Samedi 3 Octobre, An II
« Bonjour Max, comment vas-tu ce matin ? »
« Bonjour mon bonome. Je vais bien. Et toi ? On va aux zoisos aujourd’hui ? »
« Tu veux y aller maintenant ? »
« Oui, s’il te plaît. On va au Royaume des Bernaches pour essayer de voir le blongios. »
« D’accord. Je suppose que tu es prêt. »
« J’ai déjà mis mon sacado, j’ai ma serviette, ma flore … Oui, je suis prêt. Saute dans tes chaussettes et on y va 🙂 »
Il est vraiment gentil avec moi bonome. Il connaît très bien le Royaume des Bernaches mais il veux bien m’y emmener pour que je vois le blongios nain alors qu’on est même pas sûrs de l’observer. C’est comme ça le Pays des zoisos : on y va sans jamais savoir ce qu’on verra.
Regarde Princesse, c’est moi devant le Marais du Royaume des Bernaches.
Juste en contrebas de cet observatoire il y a une grande roselière. C’est très important les roselières parce qu’elles abritent des tas d’insectes et que les poissons aiment bien s’y reproduire. Comme il y a des insectes, des poissons et des œufs, il y a aussi des prédateurs comme les grenouilles. Et les grenouilles se font manger par des prédateurs comme les Ardéidés ou des couleuvres. Le problème des roselières c’est qu’on voit pas les zoisos qui sont dedans. Mais le principal c’est que les zoisos aillent bien. C’est pas grave si on les voit pas.
On a pas fait l’ornithologie tout de suite parce que je me suis arrêté devant des machins bizarres.
« Bonome, c’est quoi ces machins bizarres ? »
« Qu’est ce que tu en penses Max ? »
« Oulala, c’est une interro ? »
« Non Max. Je voudrais que tu observes et que tu fasses une hypothèse. »
« Tu veux que j’hypothése ? D’accord. Il faut que je regarde bien alors … Euh, c’est au bout d’une tige. Ce sont pas des feuilles … Je vois rien qui me laisse penser que ce sont des fleurs … Ce sont des fruits ? Je vois pas ce que ça peut être d’autre. »
« Bien petitours. Ce sont les fruits d’une plante que tu connais peut être : le pissenlit (Taraxacum officinale, Astéracées). »
« Encore une Astéracée ! C’est vraiment une grande famille. Tu m’expliques le pissenlit s’il te plaît. Je le connais pas moi, le pissenlit. »
« Non mais tu connais déjà les Astéracées. Tu connais les fleurs. Le pissenlit a des fleurs en languettes uniquement. »
« C’est une liguliflore 🙂 »
« Oui Max. Chez le pissenlit, toutes les feuilles sont à la base de la plante. On parle de feuilles en rosette. Au printemps ou en été un pédoncule se développe et porte le capitule de fleurs. Après la pollinisation, les fleurs se transforment en fruits qui contiennent des graines. En réalité, un fruit contient une seule graine. La graine se trouve à la base dans une mince enveloppe. Par dessus il y a une tige appelée bec qui porte une aigrette. »
« Et les fruits de dispersent grâce au vent, c’est ça ? »
« Oui. Quand ils sont mûrs, ils se détachent au moindre coup de vent. Ils peuvent être emportés à plusieurs dizaines de mètres. »
« Merci bonome. Si je reprends ce que je connais des fruits, il y a ceux qui se dispersent grâce au vent, ceux qui voyagent dans les intestins des zanimos et ceux qui s’accrochent aux zanimos. Bon, on va aux zoisos. »
« Allons-y petitours. »
Mais on s’est arrêtés presque tout de suite à cause d’autres fruits qui se dispersent grâce au vent. Il est vraiment gentil le vent parce que ça lui rapporte rien du tout de disperser les fruits des plantes mais il le fait quand même. Juste pour aider les plantes. Et il aide les zoisos à voler. Je comprends pas pourquoi les zoms râlent quand il y a du vent. Et ils l’écoutent même jamais alors ils savent pas qu’il a de belles histoires à raconter. La prochaine fois qu’il soufflera je lui ferai plein de sourires et je lui dirai merci pour tout ce qu’il fait, pour les plantes, les zoisos et ses belles histoires. Et je l’écouterai pendant des heures. J’aime beaucoup le vent moi.
