Max : « Bonjour à tous ! Nous vous retrouvons en direct-différé depuis un magnifique Royaume que nous venons de découvrir. »
Samuel : « Je précise que ce Royaume est rigoureusement interdit d’accès. »
Max : « Léo, si tu étais un peu attentif et que tu suivais notre bulletin d’informations, tu devrais me demander comment il se fait que nous sommes dans ce Royaume alors qu’il est rigoureusement interdit d’accès ! »
Léo : « Oh pardon ! Je contemplais la beauté des lieux. »
Samuel : « Cousin Léo est de plus en plus souvent dans sa tête. Il ressemble de plus en plus à son bonome 🙂 »
Léo : « Cher Max, comment se fait-il que nous soyons dans ce Royaume alors qu’il est rigoureusement interdit d’y pénétrer ? »
Max : « Service de Princesse ! Ça nous donne quelques passe-droits. Et je vous rappelle que je suis médaillé de l’ordre de la Médaille. Certains se gaussent de ma médaille et trouvent même qu’elle est trop grande pour moi. Mais si les gens d’armes veulent nous arrêter je la montre et ils se mettent au garde-à-vous ! »
Léo : « Merci pour cette précision cher Maxou 🙂 »
Samuel : « A présent nous pouvons vous faire visiter. Suivez-nous. »
Léo : « Admirez cette beauté ! »
Max : « Nous nous rendons de l’autre côté afin d’étudier les affleurements. Je précise que ce Royaume est une carrière. Elle a pas l’air en exploitation. Ou alors pas beaucoup. »
Max : « Nous approchons des affleurements. »
Max : « Les fotos ne rendent pas bien compte des couleurs réelles. La couche lenticulaire centrale est légèrement jaune et elle se trouve entre deux couches légèrement roses. »
Léo : « A première vue, il s’agirait de sables et d’argiles… »
Samuel : « De près, il nous sera plus facile de savoir. »
Léo : « Quelle beauté ! Mais quelle beauté ! »
Samuel : « Cela ressemble vraiment à des sables. »
Léo : « Max ! Qu’est ce que tu fais ? Tu as pas ton casque ! Maaax ! »
Max : « Je suis donc assis directement sur un grès surmonté de sables blancs. Mais je sais pas du tout d’où viennent ces roches. Il est peut-être temps de faire appel à notre super-bonome spécialiste en tout. Bonome, qu’as-tu à nous dire sur ces étranges affleurements ? »
Le chevalier : « Pour le moment, rien. »
Max : « Rien ? »
Le chevalier : « Absolument rien. A part que ce sont des grès et des sables avec quelques niveaux d’argiles feuilletées. Continuons la visite si vous le voulez bien. »
Max : « Ben ça alors… Bonome a rien à dire… Et si tu sondais les affleurements avec ton tournevis sonique ? »
Le chevalier : « C’est reparti 🙂 Tu crois vraiment que je suis Le Docteur ? »
Max : « Le Docteur je sais pas. Mais un Seigneur du Temps c’est l’évidence même 🙂 »
Léo : « Vous discuterez de cela plus tard. Continuons l’inspection. »
Samuel : « L’aspect du sable change selon les strates… »
Léo : « Ces affleurements sont déroutants. J’en suis tout chiffonné… »
Max : « Ce qui se trouve juste là risque pas d’arranger les choses… »
Samuel : « Ce sont des écoulements d’eaux riches en fer qui sont à l’origine de ces structures. »
Léo : « Et les dépôts jaunes montrent qu’il y a du soufre. »
Max : « Du fer, du soufre… Il y en a dans les êtres vivants. Le milieu dans lequel se sont déposées les roches devait accueillir une faune et une flore variées… »
Léo : « Nous continuons en grimpant une pente qui mène à un autre front de taille légèrement en retrait… Nous y sommes ! »
Max : « Oups… Je m’attendais pas à ça. Du calcaire massif… »
Léo : « Jusque là, j’aurais pensé que nous étions en présence de dépôts quaternaires mais là… »
Samuel : « Tu es tout chiffonné 🙂 »
Léo : « De plus en plus… »
Max : « Bonome ? »
Le chevalier : « Je suis moi aussi tout chiffonné. »
Max : « Tu as pas la carte géologique ? »
Le chevalier : « Si… La voici. »
Samuel : « Nous sommes à… Les Coudres. »
Max : « sgr, n-C1, Cn-c1… Je comprends rien du tout moi. Et toi bonome ? »
Samuel : « sgr ça doit vouloir dire sables et grès puisqu’il y a des sables et des grès. »
Léo : « C’est logique. Mais n-C1 et Cn-c1 ? »
Le chevalier : « Rien dans les notices des cartes géologiques de Saintes, de Rochefort ou de La Rochelle… »
Max : « C’est embêtant ça. »
