Le Formation de la Roche Derrien (Bréhec)

Le chevalier : « Allez ! Debout les marmottes ! »

Max : « Mmmmm… Quelles marmottes ? »

Léo (se redressant d’un coup dans le lit) : « Il y a des marmottes ? Où ça ? »

Samuel : « Je crois que c’est nous les marmottes. »

Max : « Bonome, on est pas des marmottes ! »

Le chevalier : « Des machins ! Vous êtes des petits machins. Allez, dépêchez-vous. La chevauchée va être longue. »

Max : « Tu nous donnes le programme ? »

Le chevalier : « On va voir des cailloux. »

Max : « D’accord… Tu peux en dire plus ? »

Le chevalier : « De beaux cailloux. »

Max : « Donc tu as décidé de m’énerver dès le réveil. Bonome, le programme ! »

Le chevalier : « On va voir de beaux cailloux qui devraient vous plaire. Très intéressants ces cailloux. »

Max : « Grrrr ! »

Yann : « Moi ça me plaît bien comme programme 🙂 »

Le chevalier : « Merci Yann 🙂 Un peu de gratitude, enfin ! »

Samuel : « On est prêts ! »

Le chevalier : « Alors c’est parti ! »

Après une longue chevauchée…

Le chevalier : « Nous voici arrivés ! »

On va là 🙂

Yann : « On va visiter tout l’estran jusque là-bas ? »

Le chevalier : « Je ne sais pas vraiment jusqu’où. Le plus loin possible… »

Max : « Sauf qu’on va pas visiter ! On va inspecter. »

Samuel : « Et prendre des notes dans nos têtes 🙂 »

Léo : « Tu vas faire des fiches petit Sam ? »

Samuel : « Je les fais pas sur le terrain. J’ai pas le temps. »

Le chevalier : « Je t’aiderai à les faire mon petitours. Bon, je vous laisse cavaler un peu au pied du renfort de la falaise. Vous observez attentivement et ensuite on en discute. Ça vous va ? »

Max : « On peut chahuter un peu ? »

Le chevalier : « Manifestation groupale compulsive dans un espace interstitiel de liberté ? »

Yann : « C’est quoi ça ? »

Léo : « Ça, ça veut dire qu’on a une récré avant d’observer 🙂 »

Yann : « Ah oui ? Mais en quelle langue ? J’ai pas tout compris. »

Max : « C’est en éducnat 🙂 Une langue bizarre parlée uniquement par des gens costumés et cravatés dans des bureaux. On y va ? »

Samuel : « C’est parti ! »

Le chevalier : « Soyez sages ! Pendant ce temps je prends deux ou trois fotos d’un peu loin… »

Vue générale du site

Vue générale mais plus rapprochée. Ça va être compliqué.

Quelques minutes plus tard…

Léo : « Vous entendez ? »

Max : « Le sifflet de bosco ! C’est le rassemblement ! Vous voyez bonome ? »

Yann : « Il siffle pour le rassemblement ? »

Samuel : « Ça lui arrive. »

Max : « On lui a offert un sifflet de bosco un jour. Ça lui faisait plaisir. Alors parfois il s’en sert. »

Le chevalier : « Alors ? Qu’avez-vous vu ? »

Max : « Des cailloux. »

Léo : « Mais des beaux cailloux. »

Yann : « Très intéressants ces cailloux 🙂 »

Le chevalier : « Je vous l’avais bien dit 🙂 On passe à la suite ? »

Samuel : « Ben non. C’est bien de plaisanter mais il faut aussi étudier un peu. Viens voir bonome. On voit mieux là-bas… »

Des roches penchées

Ben là aussi…

Léo : « Roches sédimentaires avec un fort pendage mais on a ni boussole ni rapporteur alors on peut pas donner les caractéristiques. »

Le chevalier : « 60° Est. »

Max : « Autant dire que c’est tout penché. Viens… »

Ça penche encore

Samuel : « Il y a alternance de bancs centimétriques à décimétriques de roches dures et massives et de bancs plus fins, centimétriques, de lits plus sombres et ils ont l’air plus tendres. »

Max : « Hypothèse : grès et argiles. »

Le chevalier : « Wackes et siltites seraient plus adaptés. »

Max : « Il me fatigue ! Mais il me fatigue ! »

Léo : « Parce qu’il affine ? »

Max : « Il est jamais content de nous ! On trouve les roches et ça lui va pas ! »

Le chevalier : « Ce n’est pas vrai Max. Vous m’impressionnez. Mais j’aime la précision. Tu devrais le savoir. Et Léo aime que j’affine alors j’affine. »

Samuel : « Nous sommes donc en présence de bancs d’anciens grès et d’anciennes argiles légèrement métamorphisés et fortement penchés. »

Je manque d’imagination pour la légende…

Elles doivent avoir un penchant pour les petizours naturalistes.

