Dimanche 15 Avril, An V
Max : « On va où maintenant bonome ? »
Le chevalier : « Que diriez-vous d’aller visiter l’Îlot Saint-Michel ? »
Léo : « Le Mont Saint-Michel des Petizours ? »
Le chevalier : « Oui mon Léo. »
Samuel : « Rhooo oui ! Tu es d’accord cousin breton ? »
Yann : « Ben oui 🙂 Je vous suis moi. »
Max : « Alors c’est parti ! On passe par où ? »
Le chevalier : « Nous allons débuter notre promenade par la Pointe du Champ du Port. »
Max : « Une promenade ? On inspecte pas ? »
Le chevalier : « Nous verrons. »
Samuel : « La voici la Pointe ! »
Léo : « L’Estuaire est sur la droite. »
Max : « C’est étrange… Elle est en grès de Fréhel ? »
Le chevalier : « Oui Max. »
Max : « C’est le bon pendage. Il y a des strates… Mais pourquoi ils sont pas roses les grès de Fréhel ici ? »
Le chevalier : « C’est un effet d’optique 🙂 »
Léo : « A mon avis c’est parce qu’ils sont couverts de végétation… »
Léo : « Vous voyez ? Il y a bien de la végétation 🙂 »
Max : « Il y a surtout des lichens et les lichens sont pas des végétos. »
Samuel : « Ils sont souvent classés dans les champignons. Regna Fungi. »
Max : « Régnafoungui ? C’est quoi ça ? »
Samuel : « Le règne des champignons. Regna Fungi. »
Max : « D’aaaaaccooord ! Regna Fungi ! Ben oui ! Mais non. Ce sont pas des champignons puisque ce sont des symbioses. Il y a pas que du champignon dans un lichen. Ça va pas ça ! »
Samuel : « Cher cousin Max, c’est pas moi qui décide. C’est ce qui est écrit dans les livres. »
Max : « Ben les livres ont tort ! Et vous voyez qu’il y a des lichens jaunes ! Ils s’appellent comment déjà ? »
Samuel : « Xanthoria marina ou Verrucaria maura. »
Léo (à Yann) : « Petit Sam retient tout 🙂 »
Le chevalier : « Je ne me hasarderais pas à identifier ces lichens… »
Léo : « Et la plante à fleur ? Tu la connais ? »
Le chevalier : « Oui 🙂 »
Max : « C’est une amie à toi ? »
Le chevalier : « Je l’aime beaucoup 🙂 C’est l’armérie maritime (Armeria maritima, Plumbaginacées). On l’appelle également œillet marin, gazon d’Olympe, gazon d’Espagne ou statice. »
Yann : « Elle pousse directement dans le rocher ? »
Le chevalier : « Ses racines parviennent à s’insinuer dans la moindre infractuosité de la roche. C’est dommage qu’elle ne soit pas plus éclose. »
Samuel : « Il y en a beaucoup en Bretagne ? »
Le chevalier : « Oui. Il y en a un peu partout sur le littoral français. Surtout le long des côtes rocheuses qui accueillent des pelouses aérohalines. »
Yann : « C’est quoi une pelouse aérosaline ? »
Le chevalier : « Aérohaline Yann 🙂 Ce sont des pelouses rases exposées au vent et aux embruns qu’il porte. On y trouve sur des Poacées. Le genre Festuca y est très présent. Toutes les plantes qu’on y rencontre sont adaptées à la sécheresse. »
Yann : « La sécheresse ? Mais le vent porte des gouttes d’eau de mer ! »
Max : « C’est vrai Yann. Mais l’eau de mer contient du sel. Le sel dessèche. Et puis le vent lui même dessèche. »
Yann : « Comment ça ? »
Max : « Imagine une plante qui a chaud. Elle transpire. On parle d’évapotranspiration chez les végétos. Quand il y a pas de vent, la vapeur d’eau reste un peu au-dessus de la plante et ça gêne l’évapotranspiration puisque l’air est déjà saturé en eau. Avec le vent, la vapeur d’eau est évacuée tout de suite. »
Yann : « Et la plante évapotranspire tout le temps ! Merci Max. »
Léo : « Tu grimpes sur la Pointe bonome ? »
Le chevalier : « Pour profiter de la vue. Regarde moi ça… »
Léo : « Rhooo ! C’est bôôô ! »
Samuel : « Tabarnak ! »
Yann : « Tabarnak ? »
Max : « Petit Sam vient du Québec 🙂 »
Léo : « Bonome, tu as pas une légende à nous raconter ? »
