoomer. Regardez. » 69 96 Géode de calcite
69 97 Géode de calcite 69 98 Géode de calcite

Léo : « Rholala c’est beau ! »

Max : « C’est quoi ? Je pourrais en prendre pour mon fouillis sur l’étagère ? »

Le chevalier : « 🙂 J’en ai déjà. Je t’en donnerai si tu veux. »

Max : « Merci mon bonome. Mais tu as pas expliqué. C’est quoi ? »

Le chevalier : « C’est une géode de calcite. La calcite est le minéral qui constitue le calcaire. C’est un carbonate de calcium (CaCO3). La calcite cristallise dans des petites cavités. »

Léo : « On voit de belles choses quand on fait la géologie. »

Max : « Et encore, tu as pas fossilé ! Bonome, regarde la falaise 🙂 »

69 101 L'échelle stratigraphique

Le chevalier : « Qu’est ce qu’il y a ? »

Max : « Ben regarde ! C’est l’échelle stratigraphique 🙂 C’est celle qui permet de changer d’étages 😀 »

Le chevalier : « 😀 Max, te rends tu compte de ce que tu viens de faire ? »

Max : « Non. Dis-moi. »

Le chevalier : « Tu viens de faire une blague compliquée que personne va comprendre 🙂 »

Max : « Oh non ! Ça y est ! C’est arrivé ! Je suis devenu comme toi 🙁 Bououououou ;( »

Léo : « Ben quoi ! Elle est rigolote ta blague 🙂 Et puis moi, j’aimerais bien ressembler au chevalier. C’est un grand chevalier, mais pas un Scolopacidé. Et un grand naturaliste. »

Le chevalier : « Merci petit Léo. On fait une pause ? Asseyez-vous un peu et profitez du paysage. »

69 102 L'estran

69 103 Des zoisos 69 104 Des zoisos

Max : « C’est qui les zoisos qui viennent de passer ? »

Léo : « J’ai pas vu de tâches axillaires noires. C’était pas des pluviers argentés. »

Max : « Tâche axillaire noire ? Toi aussi tu te mets à utiliser des mots compliqués que personne comprend ! »

Léo : « Des tâches noires à l’aisselle ! »

Max : « J’avais compris, oulala ! Moi aussi je parle le scientifique. C’est qui, si c’est pas des pluviers ? »

Le chevalier : « Probablement des bécasseaux variables… Voulez-vous aller voir ? »

Léo : « Oui, s’il te plaît. »

Le chevalier : « Ce sont bien des bécasseaux variables. Tiens, il y a un pluvier argenté parmi eux. »

69 105 Des zoisos

Max : « Bonome ? »

Le chevalier : « Oui Maxou. »

Max : « L’inspection est terminée. On va retourner à notre monture puis à la cabane. C’est fini la mer. »

Le chevalier : « Il nous faut bien rentrer chez nous Max. Léo, as-tu aimé le séjour ? »

Léo : « Oh oui ! On a vu des tas de beaux zoisos. Max m’a fait des cours d’histoire rigolos. J’ai eu un beau sacado et vous m’avez initié à la géologie. Je suis un vrai naturaliste maintenant et c’est beau la mer. On reviendra ? »

Max : « On reviendra, n’est ce pas ? »

Le chevalier : « Oui, c’est promis. Nous reviendrons. Ne soyez pas tristes. »

On l’était quand même. Alors bonome nous a pris sur ses genoux et nous a gratté le front, en silence. Et on regardait la mer, pour faire des réserves de souvenirs.

69 108 Au revoir la mer

Max : « Au revoir la mer. Merci pour tout. Et prends soin de tes zoisos s’il te plaît. »

Continuer la promenade.

4 réflexions au sujet de « 69 – Le Royaume des Sternes de Mer »

  1. Tu as raison Brindille, c’est important d’être prudent. Sinon, après, on est tout cassé ou tout mort. Et ça, c’est pas bien.

  2. Merci au chevalier d’avoir rappelé qu’il ne faut jamais s’approcher du bord d’une falaise à une distance inférieure à sa hauteur ! une règle de prudence essentielle !

  3. Bonjour Brindille,
    ben oui c’est un peu compliqué des fois la géologie 🙁
    J’espère que j’ai pas dit des erreurs, oulala !
    Et puis c’est pas la mer du côté de Briançon et du Valais : c’est des océans. Ben ouai 🙂
    La mer, au Kimmeridgien, elle recouvre toute l’Europe, une partie de l’Afrique et l’Apulie. Pareil au Cénomanien. Sauf le Massif central, parce que, à l’ère secondaire, c’est encore un peu des montagnes. On voit pas ça sur les cartes. C’est bonome qui nous a expliqué.
    A bientôt Brindille 🙂

  4. Merci, Max, pour toutes ces explications ! oulala c’est tout compliqué mais c’est intéressant ! Et rigolo d’imaginer la Charentmaritimie à l’Equateur, et la mer du côté de Briançon et dans le Valais, alors qu’aujourd’hui, on y fait du ski jusqu’à début mai dans les montagnes 🙂 merci de nous apprendre tout ça, Max 🙂

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