Samuel : « Tu as pas une hypothèse bonome ? »
Le chevalier : « Réfléchissons ensemble. Au sommet de cette carrière on trouve des calcaires. Où avons-nous déjà vu des calcaires ? »
Max : « Ben, un peu partout… »
Le chevalier : « Certes. Soyez plus précis. »
Léo : « Il y a le Royaume des Barges et au nord de ce Royaume, c’est le Kimméridgien récifal de la presque fin du Jurassique. »
Samuel : « Ici ça a pas l’air récifal. »
Max : « Ensuite il y a Là Où Les Cailloux Sont Tout Cassés et l’Île Où On Va à Pieds. C’est le Cénomanien du début du Crétacé supérieur. »
Léo : « Ça ressemble un peu plus. »
Max : « Si je me souviens bien, après le Kimméridgien récifal il y a rien. Au Royaume des Barges, il y a une petite tâche de Cénomanien directement dessus. Tu nous avais expliqué ça. »
Le chevalier : « Il y a, en Charentemaritimie, quelques affleurements du Tithonien. Mais négligeons les. »
Max : « Je réexplique pour nos lecteurs qui connaissent pas par cœur l’échelle stratigraphique. Le Tithonien c’est le dernier étage du Jurassique, juste au-dessus du Kimméridgien. Le Cénomanien est le premier étage du Crétacé supérieur. Le Crétacé inférieur est complètement absent de la région et même de presque partout en France. La mer est repartie. Je sais que c’est à cause de la tectonique mais j’arriverais pas à expliquer… »
Léo : « Je te remercie pour ce rappel cher Maxou. Mais ça nous aide pas beaucoup tout ça. Le Cénomanien basal repose sur le Kimméridgien. »
Le chevalier : « Nous n’avons jamais vu ce contact à part au Royaume des Barges. Ce n’est pas forcément représentatif de ce qu’il se passe dans la région. Les roches que nous avons observées dans la carrière me font penser à un domaine paralique. »
Max : « Un domaine paralique ? C’est quoi ça encore ? »
Le chevalier : « Un écotone. »
Max : « Ben voilà ! Tu recommences ! Bonome, combien de fois vais-je devoir te dire de porter ta casquette quand le soleil tape ? Tu sais bien que tu as plus assez de cheveux pour qu’ils te protègent du soleil ! Le soleil tape sur ta tête et ça fait fondre ton cerveau et après tu utilises des mots qui existent pas comme paralique ou écotone. Pfff !!! »
Le chevalier : « Mon cerveau va très bien Max 🙂 Un écotone est une zone de transition entre deux écosystèmes. Un milieu paralique est une zone naturelle constituée d’une masse d’eau de transition entre le milieu marin et le milieu continental. »
Léo : « Donc le domaine paralique est bien un écotone. »
Samuel : « Si je comprends bien… Au Kimméridgien la région est couverte par une mer chaude et peu profonde proche de l’équateur. Au Tithonien je sais pas parce qu’on l’a jamais observé mais après la mer se retire pendant tout le Crétacé inférieur puis revient au Crétacé supérieur. Cette transgression se fait un peu à la fois. C’est ce qui explique le domaine paralique. »
Le chevalier : « C’est un bon résumé. »
Léo : « Petit Sam résume toujours bien 🙂 »
Max : « Donc… Le domaine paralique a existé au début du Cénomanien. »
Le chevalier : « Non. C’était plutôt à la fin de l’Albien. »
Léo : « L’Albien ? De la fin du Crétacé inférieur ? »
Le chevalier : « Oui Léo. L’Albien de la fin du Crétacé inférieur d’il y a 113 à 100 millions d’années avant nos jours. »
Max : « Rholala ! C’est pas ce qu’on a vu de plus vieux mais ça fait toujours bizarre 🙂 »
Léo : « On a vu la nature des roches. On sait les grandes transgressions et les grandes régressions. Bonome, tu nous racontes l’histoire de la région s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Je vais me répéter mais je veux bien. Asseyez-vous. »
Max : « Nous sommes assis 🙂 »
Léo : « Tu vas affiner ? J’aime bien quand tu affines. »
Le chevalier : « Alors je vais essayer d’être précis… Un petit rappel pour commencer. À la fin du Permien un supercontinent s’est formé par fusion de tous les continents existants. C’est la Pangée permienne. Elle est affectée par de vastes mouvements de divergence dès le Trias. La mer envahit tout ce qui correspond à l’Europe. Au nord des Alpes actuelles se met en place le Trias germanique. »
Léo : « Buntsandstein, Muschelkalk et Keuper ! »
Max : « Grès bigarrés, calcaire à Mollusques et Gypse. »