Le chevalier : « Version courte : l’îlot Saint-Michel devint rouge lorsque saint Michel posa le pied dessus. »
Max : « C’est tout ? »
Le chevalier : « C’est tout 🙂 »
Max : « Version longue bonome ! »
Le chevalier : « D’accord. Autrefois, l’Îlot était rattaché au littoral. En ce temps là, le diable voyageait sur Terre et Michel voulait l’en empêcher. Le diable, à la tête de tous ses démons, décida alors d’enlever le saint. Celui-ci se dirigea vers la mer et, arrivé sur le bout de la pointe, il se tourna, regarda derrière lui, tapa du pied ce qui provoqua l’apparition d’une tranchée entre la côte et l’îlot dans laquelle la mer s’engouffra. Le diable et ses démons furent entraînés dans les flots. Depuis cette époque le diable ne vient plus sur Terre. »
Max : « C’est ici que Michel a gagné son combat contre le diable ? »
Le chevalier : « Selon cette légende. »
Max : « Oui. Il doit y avoir une bonne centaine d’endroits en France où Michel a gagné son combat contre le diable… »
Samuel : « Et la chapelle ? »
Le chevalier : « Celle que nous voyons date de 1881. »
Max : « Il y en avait sûrement une avant ça. »
Le chevalier : « Oui Max. Il me semble qu’il y en avait déjà une en 1249. »
Léo : « C’est sa date de construction ? »
Le chevalier : « Non. Un texte de 1249 parle d’une chapelle. »
Léo : « Elle était là avant alors. Mais c’est quand même pas l’époque de Michel. Elles sont pas vraies les légendes. »
Samuel : « Un pipit ! »
Léo : « Je pense que c’est un pipit martime. »
Samuel : « Anthus petrosus, Motacillidés. »
Max : « C’était notre zoiso-gardien à Kraozon. »
Yann : « C’est quoi un zoiso-gardien ? »
Léo : « C’est comme un ange-gardien mais en zoiso 🙂 »
Max : « C’est un zoiso qui vieille sur nous. »
Léo : « En Charentmaritimie ce sont les chardonnerets élégants. Ils passent nous voir chaque jour. »
Yann : « Vous avez des zoisos-gardiens… »
Max : « Ils veillent sur nous pendant qu’on veille sur le Pays des Zoisos. »
Léo : « Je suis quand même pas sûr que c’est un pipit maritime. »
Max : « Tu penses à qui d’autre ? »
Léo : « Peut-être un pipit spioncelle… »
Samuel : « Anthus spinoletta, Motacillidés aussi 🙂 »
Max : « Non. Pas le spioncelle. Il a la poitrine plus claire avec moins de stries. »
Léo : « Le première année… »
Max : « Je pense pas quand même. Non, non. C’est un maritime. »
Yann : « Ça me fait du bien de voir que vous savez pas tout. »
Léo : « Ben non. Les pipits, les pouillots… On a encore du mal avec ces zoisos. »
Max : « Et puis d’autres encore. Mais on fait des progrès. »
Samuel : « Qu’est ce qu’elle est belle cette plage ! »
Max (à Yann) : « Samuel a lui aussi beaucoup de beauté dans les yeux. »
Léo : « Le sable est tout lisse ! Pas une seul empreinte ! »
Samuel : « Nous sommes les premiers à fouler ce sol vierge 🙂 »
Max : « Tu t’emballes petit Sam 🙂 »
Léo : « On approche des rochers. On peut aller les voir ? »
Le chevalier : « Si vous voulez. »
Max : « Tu as déjà observé les grès de Fréhel Yann ? »
Yann : « Pas vraiment. J’ai déjà vu les falaises mais j’ai jamais observé. »
Samuel : « Tu vas voir. »
Le chevalier : « Léo, veux-tu aller faire l’échelle sur les rochers ? »
Léo : « Si tu me portes ! »
Le chevalier : « D’accord. »
Yann : « Il y a des grains dans le grès. »
Max : « Ben oui. Le grès ce sont des grains de sables cimentés les uns aux autres. »
Samuel : « Le ciment peut être calcaire mais le plus souvent il est siliceux. »
Yann : « Siliceux ? »
Max : « La silice c’est le nom du composant chimique des grains de sable. Enfin, la plupart des grains de sable. Pour un grès, il faut au moins 80 % de grain de silice. »
