Dimanche 4 Octobre, An II
« Bonome ! Bonome ! Réveille-toi s’il te plaît. Bonome … »
« Que se passe-t-il Max ? Pourquoi me réveilles-tu ? »
« J’ai fait un vilain cauchemar. Fais-moi un câlin mon bonome. »
« Viens ici mon petitours … Raconte moi ton vilain rêve. »
« C’est à cause de blongios … La température a baissé ces derniers jours alors il voulait partir. Mais on est pas allés le voir alors il attendait. Et il a fini par partir quand même mais il était très triste. Et il pleurait en volant vers tout là-bas au sud du Sahara. Et moi, je le voyais voler mais je pouvais pas lui dire qu’on voulait aller lui dire au revoir. Il m’entendait pas et il pleurait. Et moi aussi j’étais triste. Et je pleurais aussi … Bonome, il faut aller voir blongios sinon il va croire qu’on le laisse partir comme ça. On va y aller dis ? Je veux pas qu’il soit triste à cause de nous. Il faut lui dire qu’on va l’attendre, qu’on pensera à lui et qu’on sera là quand il reviendra. Il faut lui dire qu’on l’aime beaucoup et qu’il nous manquera. Allez bonome, il faut y aller, vite, avant qu’il parte en pleurant. »
« Max, il est trois heures du matin … On ne peut pas y aller maintenant. Il dort blongios. Mais nous irons, je te le promets, dès qu’il fera jour. Je suis certain qu’il t’a attendu. Lui non plus n’aura pas voulu partir sans te dire au revoir. »
« Tu crois qu’il nous a attendus ? Tu me promets qu’on ira aujourd’hui. »
« Oui mon petitours. Ne t’inquiète pas. Dors sereinement. »
« Il sera là ? Dis moi qu’il sera là … »
« Maxou … »
« Oui, je sais, il sera là. »
Évidemment mon chevalier a tenu sa promesse. Il s’est levé en même temps que le soleil, s’est préparé et puis il est venu me réveiller. J’ai réussi à bien dormir parce que j’étais sûr qu’il aurait demandé à blongios de patienter encore un peu. Et on a chevauché vers le Royaume des Bernaches. Quand on y est arrivés, bonome a voulu observer le marais comme on fait d’habitude mais j’étais trop impatient. Je tenais pas en place. Je voulais aller à la roselière tout de suite. Alors il a juste jeté un œil comme ça vite fait et il aperçu un beau zoiso. Il l’a fotoé très vite. Il était un peu loin le beau zoiso. On le voit pas bien alors c’est pas facile de trouver son espèce. Bonome est certain que c’est une grive.
Les grives c’est des Turdidés, comme les merles. C’est la même famille. Celle-ci c’est probablement la grive draine. On pense ça parce qu’elle est très pâle et qu’elle se tient très droite. En scientifique, la grive draine s’appelle Turdus viscivorus, Turdidés. Mais j’avais pas envie de rester à regarder la grive draine. Si je dis pas des erreurs, on pourra la voir tout l’hiver alors on reviendra.
« Bonome, allez, on va à la roselière … Ça suffit le marais. Et on s’arrête pas en chemin. On y va directement. »
« D’accord Maxou. Allons-y. »
Bon, il a pas pu s’empêcher de s’arrêter pour fotoer un cormoran. Mais il a fait vite. Juste pour faire un gros plan. Parce qu’il a de beaux yeux turquoise le grand cormoran (Phalacrocorax carbo, Phalacrocoracidés).
Mais après il s’est plus arrêté. On est allés vite fait à la roselière. En arrivant, blongios était pas là mais un pouillot est venu nous voir. Je t’ai déjà dit : c’est pas facile d’identifier un pouillot. Moi je pense que c’est encore un pouillot véloce (Phylloscopus collybita, Phylloscopidés). C’est très mignon un pouillot. C’est tout petit comme zoiso mais très actif. J’aime beaucoup les pouillots mais eux aussi, on pourra les voir tout l’hiver.
Et puis superzoreilles s’est figé d’un coup. Il avait entendu blongios.