Le chevalier : « C’est ça 🙂 Dès le début du Jurassique la Téthys alpine s’ouvre entre la plaque européenne et la plaque apulienne. »
Max : « L’Apulie c’est en gros l’Italie. »
Le chevalier : « Nous avons pu observer le Jurassique moyen et supérieur en Normandie mais aussi dans la région. »
Samuel : « En Normandie il y a des argiles, des marnes et des calcaires. »
Max : « Ici ce sont que des calcaires. Enfin presque… »
Le chevalier : « A la fin du Jurassique on passe d’une sédimentation argileuse à une sédimentation calcaire puis récifale. Ceci montre une diminution de la profondeur du bassin de sédimentation. »
Max : « Tout ça on sait déjà. »
Samuel : « Tu aurais pas une carte ? »
Le chevalier : « Si 🙂 »
Léo : « L’océan Atlantique et la Téthys sont en continuité. Ça fait bizarre. »
Le chevalier : « Oui 🙂 au moment de la limite Jurassique-Crétacé la situation change en raison de l’ouverture du sphénochasme de Gascogne et de l’océan valaisan. »
Max : « Carte bonome ! »
Samuel : « Il y a une grande île ! Elle comporte l’Ibérie, une partie du fond de la Méditerranée et l’ensemble Corse-Sardaigne. »
Léo : « Je vois pas le rapport avec l’émersion au Crétacé inférieur. »
Le chevalier : « L’ouverture de ces deux océans a entraîné un appel d’eau. »
Léo : « Ah bah oui ! »
Max : « Et pourquoi elle est revenue l’eau ensuite ? »
Le chevalier : « Au Crétacé supérieur l’ouverture de l’Atlantique-sud s’accélère. Ceci entraîne un bombement de la dorsale médio-océanique. »
Max : « Le fond remonte, alors l’eau déborde partout 🙂 »
Le chevalier : « Surtout que la température moyenne au Crétacé supérieur est supérieure à la température moyenne actuelle de 4 à 6 °C. »
Léo : « L’eau se dilate et ça augmente son volume. »
Max : « Elle déborde encore plus. »
Samuel : « Parle-nous de l’Albien s’il te plaît bonome. »
Le chevalier : « Il marque le retour du milieu marin. Une transgression s’installe sur la région. Elle est à l’origine de zones lagunaires, d’estuaires… à la confluence des milieux marins et continentaux. Le moindre relief donne une île, des archipels ou des digues naturelles. L’eau y est chaude et peut être salée, saumâtre ou douce. Dans cet environnement se déposent de nombreux lits sableux à niveaux argileux. La base des niveaux Crétacés appartient donc à l’Albien terminal. C’est le membre A1sl des auteurs. Au-dessus on trouve le niveau A2a constitués d’argiles feuilletées. Il appartient déjà au Cénomanien. Viennent ensuite les sables azoïques A2sm. C’est ensuite le Cénomanien calcaire que nous avons pu observer au cours de nos inspections. »
Max : « Et tout ça c’est ici ? »
Le chevalier : « Max, j’ai dit que c’était une hypothèse. Si elle est correcte, tu t’es assis tout à l’heure sur les sables azoïques. »
Max : « Zutalor ! J’étais même pas sur l’Albien ! »
Léo : « Tu as pas une dernière anecdote ? J’aime bien quand tu as des anecdotes. »
Le chevalier : « Connaissez-vous l’ambre ? »
Max : « L’ambre ? Ben oui. C’est de la résine de Gymnospermes ou parfois d’Angiospermes qui a durci et s’est fossilisée. Même que parfois il y a des zanimos dedans. Des Insectes, des araignées… »
Léo : « Pourquoi tu parles de l’ambre ? »
Le chevalier : « L’Albien terminal de la région est connu pour contenir de grandes quantités d’ambre. On la trouve surtout dans A1sl mais aussi dans A2a. »
Max : « Il y a de l’ambre ici ? »
Le chevalier : « Oui Max. »
Max : « On peut en chercher ? »
Le chevalier : « Non. Ce serait dangereux et ta médaille ne nous autorise pas tout. »
Max : « On a pas le droit d’être ici c’est ça ? »
Le chevalier : « Tu l’as dit toi même 🙂 Je préfère éviter de rester trop longtemps. »
Léo : « Et nous sommes pas venus pour l’ambre ! »
Max : « Non, nous sommes pas venus pour l’ambre 🙂 Retrouvez-nous dans l’article suivant pour en savoir plus. »
Samuel : « A tout de suite 🙂 »
Merci beaucoup Isabelle 🙂
C’est vivant et passionnant de découvrir avec vous cet “avant” ! Avec le secours d’une carte on imagine très bien la chose… pour les noms savants, je comprends à la lecture mais j’avoue que j’aurai du mal à m’en souvenir. Merci chevalier pour ces explications claires et précises !