Samuel : « On voit que les grains sont de tailles variables. Juste sous Léo, il y a une zone avec des grains un peu plus gros qu’autour. Ça peut arriver. »
Yann : « Et pourquoi il est rose le grès ? »
Max : « Parce qu’il est riche en fer et le fer ça rouille. »
Samuel : « En scientifique on dit que le fer s’oxyde. »
Max : « Ça veut dire qu’il vient de l’érosion d’une roche riche en fer… »
Léo : « C’est quoi déjà le socle ici ? Ah oui ! Les diorites et les amphibolites. Il y a bien du quartz dedans mais aussi des minéraux ferro-magnésiens. Donc il y a du fer disponible… »
Samuel : « Cousin breton, je sais pas ce que tu connais en géologie alors je t’explique un peu. Tu a compris que le grès vient de grains de sable qui se sont cimentés après leur dépôt. Mais il faut bien qu’ils viennent de quelque part ces grains de quartz. Ils viennent de l’érosion des roches qu’il y avait avant. L’érosion c’est l’usure des roches. Tu comprends ? »
Yann : « Oui Samuel. Tu es très clair. Donc, il y avait les roches dont Léo a parlé. Elles se sont usées et ça a donné du sable riche en fer et ça s’est transformé en grès. »
Max : « Voilà ! Bravo Yann ! »
Yann : « Ça veut dire que la plage d’ici va donner du grès un jour ? »
Léo : « C’est possible. »
Yann : « Le sable de la plage est presque horizontal. Il est pas penché… »
Samuel : « Je vois 🙂 Les grès ont été pliés. »
Yann : « Ça se plie les roches ? »
Max : « Ça se plie. Ça se casse. Ça fond. »
Léo : « Pour plier, il faut qu’elles soient un peu ramollies par la chaleur. »
Max : « Pour ça, elles doivent être enfouies en profondeur. Mais pas trop, sinon elles commencent à fondre. »
Yann : « A quelle profondeur les grès doivent aller pour se plier ? »
Max : « Je sais pas trop. Un ou deux kilomètres… »
Yann : « Rholala ! Alors en observant les rochers qu’on regarde jamais on peut savoir tout ça ! »
Samuel : « Oui cousin breton. C’est ça être naturaliste. Il faut observer puis interpréter ce qu’on voit. »
Max : « Le plus difficile c’est de bien observer. Dire ce qu’on voit sans a priori. »
Léo : « C’est pas toujours facile. »
Samuel : « Il est pas toujours facile d’interpréter non plus. »
Max : « Tu peux revenir dans la poche Léo. On va quand même pas te laisser sur ce rocher 🙂 »
Léo : « J’arrive. Bonome, si je saute, tu m’attrapes ? »
Le chevalier : « Non je te laisse t’écraser au sol. »
Léo : « D’accord. »
Samuel : « Joli saut cousin Léo ! »
Max : « Avance Tringa megapus ! »
Yann : « Pourquoi vous appelez le chevalier Tringa megapus ? »
Léo : « Il y a des zoisos qui sont des chevaliers. Il font partie de la famille des Scolopacidés. En scientifique, la plupart s’appelle Tringa quelque chose. Comme bonome est un chevalier… »
Samuel : « Et il a de grandes pattes. Enfin, par rapport à nous. Si on dit grandes pattes en grékancien ça donne megapus. »
Léo : « Tringa megapus ! »
Max : « Bonome, c’est un grand chevalier. Mais c’est pas un Scolopacidé 🙂 Pourquoi tu t’arrêtes megapus ? »
Le chevalier : « Pour fotoer cette magnifique plage… »
Léo : « Il n’y a que tes empreintes bonome 🙂 »
Le chevalier : « Je n’ai jamais vu une plage comme celle-la… Le sable est bien lisse, dur… Elle a l’air… Je ne sais pas… »
Max : « Toi alors ! Tu te laisses impressionné par une plage maintenant 🙂 »
Le chevalier : « Oui Max. »
Yann : « Toi aussi tu as de la beauté dans les yeux 🙂 »
Max : « C’est ce qui nous unit 🙂 »
Léo : « Pour être accepté dans la tribu il faut s’émerveiller du spectacle de la nature. »
Samuel : « Sinon il faut même pas nous parler. On se comprendrait pas. »