« Bonome, tu l’as entendu ? Qu’est ce qu’il dit ? Traduis-moi s’il te plaît. »
« Il te parle petitours. Il dit qu’il est désolé que tu aies fait un vilain rêve, qu’il t’attendait et qu’il ne serait pas parti sans dire au revoir au petitours bleu qui aime tant les zoisos. Il t’attendait Maxou. »
« Comment il a su que j’avais fait un cauchemar ? »
« Il dit que c’est le vent qui a porté ton vilain rêve jusqu’à lui. Il était inquiet le vent. Il a eu peur que blongios parte sans que tu le revois. Il ne voulait pas que tu sois triste, le vent. Alors il a parlé à blongios cette nuit. »
« Il va venir nous voir ? »
« Qui ? Le vent ou blongios ? »
« Blongios. Le vent, je le verrai après, pour le remercier. Mais je voudrais voir blongios. »
« Il arrive Max. »
Il est venu discrètement en faisant semblant de pas nous voir. C’est parce que c’est un zanimo sauvage. Il peut pas nous sauter dans les bras quand même. Mais il est venu nous voir. Je lui ai dit tout ce que j’avais à lui dire. Bonome souriait en me regardant. Puis blongios s’est caché et c’est moi qui ai regardé bonome en souriant. Mais on s’était pas encore dit au revoir. On allait d’abord aller se promener un peu au Royaume des Pics et puis on reviendrait pour les au-revoir.
Au moment de s’éloigner de l’étang, un grand cormoran (Phalacrocorax carbo, Phalacrocoracidés) s’est mis en position de séchage des ailes. Il était très beau comme ça. Alors on a attendu qu’il prenne son envol.
Après, il y a eu grébu (Grèbe huppé, Podiceps cristatus, Podicipédidés). Là, c’était un adulte. On voit bien ses yeux rouges et son bec rose. Il a pas vraiment sa huppe sur la tête. C’est plutôt deux touffes de plumes. Et sur les joues, il a des plumes rousses et noires. C’est sa collerette. Mais en hiver, elle est pas bien développée comme au printemps et en été.
C’est parce qu’il se reproduit pas en hiver alors il a pas besoin d’être tout beau pour trouver un partenaire. Bonome pense qu’il va perdre toutes ses plumes caractéristiques et que, bientôt, il aura juste du noir sur la tête : du bec au cou, en passant par la calotte. Moi, j’aimerais bien voir la parade du grèbe mais c’est pas tout de suite …
Ensuite on a passé le pont pour aller au royaume des Pics. On regardait partout comme de bons naturalistes. Je t’ai déjà dit Princesse, naturaliste c’est fatiguant parce qu’il faut tout observer tout le temps. En haut, en bas, sur les feuilles, dans les arbres, au sol … Mais ça en vaut la peine parce qu’on voit des tas de belles choses. Là, on a vu des araignées. Il y en avait beaucoup sur les feuilles des orties. Moi, j’aime pas les orties parce que ça pique très fort. Oulala ! Aïe ! Ouille ! Je reste toujours un peu à l’écart des orties mais bonome s’en approche et tant pis si il se pique. Il dit qu’on peut y voir des tas d’insectes. Les chenilles des papillons aiment beaucoup les orties. Mais c’est pas la saison. Là, il y avait que des araignées qui se sauvaient dès qu’on arrivait. Beaucoup de gens ont peur des araignées mais les araignées ont encore plus peur des gens !
Bon, je sais pas qui c’est cette araignée parce qu’on a pas de livre d’araignées. On va dire que c’est une belle araignée et puis c’est tout.
Puis on a croisé des chèvres des fossés (Capra aegragus, Bovidés, Caprinés).
Les chèvres, elles servent de tondeuses naturelles. Ce sont des phytophages qui mangent tous les végétos qu’elles trouvent. Elles broutent tout. Alors les gardes du Royaume mettent des chèvres à un endroit, ils les enferment avec du grillage et ils attendent. Et après, c’est tout tondu tout propre. Les chèvres c’est rigolo parce que ça grimpe partout. Sur les grosses branches des arbres, sur les rochers et même sur les citernes d’eau 🙂
En cheminant sur les chemins on a aperçu un faisan (Phasianus colchicus, Gallinacées).