Max : « Bonome, viens voir… Bon, on voit pas bien mais… »

Lui c’est Max.

Il aime bien la géologie.

Max : « Il y aurait pas des laminations ? Et un granoclassement ? »

Le chevalier : « On pourrait en voir effectivement. »

Yann : « Euh… Vous m’expliquez ? Je suis perdu. »

Max : « Attends un peu Yann. Je continue et après on t’explique. Bonome, ce serait pas des turbidites ? »

Le chevalier : « Ce sont 🙂 »

Max : « On a déjà vu des turbidites. En Normandie… La carrière de la Roche Blain… Et… Léo, Samuel, vous vous souvenez ? »

Samuel : « A Bretignolles. Je débutais. Il y avait des turbidites avec des jolies séquences de Bouma. Plus belles qu’ici. »

Léo : « Petit Sam, tu as vraiment une mémoire prodigieuse 🙂 »

Yann : « Vous pouvez m’expliquer maintenant ? »

Max : « On peut ! »

Léo : « Mmmm… Il faut imaginer un bassin sédimentaire bordé d’un continent. Il y a érosion du continent ce qui donne des sédiments détritiques terrigènes : sables et argiles principalement en ce qui nous intéresse. Les fleuves apportent ça sur le plateau continental où ça se dépose. Mais parfois, il y a des éboulements sous-marins. Les sédiments du plateau continental tombent le long du talus et se déposent sur le glacis, voire sur le fond marin un peu plus loin. Tu suis ? »

Yann : « Oui. Dans le blog vous mettrez une image comme ça je verrais mieux. »

Max : « Oui Yann 🙂 »

Schéma illustrant la formation des turbidites (Source : http://www2.ggl.ulaval.ca)

Samuel : « A chaque avalanche sous-marines des dépots se forment. Mais il y a séparation des sédiments en fonction de la taille. C’est le granoclassement c’est-à-dire classement selon la taille des grains. Il y a deux granoclassements. Les éléments les plus lourds vont moins loin que les plus légers. C’est le granoclassement horizontal. Et, en un même endroit, les plus lourds tombent avant les plus légers. C’est le granoclassement vertical. C’est lui qui donne les séquence de Bouma. »

Séquence de Bouma observée à Brétignolles sur mer. En réalité il y en a deux incomplétes. En haut c’est le bas de celle du haut. Il y a les éléments les plus grossiers. En-dessous c’est le sommet d’une autre séquence. On voit des éléments de plus en plus fins. La lamination est bien visible et très jolie.

Max : « On en a pas vu ici. »

Yann : « Merci les cousins. Mais pourquoi il y a des avalanches sous-marines ? »

Max : « Souvent c’est à cause de séismes. Pour les turbidites de la Roche Blain qui ont donné des schistes briochoriens, les tremblements de terre étaient dus à l’ouverture du bassin sédimentaire. On le sait à cause des slip en titane et fer interstratifiés dans les turbidites. C’est comme ça ici aussi bonome ? »

Léo : « Max… Les schistes sont pas briochoriens et il y a pas de slips en titane et fer. »

Samuel : « Cousin Léo, je pense que cousin Max polissonne encore 🙂 »

Max : « Évidemment petit cousin ! Si j’avais parlé de schistes briovériens interstratifiés de spilites titanifères ça aurait été moins drôle 🙂 »

Yann : « Je me demandais bien ce que venaient faire les slips ici 🙂 Mais je comprends quand même pas tout. »

Samuel : « Le briovérien c’est un âge. Ça date de 635 millions d’années. Les turbidites ont été fortement comprimées et elles ont donné des schistes. Je parle de la Normandie là. Et lors de l’ouverture du bassin, il y avait eu émissions de quelques coulées de basaltes qui, après compression, ont donné des spilites. Le basalte contient du fer et du titane donc les spilites sont titanifères. »

Yann : « D’accord. Merci mes cousins d’initier le béotien que je resterai éternellement 🙂 Si je comprends bien, il y a un continent qui s’érode. Ça donne des sédiments qui se déposent dans le bassin en se triant tout seuls et ça donne les turbidites. »

Léo : « Oui, apparemment ici il y a pas eu transformation en schistes. Bonome, il y a des basaltes quelques part reliés à ces turbidites ? »

Le chevalier : « Mmmmmm…. »

Max : « Bonome ! Tu pourrais suivre quand même ! »