Max : « Tiens ! Bonome, tu as vu ? »
Le chevalier : « Oui Max. »
Max : « Tu sais ce que c’est Yann ? »
Yann : « Non. »
Max : « Léo, veux-tu bien ? »
Léo : « 🙂 Yann, ce que tu vois là c’est un œuf de Batman 🙂 »
Yann : « 🙂 »
Max : « La vieille blague de Léo 🙂 C’est lui qui l’a inventée mais il osait pas la dire à bonome. »
Samuel : « entre nous, on appelle ça une sapro-blague. Le préfixe sapro- veut dire pourri. »
Yann : « Vous êtes rigolos tous les trois. Vous faites la botanique, la géologie… Vous connaissez des tas de choses et d’un coup, vous faites une sapro-blague 🙂 »
Léo : « On aime bien rigoler ! »
Samuel : « Nous étudions sérieusement mais nous nous prenons pas au sérieux. »
Max : « Et puis on reste des juvéniles. »
Yann : « Vous me dites ce que c’est en vrai ? »
Max : « Oui Yann. C’est une capsule d’œuf de raie. Les raies font partie des Chondrichtyens. On dit parfois les poissons cartilagineux mais il faut pas. »
Samuel : « Les poissons ça existent pas. »
Léo : « C’est un groupe paraphylétique et il faut pas faire des groupes paraphylétiques. »
Yann : « Là je suis perdu. »
Max : « C’est paraphylétique qui te va pas ? »
Yann : « Oui. »
Max : « Mmmm… Comment dire ? »
Léo : « C’est pas très difficile. Un groupe paraphylétique est un groupe dans lequel il y a des êtres vivants ayant des ancêtres communs différents. »
Samuel : « Et ça c’est pas possible. »
Max : « Quand on fait un groupe, il faut qu’il contienne que des êtres vivants ayant un seul ancêtre commun. »
Léo : « En vrai ça reste une hypothèse mais en général elle est bien argumentée. »
Max : « Si on parle des poissons, il faut mettre les poissons cartilagineux et les poissons osseux dans le même groupe. Or ces deux types de poissons ont chacun un ancêtre commun différent. »
Samuel : « Et ça c’est pas possible. Je l’ai déjà dit. »
Max : « On va plutôt parler des Chondrichtyens et des Ostéichtyens. »
Léo : « On a simplifié un peu. »
Max : « Pas tant que ça. »
Samuel : « Revenons aux raies. Comme tous les Chondrichtyens elle est ovipare. Elle pond des œufs. Ces œufs sont entourés d’une protection appelée capsule. C’est ce qu’on a vu. »
Léo : « Quand la petite raie est assez développée elle sort de son œuf et de sa capsule. »
Max : « Les capsules sont différentes selon les espèces mais on a pas encore bien étudié. On sait pas encore identifier l’espèce à partir de sa capsule. »
Samuel : « C’est dommage parce que ça renseigne sur les espèces présentes dans le secteur et qu’on peut pas voir. »
Yann : « Et lui ? C’est qui ? »
Max : « Je sais pas mais il a pas l’air très en forme… »
Léo : « Il a perdu la tête 🙂 »
Samuel : « Il a plutôt perdu son corps… »
Max : « Bonome, tu t’y connais en Ostéichtyens marins ? »
Le chevalier : « Pas vraiment. »
Max : « Tu peux pas nous dire qui est cet étourdi qui a perdu son corps ? »
Le chevalier : « Je peux formuler une hypothèse. »
Max : « Tu veux hypothéser ? Nous t’écoutons. »
Le chevalier : « En préambule je voudrais préciser que sans le corps c’est un peu moins facile… »
Max : « On s’en doute 🙂 »
Le chevalier : « Je dirais que c’est une vieille. »
Max : « Une vieille quoi ? Comment tu sais qu’elle est vieille ? »
Le chevalier : « Une vieille. C’est le nom vernaculaire d’une espèce de Labridés. On pourrait dire que c’est un labre mais c’est une vieille. Labrus bergylta, Labridés. Mais je n’en suis pas sûr. »
Max : « On sait. C’est une hypothèse. »
Le chevalier : « Oui Max. Et les couleurs sont variables selon les individus chez les vieilles. »
