Après une courte chevauchée…
Léo : « C’était pas très loin 🙂 »
Yann : « Tant mieux. J’ai un peu le mal de monture quand on chevauche. »
Samuel : « Pauvre cousin Yann… »
Max : « Bon, on est donc arrivés… »
Léo : « Le granite de Flamanville vue du sud… J’ai failli dire le granite de Ploumanac’h 🙂 »
Samuel : « Je voudrais pas vexer le Cotentin mais les paysages de la Côte de Granite Rose sont plus beaux. »
Yann : « Petit Sam, nous avons pas beaucoup exploré pour le moment. Tu peux pas comparer. »
Samuel : « Je devrais pas. Tu as raison. Mais si on compare les premières journées… »
Léo : « Chaque région a son charme. Je suis sûr que bonome va nous trouver des merveilles. N’est-ce pas bonome ? »
Le chevalier : « Je vais essayer… »
Max : « Pour le moment on doit inspecter ces cornéennes… »
Max : « Tu sais toujours pas ce que sont ces roches ? »
Le chevalier : « Pas plus qu’il y a une demi heure… »
Max : « C’est pas grave. Tu fais pas la dépression à cause de ça s’il te plaît. »
Le chevalier : « Non Max 🙂 Il me semble quand même que ce sont les Schistes et Grès à Trinucleus de May. »
Samuel : « S4b-a ! »
Max : « Tu te souviens de ça toi ?! »
Yann : « Petit Sam a une mémoire prodigieuse 🙂 »
Léo : « Bonome, tu peux en dire plus sur ces schistes et grès ? »
Le chevalier : « Même si je ne suis pas sûr que ce soit vraiment cette formation qui affleure devant nous ? »
Léo : « Ben oui 🙂 »
Le chevalier : « Ils appartiennent à l’Ordovicien supérieur. Au sommet il y a les schistes à Trinucleus. En-dessous il y a une assise schisto-gréseuse faite d’une alternance de bancs schisteux et gréseux. A la base ce sont les grès de May en bancs généralement peu épais, blanc jaunâtre ou rosé, où s’intercalent des passées schisteuses ou psammitiques. »
Max : « Oui ben les schistes et grès de May sont des schistes et des grès… »
Le chevalier : « C’est ça 🙂 »
Léo : « Et tu vas cavaler là-dessus. »
Le chevalier : « Il le faut bien 🙂 »
Yann : « Moi j’aime bien ces cailloux ! »
Max : « Yann… Je veux bien que tu sois un petitours heureux plutôt qu’un petitours naturaliste. C’est ton choix et je le respecte. Mais tu pourrais quand même parler de roches plutôt que de cailloux. »
Yann : « Oui Maxou 🙂 Ces roches déchiquetées sont vraiment très belles. »
Léo : « Bonome… »
Le chevalier : « Oui Léo. »
Léo : « Regarde là ! »
Max : « Oups ! »
Yann : « Oups ? »
Max : « Ben oui ! »
Samuel : « J’arrive pas à interpréter… »
Léo : « Moi non plus… On dirait… »
Max : « On dirait un pli ! »
Yann : « Un pli ? Genre c’est tout plié ? »
Max : « Oui Yann. Et ça c’est une mauvaise nouvelle. Il va falloir tout repasser pour tout remettre à plat et les vacances sont fichues… »
Yann : « C’est vrai ? »
Léo : « 😀 Non Yann. Max rejoue une vieille histoire. C’était à Kraozon, à la plage de l’Aber. On géologisait vraiment pour la première fois et il y avait des tas de plis dans les roches de la formation de Kerguilé. »
Max : « Schistéquartzite 🙂 »
Léo : « Un peu comme ici d’ailleurs 🙂 Et Max s’est mis à paniquer. Il voulait tout repasser pour remettre à plat. J’ai bien rigolé 🙂 »
Max : « Je savais pas que les roches pouvaient être toute pliées comme ça moi ! »
Yann : « C’est vrai que c’est surprenant. »
Samuel : « Surtout là… Ce serait pas une stratification entrecroisée ? »
Léo : « J’y ai pensé aussi petit Sam mais non. C’est bien un pli. »
Max : « Les strates seraient plissées ? »
Samuel : « On va enquêter. On a le temps bonome ? »
Le chevalier : « Nous restons jusqu’au coucher du soleil. Nous avons donc le temps. »
Léo : « Là, vue la couleur, ça doit être des grès. »
Max : « Yann, tu connais les grès ? »