Vu ses belles couleurs, on peut dire que c’est un mâle faisan 🙂 Ils sont souvent dans ce secteur du Royaume des Pics les faisans. C’est pratique parce que comme ça, on est prêts à les voir et on arrive tout doucement. Bonome est prêt à fotoer et moi j’ai les yeux grands ouverts pour pas les rater. Mon chevalier a déjà vu une femelle avec des petits. Mais c’était en été. Là, c’est l’automne. Il y a plus des petits. Il va falloir attendre le printemps pour en revoir.
Comme on voyait pas de zoisos, bonome a observé les feuilles des arbustes. Moi, j’ai vu des jolis fruits tout rouges. Ils ont ni aigrettes ni plumets. Pas de crochets pour s’accrocher aux poils des zanimos
J’en ai déduit que ces fruits se font manger et que les graines sont dispersées par les zanimos quand ils font caca. Bonome m’a expliqué que les excréments c’est plein de matière organique et que c’est bien pour le développement des jeunes plantes. C’est comme de l’engrais. C’est bien fait la nature. Les fruits charnus nourrissent les zanimos qui les mangent et les zanimos dispersent les graines et les couvrent d’engrais. Et tout le monde est content 🙂 Oups, j’ai failli oublié : ces fruits sont ceux de l’aubépine mais je sais pas laquelle. On a pas bien regardé. Alors on va dire que c’est Crataegus sp., Rosacées. Les aubépines sont des arbustes qui peuvent vivre très longtemps. A ce qu’il paraît, il y en a dans le sud de la France qui ont environ 2 000 ans. C’est à peine plus vieux que le chevalier 🙂
« Oh ! Regarde le bel insecte ! Il est rayé jaune et noir mais il a que deux ailes. C’est donc un diptère et il pique pas. Tu peux me ré expliquer avec les mots que toi seul connais ? »
« Les couleurs qui annoncent un danger sont dites aposématiques. Le jaune et le noir se retrouvent chez les Hyménoptères à aiguillons. »
« Les guêpes, les abeilles, les bourdons, les polistes … »
« Mais d’autres insectes non Hyménoptères ont également des rayures jaunes et noires. »
« Ben oui, tu m’as déjà dit : les Diptères de la famille des Syrphidés. Comment tu dis déjà quand un zanimo en imite un autre ? »
« C’est du mimétisme petitours. »
« Ah oui ! Le mimétisme aposématique. Et les zoms ont peur des mouches qui piquent même pas 🙂 C’est quoi son nom en scientifique ? »
« Tu devrais savoir. Nous l’avons déjà vu. C’est le syrphe ceinturé : Episyrphus balteatus, Syrphidés. »
« Bonome, je peux pas tout retenir moi. En tout cas il est très beau ce bel insecte. On va où maintenant ? »
« Là, juste à quelques pas devant nous. »
« Oh oui ! Il y a un gros champignon ! Regarde bonome, je peux m’abriter dessous si il pleut ! »
« 🙂 »
« Tu connais toujours pas les champignons ? »
« Non Maxou. Je ne connais toujours pas les champignons. Je sais que certaines espèces sont mortelles alors je préfère ne pas m’en approcher. Mais si tu veux, je t’offrirai un beau livre de champignons et ce sera toi le mycologue. »
« C’est quoi un mycologue ? »
« C’est un spécialiste en champignons. »
« Tu veux que je me spécialise en champignons ? Oulala ! Mais c’est compliqué les champignons ! J’y arriverai jamais ! »
« Bon, je t’offre un beau livre de champignons et nous étudions ensemble. Tu veux bien ? »
« On devient mycologues tous les deux ? »
« Oui. »
« Alors d’accord. En attendant, on retourne aux zoisos parce qu’on est ornithologues déjà 🙂 »
Mais on a pas vu de zoisos au Royaume des Pics. Ou alors ils se sauvaient avant qu’on les fotoe. Alors on a repassé le pont pour retourner au Royaume des Bernaches. On marche beaucoup nous. Au moins 5 km à chaque promenade. Enfin, c’est surtout le chevalier qui marche parce que moi je me déplace en poche 🙂
Quand on est arrivés, il y avait un couple de canards colverts endormis. Le mâle nous a entendu arriver. Il a levé un peu le tête mais comme il nous a reconnus il a remis la tête sous l’aile et s’est endormi de nouveau. Il a même pas dit bonjour 🙁
Et puis deux foulques se sont chamaillées. Elles se chamaillent tout le temps les foulques. Elles se courent après en battant des ailes. Elles sont terribles ces foulques.