Léo : « Tu nous expliques la vieille s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Tu vois Yann, c’est l’une des questions préférées de mes petizours. ‘Tu nous expliques le machin s’il te plaît ?’ »
Yann : « Je les comprends 🙂 »
Le chevalier : « 🙂 La vieille est un poisson…
Max : « Non bonome. Ça existe pas les poissons. »
Le chevalier : « La vieille est un Ostéichtyen de l’étage infra-littoral, dans les milieux rocheux et les algues. Elle chasse uniquement le jour et se nourrit de moules, de patelles, de crabes verts, d’oursins, de vers ou encore de poissons plus petits qu’elles. »
Samuel : « Les moules, les patelles, les crabes… Ces zanimos ont une partie dure. Elle fait comment pour les croquer ? »
Le chevalier : « Elle a de puissantes dents sur la machoire et le pharynx. Elle peut donc broyer ces parties dures. La nuit, elle se cherche une fissure, un trou, et s’y installe pour dormir. »
Max : « Elle pourrait croquer un petitours ? »
Le chevalier : « Les vieilles les plus grandes, qui atteignent plus de 60 cm, le pourraient. »
Max : « Ah… Il y en a beaucoup des vieilles ? »
Le chevalier : « Suffisamment pour vous croquer tous les quatre 🙂 »
Max : « Même pas drôle ! »
Léo : « Bon, on avance. Sinon on va jamais y arriver… »
Le chevalier : « Max, es-tu sûr d’avoir envie d’y aller ? »
Max : « Ben oui ! »
Le chevalier : « Je vais devoir marcher sur des cailloux tout cassés rendus glissants par les algues. »
Max : « Pfff ! Tu t’en fiches ! »
Léo : « Tu fais attention s’il te plaît. »
Le chevalier : « Oui mon Léo. »
Max : « STOOOP !!! »
Le chevalier : « Que se passe-t-il ? »
Max : « Le caillou là… »
Max : « Stratification entrecroisée ? »
Le chevalier : « Mouai… Ou en arête de poisson. »
Max : « Ça existe pas les poissons ! »
Le chevalier : « Là si… »
Léo : « Pourquoi dis-tu que c’est une stratification en arête de poisson ? »
Le chevalier : « L’échantillon est de petite taille mais on peut y voir une superposition de lamines de sens opposés. »
Samuel : « C’est vrai. »
Max : « Comment on interprète ça ? »
Le chevalier : « Par une inversion périodique des courants de marées. »
Léo : « Comme sur une plage quand la marée monte puis qu’elle descend ? »
Le chevalier : « Oui Léo. »
Yann : « Si je comprends bien les sables à l’origine de ce bloc de grès se sont déposés sur une plage. »
Le chevalier : « Si c’est bien une stratification en arête de poisson. Si c’est une stratification entrecroisée, sachant qu’aucun fossile n’a été retrouvé dans les grès d’Erquy-Fréhel, que la puissance des grès est importante… Ce serait peut-être un dépôt de cône alluvial… »
Léo : « Oui, ou alors d’un réseau fluviatile en tresse… »
Max : « Genre estuaire ? »
Le chevalier : « Possible… »
Max : « Oui, ben on est pas loin de la mer avec ce caillou. Soit juste avant dans l’estuaire en tresse, soit sur la plage, soit dans le cône fluviatile juste après l’embouchure de l’estuaire… »
Le chevalier : « Ce n’est pas très précis… »
Max : « Bonome… »
Le chevalier : « Oui Max. »
Max : « Tu sais que le niveau de la mer change tout le temps. »
Le chevalier : « Je le sais. »
Max : « Les grès se sont déposés en plusieurs milliers d’années non ? »
Le chevalier : « J’irais jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années… »
Max : « Au moins 🙂 On peut supposer qu’ils se sont déposés dans le système fluviatile en tresse, dans l’estuaire et dans le cône fluviatile. Ça dépendait des moments… »
Samuel : « Cousin Max, tu as une manière assez simple de résoudre les problèmes 🙂 »
Max : « On est pas des spécialistes de la sédimentologie. On va pas passer la journée à savoir précisément dans quel contexte s’est formé ce caillou. On sait à peu près et ça suffit. On va à la chapelle maintenant. »