Yann : « Maxou… Je suis pas un grand spécialiste comme toi mais je connais les grès. Ce sont des anciens sables dont les grains sont jointifs. C’est donc une roche d’origine détritique. Les sables proviennent de l’altération de roches. Je pourrais ajouter qu’il y a surtout du quartz mais il peut y avoir des feldspaths aussi. Par contre je fais pas bien la différence avec les quartzites. »
Léo : « Oui, c’est compréhensible. En plus il y a deux types de quartzites. »
Max : « Ah bon ? »
Léo : « Tu savais pas ? Les métaquartzites sont obtenus par recristallisation d’un grès, d’une radiolarite ou même d’un filon de quartz. Mais ce sont souvent des grès au départ. Ces quartzites sont donc des roches métamorphiques. Les orthoquarzites sont d’origine sédimentaires. C’est quand les grains de quartz sont bien cimentés. Les quartzites sont bien plus durs que les grès. »
Samuel : « Donc ici se seraient plutôt des quartzites… »
Max : « Schistes et grès… »
Léo : « Tu rappelles les schistes Yann ? »
Yann : « Vous me faites l’interro orale ? Je veux bien 🙂 Ce sont également des roches d’origines détritiques terrigènes. Sur un continent une roche s’altère et s’érode. Il y a formation d’éléments détritiques de tailles variables. Les éléments les plus fins sont des argiles. Elles forment des marnes qui en se compactant deviennent des schistes. La sédimentation des argiles demande une très faible agitation sinon elles restent en suspension. Le passage de dépôts de sables à des dépôts d’argiles peut donc indiquer un approfondissement du bassin sédimentaire ou bien un éloignement du trait de côte. »
Samuel : « Cousin breton tu es pas seulement un petitours heureux. Tu es aussi un bon géologue. »
Yann : « Merci petit Sam 🙂 C’est vous qui m’avez appris. »
Max : « Mmmm… »
Le chevalier : « Qu’est ce qu’il y a Maxou ? »
Max : « Altération d’une roche… Yann a raison. Si les schistes et grès de May datent de l’Ordovicien, la roche qui s’est érodée date au moins du Cambrien. Mais en général au Cambrien il y a eu sédimentation. Il y a forcément des roches précambriennes dans le secteur. On va les voir ? »
Le chevalier : « Nous en verrons Max. »
Samuel : « Je vois toujours pas d’autres plis moi… »
Léo : « On a pas vraiment cherché. Bonome, on peut explorer ? »
Le chevalier : « Vous voulez explorer à pattes ? C’est très déchiqueté. Ça me paraît compliqué pour vous. »
Yann : « C’est plus sage de rester dans tes poches. »
Samuel : « Surtout qu’on voit bien d’ici. Regarde cousin Léo ! »
Léo : « Ça confirme notre première observation ça. Pas d’hésitation possible : c’est bien un pli ! »
Max : « Donc les strates sont plissées… On dirait pas comme ça. »
Le chevalier : « Pourtant… Regardez ça ! »
Max : « Ah bah oui… Ben d’accord. Oui… Ben oui, il y a des plis… »
Léo : « Pas dans toutes les strates apparemment… »
Yann : « A moins que… »
Léo : « A moins que quoi ? »
Yann : « On voit peut-être les flancs des plis ! »
Max : « L’hypothèse est intéressante Yann. Mais regarde… »
Max : « On voit bien que cette strates est plissée. Tout à l’heure c’était pas un le flanc d’un pli. Il y a bien des strates plissées et d’autres qui le sont pas. Bon, bonome, tu fotoes tout ça. Tu fais des tas de fotos des plis que j’ai de quoi illustrer mon blog. Tu soignes bien la focale de l’exposition pour pas me faire honte s’il te plaît. »
Léo : « Je pourrais prendre la pose sur une charnière ? »
Samuel : « Moi aussi je voudrais que tu m’immortalises ! »
Le chevalier : « D’accord. Vous commandez et j’obéis. »
Max : « Après ça on se posera quelque part. Tu pourras te caféiner et pétuner en nous expliquant. Tu veux bien ? »
Le chevalier : « Je veux bien. »
Max : « Tu as tout fotoé ? »
Le chevalier : « J’ai 🙂 »
Max : « D’accord. Bon, on a des faits. Qui veut les rappeler ? »
Samuel : « Je veux bien ! »