Le chevalier : « Pour quoi faire ? Vous n’avez plus besoin de moi. Vous utilisez des mots compliqués que personne connaît à part vous. Vous faites des exposés interminables et soporifiques. Votre bonomisation est bien avancée 🙂 »

Max : « On se bonomise ? »

Léo : « Il a raison… »

Max (attérré) : « On se bonomise… »

Samuel : « C’est plutôt flatteur 🙂 »

Max : « Bien sûr ! On va perdre nos cheveux et passer notre temps à se caféiner et à pétuner. »

Léo : « En cavalant partout 🙂 »

Max : « Bon, bonomisation ou pas, on sait pas tout nous ! On a pas 15 milliards d’années et on a pas vu la Bretagne se former. Tu complètes s’il te plaît ? »

Le chevalier : « Mmmm… Nous sommes entre Baltica et la petite terrane qui donnera le Trégor dont le socle est icartien. »

Max : « Icartien ? »

Le chevalier : « Oui, environ 2 milliards d’années… »

Max : « On le verra un jour ? »

Le chevalier : « Oui Max. On le verra un jour. »

(Note de Max : je rédige très en retard et un peu dans le désordre. Vous savez déjà qu’on a vu l’Icartien au Ranolien près de Ploumanac’h mais aussi à Pors Raden. Et si vous nous suivez sur Instagram vous savez aussi qu’on l’a vu dans le Cotentin à l’anse du Cul-Rond. On le connaît bien l’icartien nous 🙂 )

Le chevalier : « Le socle icartien, et les volcans qui s’y développent, sont érodés et donnent les sédiments à l’origine des turbidites. Ils se sont déposés dans un bassin en extension avec un volcanisme actif qui donnera la formation des pillow-lavas de Paimpol et la formation des turbidites de la Roche-Derrien que nous venons d’observer. »

Schéma expliquant l’histoire de ces trois cailloux. Les turbidites se sont déposés dans le bassin situé entre l’ensemble Baltica-Laurencia et l’arc du Trégor.

Yann : « Je suis un béotien mais je sais quand même que les sédiments se déposent à l’horizontal et pas penchés à 60° vers l’est. »

Max : « L’orogenèse cadomienne est passée par là. »

Samuel : « Bon, on connaît maintenant la Formation turbiditique de la Roche-Derrien. »

Léo : « On connaît pas son âge… »

Le chevalier : « 610 millions d’années. »

Yann : « C’est pas tout jeune 🙂 »

Samuel : « On passe à la suite ? »

Le chevalier : « Je vous suis… »

Léo sur le poudingue.

Il est mignon, non ?

Max : « Viens, on le voit là-bas aussi… »

Max aussi.

D’après petit Sam, c’est un polisson 🙂

Le chevalier : « Tu voulais être fotoé toi aussi 🙂 »

Max : « Oui mon bonome 🙂 »

Samuel : « On voit des galets hétérométriques dont la taille varie du centimètre ou décimètre. Ces galets sont d’aspects variés et je dirais donc qu’il est polygénique. La matrice est fine. C’est un poudingue. Les galets viennent probablement de la formation de la Roche-Derrien et peut-être de l’arc du Trégor. Ils sont arrondis. J’ai oublié de le dire. C’est parce qu’ils se sont formés par érosion de la chaîne cadomienne et on été roulés dans une mer peu profonde. Un poudingue nous dit que la mer est revenue. Il y a eu transgression sur une pénéplaine. »

Max : « Non petit Sam. Tu peux pas t’exprimer comme ça. Tu te rends compte ? Hétérométrique, polygénique, matrice, poudingue… Pour qui on va passer nous ? Des petizours savants ! Des bonomes en peluche ! Dis des erreurs petit Sam ! »

Samuel : « Mais je peux pas dire des erreurs exprès cousin Max ! »

Léo : « Max… Laisse Sam s’exprimer comme il le veut ! C’est très clair ce qu’il a dit ! »

Max : « Pas sûr que mes lecteurs comprennent tout. »

Léo : « Parce que tu as des lecteurs ? Il t’en reste ? »

Samuel : « Rholala ! Et vlan cousin Max ! »

Max : « C’est pas gentil. Je travaille moi et personne me lit. C’est pô juste. Il est bien mon blog. Je comprends pas pourquoi personne me lit… »

Léo : « Bien sûr qu’il est bien ton blog Maxou. »

Yann : « Évidemment cousin Max. Mais on peut revenir au poudingue ? »

Max : « Petit Sam a tout dit ! »