Léo : « Maxou, tu as un peu raison. Mais c’est intéressant tout ça. Tu connaissais la stratification en arête de poisson toi ? »
Max : « Non. Bonome, tu as quelque chose à ajouter ? »
Le chevalier : « La stratification entrecroisée en auge qui correspond à un dépôt dans un milieu ou les chenaux se déplacent. »
Max : « On connaît déjà ! Il y a un bel exemple Là Où Les Cailloux Sont Tout Cassés en Charentmaritimie. »
Le chevalier : « C’est vrai. Il y a là-bas une belle trace de chenal 🙂 »
Yann : « Dites donc, vous en connaissez des choses ! Et dans plusieurs régions en plus… »
Léo : « On est allés en Charentmaritimie. On y va souvent même. »
Samuel : « En Vendée ! »
Max : « En Bretagne… »
Léo : « Et en Normandie. »
Max : « C’est pas mal pour des petizours 🙂 »
Samuel : « On approche de la chapelle… »
Max : « Elle est toute petite et il y a du monde… Je sais ce qu’on va faire ! Bonome, tu en fais le tour. Tu trouves un rocher pour t’asseoir. Tu pétunes en te caféinant en attendant que les gens partent. »
Léo : « Tu m’incites à… »
Max : « Oui ! Et nous on s’installe sur toi et on profite du paysage. »
Léo : « D’accord ! »
Samuel : « D’accord aussi ! »
Yann : « Tout pareil ! »
Le chevalier : « D’accord 🙂 »
Samuel : « On vient de là… »
Max : « Et là ? On ira ? »
Le chevalier : « Oui. Dès que nous aurons visité la chapelle. »
Léo : « Et si tu nous parlais de Michel en attendant ? »
Max : « Pourquoi on dit que c’est un archange ? »
Le chevalier : « Parce qu’on lui donne souvent ce titre. Tu as oublié qu’il y a neuf chœurs d’anges ? »
Max : « Je me souviens plus… »
Le chevalier : « Séraphins, Chérubins et Trônes ; Dominations, Puissances et Vertus ; Principautés, Archanges et Anges. »
Samuel : « Tu as commencé par les plus proches de Dieu ? »
Le chevalier : « Oui mon petitours. »
Léo : « Et c’est Michel qui vainc le diable ? »
Le chevalier : « C’est ce que nous dit l’Apocalypse selon saint Jean. ‘Ainsi fut culbuté le grand Dragon, le Serpent primitif, appelé Diable et Satan’ (Ap. 12, 9) Ou encore : ‘ Je vis encore un ange descendre du ciel : il tenait à la main la clef de l’abîme et une grande chaîne. Il maîtrisa le Dragon, le serpent primitif, qui n’est autre que le Diable et Satan.’(Ap. 20, 2) »
Max : « Il est pas cité là. »
Le chevalier : « Non mais c’est bien lui 🙂 »
Léo : « Et c’est lui aussi qui va assister Dieu pour le Jugement Dernier. »
Le chevalier : « C’est ce que disent les traditions juive et chrétienne d’après une vision de Daniel. Dieu et l’archange Gabriel lui sont apparus en songes pour lui annoncer que c’est Michel qui relèvera les morts pour les mener soit à la Vie Éternelle soit pour l’Opprobre Éternelle. »
Yann : « Le Paradis ou l’Enfer… »
Max : « L’Enfer peut pas exister. Dieu est Amour et il gagne à la fin. Alors il peut pas envoyer ses créatures en enfer. Il peut pas décider de sa propre défaite. C’est pas possible. »
Le chevalier : « Disons que l’enfer reste une possibilité réelle… »
Max : « Non bonome. Dieu est plus fort que tout. »
Samuel : « Bonome, quand tu iras au Paradis, tu crois qu’on sera avec toi ? C’est pas que je pense le mériter mais… »
Le chevalier : « Le Paradis ne serait pas le Paradis sans mes petizours. Vous y serez avec moi 🙂 »
Léo : « Bon, c’est bien la théologie mais on a pas fini notre journée nous. Et puis il y aura toujours des gens alors tu fais un effort monsieur ‘Jémpaléjens’. »
Le chevalier : « Oui mon Léo. Allons-y… »
Max : « C’est tout petit ! »
Léo : « Chut ! »
Max : « Bonome, tu fotoes, on ressort et tu nous expliques dehors. »