Max : « Nous t’écoutons petit Sam. »
Samuel : « Il y a des couches de roches sédimentaires faites d’éléments détritiques et d’un peu de calcaires. Elles se sont déposées de l’Ordovicien au Dévonien. Au fur et à mesure il y a diagenèse c’est-à-dire transformation des sédiments en roches sédimentaires. Au Carbonifère inférieur, le Tournaisien je crois, à cause de la phase bretonne de l’orogenèse hercynienne les roches se redressent et forment un grand anticlinal dont nous venons d’observer qu’une petite partie. A la fin du Carbonifère un magma granitique d’origine crustale profonde remonte et s’injecte dans ces roches sédimentaires. Il est accompagné d’une magma basique obtenu par fusion de la partie superficielle du manteau. Les deux magmas se sont un peu mélangés. En s’injectant dans les roches le magma a cuit les roches qui sont devenus des cornéennes. Voilà ce que je peux dire. »
Yann : « Tu m’impressionnes petit Sam. »
Samuel : « C’est ce que bonome nous a expliqué. »
Léo : « Il a jamais parlé de la phase bretonne de l’orogenèse hercynienne et du Tournaisien. »
Samuel : « Cousin Léo, on l’a étudié ensemble ça. Tu te souviens pas ? »
Max : « Vous passez votre temps à étudier… »
Samuel : « Sauf quand je te bats à la bagarre 🙂 »
Max : « C’est parce que je te laisse gagner 🙂 Tu parles pas des plis dans les strates… »
Samuel : « Parce que je sais pas les expliquer. »
Léo : « Bonome, on voit pas sur tes fotos mais la schistosité et parallèle au plan axial des plis il me semble. »
Le chevalier : « Oui Léo. »
Max : « La schistosité est parallèle au plan axial des plis ? Tu as vu ça toi ? »
Léo : « Oui j’ai vu ça 🙂 »
Samuel : « C’est bien observé cousin Léo. »
Max : « Et ça veut dire quelque chose que la schistosité est parallèle au plan axial des plis ? »
Léo : « C’est ce que j’allais demander. »
Max : « Alors bonome ? »
Le chevalier : « Le plissement et l’apparition de la schistosité seraient synchrones. »
Léo : « Ça a eu lieu en même temps. C’est bien ce que je pensais. »
Max : « Et alors ? »
Le chevalier : « Plissement et schistosité seraient la conséquences de la mise en place du granite. »
Samuel : « Ça veut dire que quand le granite s’est injecté dans les roches certaines strates se seraient plissées ? »
Yann : « Mais pourquoi pas les autres ? »
Le chevalier : « Alors ça… »
Max : « Tu sais pas ? »
Le chevalier : « Les strates sont comme les pages d’un livres. Je n’arrive pas à imaginer comment plier certaines pages et pas d’autres. »
Samuel : « J’ai du mal à l’imaginer mais je sais que c’est possible. »
Max : « Bon… On a tout vu ? »
Léo : « Maxou, tu sais qu’on pourrait rester des jours et des jours avant de tout voir. »
Max : « Je sais bien. Bonome, est-ce que tu nous as montré tout ce qui est accessible à tes petizours naturalistes ? »
Le chevalier : « Je vous ai montré plus que ce que je pensais. Je ne savais pas qu’il y avait des plis synschisteux ici. »
Samuel : « Des plis synschisteux ? »
Léo : « Je suppose que ce sont les plis contemporains de la schistosité. »
Le chevalier : « Tu supposes bien Léo. »
Yann : « On regarde le soleil se coucher ? »
Max : « C’est pas tout de suite. »
Léo : « On peut attendre. »
Le chevalier : « On attend. »
On a attendus en silence avec Le Vent qui soufflait doucement pour nous caresser le visage. Parfois le silence fait du bien. Même Le Vent a rien dit. Pas de belle histoire. Il tournoyait un peu autour de nous pour nous caresser. Le soleil a décidé de se coucher et on l’a admiré.
Bonome a même pas vraiment fotoé. Parfois il fait des centaines de fotos. Là il en a fait qu’une petite dizaine. On a compris qu’on devait se pocher et rentrer. Il avait pas la forme bonome pendant se séjour…