« Dis chevalier, tu veux bien me parler de ces fruits s’il te plaît. Je vois pas de bec. L’aigrette est directement sur la graine. Tu le connais ce fruit ? »
« Max, j’ai fotoé les fruits sans regarder la plante. On ne voit que des morceaux de feuilles sur les fotos. Tu as raison, les aigrettes sont directement sur la graine. Si tu observes bien, tu verras que les aigrettes sont plumeuses. »
« Oui je vois, il y a des petits poils sur les grands poils. C’est quelle espèce ? Tu sais ? »
« Difficile à dire comme ça. Je dirais que c’est un cirse, peut être le cirse des champs (Cirsium arvense, Asteracées). »
« Bonome, ça sert à quoi que les fruits se déplacent loin de la plante qui les a produits ? Ils peuvent pas tomber par terre ? Ça serait plus simple quand même. »
« C’est vrai mais il y aurait des problèmes. Tu sais peut être qu’il existe des insectes ou d’autres animaux qui sont adaptés à une espèce de plante précise. Si la graine tombait sous la plante mère, les insectes pourraient la coloniser tout de suite. Si le fruit est emporté loin de la plante mère, il y a des chances que la graine germe dans un milieu où les animaux qui s’en nourrissent sont absents. La jeune plante à plus de chance de se développer. »
« Ah d’accord. Je comprends mieux maintenant. C’est malin comme système. Bon on arrête la botanique et on va zoisoter. Allez, zoisos bonome. »
Les zoisos de ce Royaume on les connaît bien mais ils sont beaux quand même. Regarde ce cormoran Princesse (Phalacrocorax carbo, Phalacrocoracidés). Il se prépare à s’envoler à partir de l’eau. Mais on a encore raté l’envol. On a pas fotoé. Zutalor.
Et puis après on a vu grébou (Grèbe castagneux, Tachybaptus ruficollis, Podicipédidés). Tu vas dire que c’est pas très original, qu’on en voit tout le temps et que je t’embête avec mes grébous. Mais là, grébou il était pas dans l’eau et ça c’est très rare.
Grébou c’est un zoiso d’eau. Il vole pas beaucoup et il va pas se promener sur les berges comme les poules d’eau ou les foulques. Là, il était sur des racines et des morceaux de végétos qui flottaient sur l’eau. Et il s’est étiré les ailes. Il est beau grébou.
Et puis il y a eu un juvénile de poule-d’eau qui est passé rapidement en criant. Il cherchait sa maman (Gallinula chloropus, Rallidés). Elle l’attendait un peu plus loin et il a vite réussi à la rattraper. Il avait l’air d’avoir eu peur le petit. Et sa maman l’a pas grondé d’être allé se promener loin d’elle.
Et Martin est venu nous voir (Martin-pêcheur, Alcedo atthis, Alcédinidés). Comme il nous tournait le dos, j’ai cru qu’il était fâché, qu’il avait pas aimé les fotos de lui que j’avais mis dans mon blog. Bonome lui a parlé un peu en zoiso. Et il s’est tourné vers nous.
Il est vraiment très beau Martin. Bleu et orange c’est bizarre comme mélange de couleurs et puis, on peut penser que c’est pas très bien pour se cacher. Mais en vrai, quand il est de face et qu’on voit que son orange et ben on le voit pas vraiment. Si on sait pas qu’il est là, on le voit même pas du tout.
Après, on a attendu blongios. Mais on l’a pas vu. Superzoreilles l’a même pas entendu. Il était pas là blongios. Peut être qu’il était allé se promener dans le Marais. Alors on a décidé d’aller inspecter le Royaume des Pics en attendant qu’il revienne.
Le Royaume des Pics est coupé en deux par un ru. Un ru c’est un tout petit ruisseau. A un moment, le ru s’élargit un peu et forme un tout petit marais. En vrai c’est pas vraiment un marais, c’est juste un petit cours d’eau aux berges plates et vaseuses. Mais c’est tout humide quand même alors il y a des plantes qui aiment l’humidité : des phragmites surtout mais aussi de belles plantes que je connais pas mais que bonome aime beaucoup fotoer. Il dit que ce sont des Dipsacus fullonum, Dispacacées. Son nom vernaculaire est le cabaret des zoisos. Je savais pas ce que c’est un cabaret alors j’ai regardé dans le dictionnaire. Il dit que c’est un débit de boisson, une taverne. J’ai eu du mal à comprendre. Mais c’est parce que les capitules de fleurs peuvent retenir l’eau de pluie alors les zoisos viennent boire et puis, il y a beaucoup d’insectes qui viennent sur les fleurs. Alors les zoisos ont à manger. Ils mangent, ils boivent, ils peuvent papoter ensemble comme les zoms dans les tavernes. Regarde comme il est beau ce petit ru qui s’élargit.
Mais il y avait pas de zoisos alors on a continué à marcher, à marcher … Et il y avait toujours pas zoisos. Et puis bonome a aperçu un pic. Il a reconnu le vol parabolique. Mais le pic est parti tout loin alors on l’a suivi. Mais on a pas réussi à s’approcher pour le fotoer alors les fotos sont pas très belles.