Samuel : « Non, je n’ai pas dit qu’il suit pas le pendage de la formation de la Roche-Derrien. Il est discordant et subhorizontal. Et je connais pas son âge. »

Le chevalier : « Floien. »

Max : « Quoi ???!!! »

Le chevalier : « Floien. L’Ordovicien inférieur s’appelle le Floien. J’y peux rien moi si c’est le Floien. 472 millions d’années. Tu vas me demander l’âge. C’est 472 Mans. »

Yann : « 472 ? Tout à l’heure c’était 610 ! Ça fait à peu près 140 millions d’années d’écart ça ! »

Le chevalier : « Oui Yann. Ça laisse le temps à la chaîne cadomienne de se former puis de s’éroder et de donner une pénéplaine sur laquelle s’est déposé le poudingue. »

Yann : « Rholala ! J’aime bien me bonomiser moi. On voit plus pareil après. Les zoms regardent même pas ces cailloux. Nous, on voit un bassin d’arrière-arc s’ouvrir et se remplir de sédiments puis une chaîne de montagnes apparaître et disparaître et la mer venir là où était cette chaîne ! C’est trop bien 🙂 »

Samuel : « Oui, mais là, sans bonome, j’aurais pas vu tout ça. »

Le chevalier : « Vous avez su lire les indices. Il vous manquait les âges et quelques informations. »

Max : « Juste quelques unes… »

Léo : « Viens bonome, il y a un truc que je comprends pas… Là… Yann, veux-tu bien faire l’échelle ? »

Yann : « J’y cours et je grimpe ! »

Yann est un petitours heureux.

C’est le cousin breton

Le chevalier : « Qu’est ce qui ne va pas Léo ? »

Léo : « La couleur, la finesse des couches de la base, le nouveau poudingue plus fin, le pendage… »

Max : « On comprend pas. »

Le chevalier : « C’est tout simplement la suite du poudingue que vous avez identifié. L’érosion a dégagé cette pointe qui a l’air étrange mais c’est juste la suite. »

Samuel : « C’est concordant avec le poudingue ? »

Le chevalier : « Oui petit Sam. »

Max : « Et ça là… »

Ils font semblant d’être sérieux là.

Le chevalier : « Quelques galets qui traînaient encore… La matrice du poudingue est un sédiment nouvellement formé. Une fois que les galets qui étaient sur la pénéplaine ont été emballés il n’y a plus que le dépôt de la matrice. Il se trouve qu’ici ce cycle sédimentaire commence par des argilo-siltites rouges. Je ne sais pas pourquoi il y a eu un apport de cailloux qui expliquent ce petit poudingue mais il n’y a rien d’exceptionnel ni de déroutant dans tout ça. Peut être une légère régrssion… »

Max : « C’est donc juste la sédimentation qui a eu lieu suite à la transgression marine ? »

Le chevalier : « C’est le début de la Série Rouge de Bréhec que nous allons étudier après un petit détour. Venez voir… »

Les séries rouges qu’on présentera dans l’article suivant.

Yann : « Je l’avais vue cette roche rouge ! »

Max : « Pourquoi tu l’as pas dit ! On est même pas venus jusqu’ici nous. »

Yann : « Ben… J’ai pas osé vous embêter. »

Max : « Yann, tu sais bien que tu nous embêtes jamais ! »

Léo : « Surtout si tu nous montre des roches rouges 🙂 »

Samuel : « On va les étudier ces roches rouges ? »

Le chevalier : « On y va. Et ça va vous plaire. »

Max : « On y va ! »

Ça c’est un head.

Demandez à Wikipédia.

Léo : « Tu nous expliques pas le head bonome ? »

Le chevalier : « Pas envie. Je vous en montrerai un autre, ailleurs. Vous savez déjà tout ce qu’il faut savoir sur les heads. »

Yann : « Pas moi. »

Max : « C’est récent. 100 ou 200 000 ans. C’est au cours d’une glaciation au nom que tout le monde oublie juste après l’avoir entendu que les roches se sont fragmentées à cause du gel et qu’elles ont donnés des galets anguleux. Après, les dépôts éoliens les ont enrobés et ça donne ça. Plus on monte, plus le loess prend de l’importance. »

Léo : « Il y a comme une spirale en bas. C’est l’alternance du gel et du dégel qui donne ça. »

Yann : « Rholala ! Qu’est ce que vous connaissez comme choses savantes vous ! »

Samuel : « Ils sont bonomisés cousin breton. C’est irréversible maintenant. »

Le chevalier : « Je propose une pause. »

Max : « Caféinage et pétunage ? »

Le chevalier : « Reposage surtout. Et silence 🙂 »

Continuer la promenade

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