Princesse, tu devrais convoquer toutes les foulques et les gronder très fort. En plus, des fois elles embêtent les autres espèces de zoisos. Ça va pas du tout ça, Princesse. Il faut sévir maintenant parce que nous, elles nous écoutent pas. Bon, on les a grondées quand même mais je crois bien qu’elles s’en fichent.
« Bonome, on va à la roselière ? »
« Tu veux aller dire au revoir à blongios ? »
« Oui, s’il te plaît. »
« D’accord, allons-y. »
On l’a pas vu tout de suite blongios. D’abord, on a vu des grébous qui pêchaient (Grèbe castagneux, Tachybaptus ruficollis, Podicipédidés). Le soleil s’était caché derrière les nuages alors on a pas des belles fotos. Mais il y en a une sur laquelle on voit grébou avaler son poisson. Gloub le poisson 🙂
Et puis le soleil est ressorti et blongios est venu. D’abord un peu loin. Et puis plus près, pour qu’on le voit bien et qu’on puisse lui parler.
« Bonome, regarde, blongios est là ! Tu veux bien lui traduire en zoiso ce que je vais dire s’il te plaît. »
« Ce n’est pas la peine petitours. Parle-lui directement. »
« Tu veux pas traduire. Mais il va pas comprendre 🙁 »
« Parle-lui avec ton cœur et il te comprendra. »
« Parler avec le cœur ? Tu vas pas bien dans ta tête bonome. »
« Essaye Maxou. »
« Bonjour blongios. Merci d’être venu nous voir. On sait que tu vas partir tout là-bas pour hiverner. C’est normal que tu partes. Tu es un migrateur, toi. Dis, tu prendras soin de toi là-bas ? Et puis il faut que tu reviennes nous voir au printemps. Tu vas nous manquer blongios. Bonome et moi, on t’aime beaucoup. Au revoir blongios. Reviens-vite. »
« Tu vois petitours, il t’a écouté. Je suis sûr qu’il t’a compris. »
« Tu crois ? On va plus le voir maintenant. Tu crois qu’il va revenir ? »
« Je l’espère Maxou. Tu es triste ? »
« Un peu. Mais c’est normal qu’il parte. Et puis on s’est dits au revoir. Allez bonome, on rentre maintenant. »
On a marché en silence. Bonome me tenait fort contre lui parce qu’il sentait bien que j’étais triste. On regardait rien du tout. Moi, j’aurais rien vu parce que j’avais les yeux mouillés de larmes. Il me manque déjà blongios. Ça va être long jusqu’au printemps. On est allés jusqu’au Marais. Et puis, comme on avait pas envie de rentrer on a regardé les mouettes faire sa toilette (Chroicocephalus ridibundus, Laridés). On est resté longtemps. Il y a beaucoup des mouettes au Marais. C’est rigolo les mouettes quand ça fait sa toilette parce qu’on dirait qu’elles sont folles dans leur tête. Elles décollent de 30 à 50 cm et puis elles piquent dans l’eau avec les ailes pliées vers l’arrière et elles ploufent brutalement. Et après elles s’agitent dans tous les sens pour se nettoyer de partout. C’est très propre les mouettes.
Mais il fallait rentrer. On a tout chevauché et puis on a fait notre toilette en arrivant. Mais on a pas ploufé dans l’eau. On est pas fous dans nos têtes, nous. Et bonome m’a câliné toute la soirée en me grattant le front et en me montrant des fotos de zoisos. Puis quand mes yeux ont commencé à piquer de sommeil, il est allé me coucher et m’a fait mon bisou de bonnuit. Je me suis endormi tout de suite, en souriant, parce que j’ai de la chance d’être le petitours de ce grand chevalier.
J’ai rêvé de blongios. Cette fois, c’était pas du tout un cauchemar. Il volait vers tout là-bas en souriant. Et, arrivé au sud du Sahara, il racontait à ses copains blongios la légende du chevalier au grand cœur et de son petitours bleu qui aime beaucoup les zoisos.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui Princesse. Je t’embrasse et ne t’inquiète pas, je vais bien.