Tu vois le pic Princesse ? Il grimpe le long du tronc. Je t’ai déjà expliqué que les pics ont des doigts adaptés : deux devant et deux derrière. Et puis les plumes de la queue sont très rigides pour qu’ils puissent s’appuyer dessus quand ils grimpent. Ce pic, il est noir, blanc et rouge. J’ai demandé à mon bonome de pas me dire son espèce pour pouvoir chercher tout seul dans mon beau livre de zoisos. Il faut que j’apprenne tout seul un peu de temps en temps. Des pics noir, blanc et rouge il y en a plusieurs : le pic épeiche, le pic syriaque, le pic mar, le pic à dos blanc et le pic épeichette. Alors il faut bien regarder. Et puis il faut être malin et regarder les cartes de répartition : le pic syriaque et le pic à dos blanc on les trouve pas en France. Ou alors c’est exceptionnel alors on va dire que c’est pas eux.
Observons bien ce pic : il a du rouge sous la queue et le rouge est bien rouge. Par contre il y a pas de rouge sur la tête. Ou alors très peu, juste derrière la calotte mais on voit pas. Si on ajoute les grandes tâches blanches sur les épaules on arrive au pic épeiche (Dendrocopos major, Picidés). Il a l’air très beau ce zoiso. C’est dommage qu’on le voit pas mieux.
Après on a encore cheminé sur les chemins en cherchant des zoisos mais on pensait tous les deux à blongios. On se demandait si il était revenu de sa promenade et si on pourrait le voir. Alors on est retournés au Royaume des Bernaches. Moi, j’étais sûr que bonome lui avait demandé de venir pour son petitours. Et puis il y a eu un peu de vent. Un tout petit souffle. Juste pour éloigner les nuages et que le soleil brille pour avoir une belle lumière pour les fotos. Alors j’ai dit merci au vent et je me suis un peu moqué de lui parce que si il voulait que j’aie une belle surprise et de belles fotos du blongios, il aurait dû souffler au dernier moment. Même très tard quand je commencerait à ne plus croire à la venue du blongios. Là, c’était bien trop tôt. Bonome sifflotait, le vent chassait les nuages, les zoisos se montraient pas pour ne pas nous retarder. Tout ça c’était pour qu’on voit bien blongios. C’est donc avec un énorme sourire que je suis arrivé à la roselière.
Et, évidemment, il était là.
On voit bien comment il se déplace dans les phragmites. Je trouve ça très impressionnant. Il attrape les tiges entre ses doigts et puis il avance et les tiges se courbent à peine. J’imagine si c’était bonome qui faisait ça ! Il plouferait tout de suite 🙂 Bon c’est encore le juvénile. C’est bizarre qu’on voit pas les parents. J’aimerais bien voir le mâle. C’est pas que j’aime pas la femelle mais elle ressemble beaucoup au juvénile alors que le mâle est gris. J’espère qu’on le verra avant qu’il parte pour sa migration.
Le petit blongios est allé se cacher dans la roselière et nous on attendait qu’il ressorte un peu. Et Martin est venu se poser sur un phragmite. Normalement quand il y a que des phragmites il ne faut pas dire roselière mais phragmitaie. Mais déjà personne connaît le mot roselière alors je vais éviter les mots compliqués que personne connaît. Ça c’est le rôle de bonome 🙂
Voilà, c’était une très belle promenade au Pays des Zoisos. On a encore vu de très belles choses. Il nous reste plus qu’à rejoindre notre monture. Je suis toujours un peu triste quand on décide de rejoindre notre monture. J’aime bien la cabane de mon bonome. J’y suis bien et il s’occupe bien de moi mais il est moins souriant et moins joyeux quand il est dans sa cabane. C’est que dans la nature qu’il est vraiment lui même. J’aimerais bien qu’un jour tu viennes avec nous. Je sais pas comment il était quand il venait au château, parce que moi j’étais sur une étagère à attendre qu’il se passe quelque chose, mais je suis sûr que tu le verrais différemment. C’est un grand chevalier quand il fait sa mission. Et puis les zoisos l’aiment beaucoup.
Il commençait à être tard. Le soleil s’était caché derrière les nuages. En regardant l’étang pour la dernière fois avant de partir, on a aperçu un grébu (Grèbe huppé, Podiceps cristatus, Podicipédidés). Je dois vraiment avoir beaucoup de beauté dans les yeux parce que je l’ai trouvé magnifique ce grébu se toilettant.
Arrivés au Marais, on a profité d’un dernier rayon de soleil pour observer les perruches à collier (Psittacula krameri, Psittacidés).
Et puis on est rentrés. Bonome avait pas l’air très en forme. Il s’est assis dans son fauteuil et m’a pris dans ses bras. Et puis il m’a câliné en me grattant le front jusqu’au moment d’aller se coucher. Il m’a porté jusqu’à mon lit et m’a souhaité de faire de beaux rêves. J’étais très fatigué alors je me suis endormi tout de suite mais j’aurais préféré attendre et lui glisser du sable de là où le soleil se couche derrière les paupières pour que lui aussi dorme bien.
Je t’embrasse Princesse. Je vais bien même si je suis un peu triste parce que tu me manques.