Le chevalier : « D’accord. »
Max : « Tu as fotoé ? »
Le chevalier : « L’autel et les vitraux. »
Max : « On commence par l’autel. Montre ! »
Léo : « C’est ‘La tempête apaisée’ ! »
Max : « Tu connais le texte par cœur bonome ? »
Le chevalier : « La version de Luc : ‘Un jour, Jésus monta dans une barque avec ses disciples. Il leur dit : Passons de l’autre côté du lac. Et ils partirent. Pendant qu’ils naviguaient, Jésus s’endormit. Un tourbillon fondit sur le lac, la barque se remplissait d’eau, et ils étaient en péril. Ils s’approchèrent et le réveillèrent, en disant : Maître, maître, nous périssons ! S’étant réveillé, il menaça le vent et les flots, qui s’apaisèrent, et le calme revint. Puis il leur dit : Où est votre foi ? Saisis de frayeur et d’étonnement, ils se dirent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci, qui commande même au vent et à l’eau, et à qui ils obéissent ?‘ Je précise qu’on retrouve cette parabole dans les Évangiles de Mathieu et de Marc. »
Yann : « Je comprends pourquoi c’est cette parabole ici. Les marins ont peur des tempêtes et ils demandent à Dieu de les apaiser et d’apaiser la mer. »
Léo : « Oui Yann. Mais ça c’est le sens historique. Il y a un sens spirituel aussi. La tempête peut être dans notre tête ou dans notre vie. C’est dans ces moments là qu’il faut pas perdre la foi, qu’il faut pas paniquer. »
Samuel : « Jésus nous apporte la paix dans notre vie. »
Max : « C’est pas toujours facile… »
Léo : « Bah… On a pas une vie agitée nous. »
Samuel : « C’est pas vraiment la tempête dans notre vie. »
Max : « Tu nous montres les vitraux ? »
Max : « C’est abstrait… »
Yann : « Ben non. »
Max : « Tu vois quelque chose toi Yann ? »
Yann : « Ben… Max, regarde en haut, le verre violet. »
Max : « En haut ? Ah oui ! »
Samuel : « C’est la chapelle ! »
Léo : « On voit l’Îlot en jaune… »
Max : « Des bras de mer et le chemin de rochers… »
Samuel : « Bien vu cousin Breton ! »
Le chevalier : « Au-dessus de l’autel… »
Max : « Tu vois quelque chose Yann ? »
Yann : « En rouge, on dirait… des homards ! Avec des rochers, des algues et la mer qui serpente…»
Léo : « C’est vrai ! T’es trop fort Yann ! »
Max : « Et à droite ? »
Yann : « Là c’est facile ! Il y a trois grands zoisos blancs et marron avec le bec jaune ! »
Max : « Ben ça alors ! Je les aurais pas vu moi ! »
Samuel : « Moi si ! »
Léo : « J’ai pas eu le temps de regarder avant que tu le dises. Je suis pas certain de les avoir repérés. »
Max : « Quand on le dit c’est facile 🙂 »
Yann : « C’est pas religieux mais c’est très beau. »
Max : « La beauté dans tes yeux 🙂 »
Le chevalier : « Mon petit Yann, ne le prends pas mal mais je ne suis pas d’accord avec toi. »
Yann : « Je le prends pas mal mais je voudrais bien que tu m’expliques chevalier 🙂 »
Le chevalier : « Ce que tu as vu c’est la terre, la mer, le ciel, les animaux, les végétaux… »
Max : « C’est la Création ! »
Léo : « La Genèse ! »
Samuel : « Et la création est confiée aux zoms sous la protection de Jésus et des anges. »
Max : « Ouai ben elle est mal barrée la création si elle est confiée aux zoms… »
Le chevalier : « ‘Nous n’héritons pas la Terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants’. »
Max : « Tu joues aux citations ? »
Le chevalier : « Mmmm… Non 🙂 Je me disais que Saint-Exupéry avait bien raison… »
Léo : « Ça changerait bien des choses d’agir en accord avec cette pensée… »
Max : « Oui, mais les zoms sont bêtes et ça changera jamais. Bon, comme l’a dit Léo, notre journée n’est pas terminée. On continue ? »
Le chevalier : « Je fotoe saint Michel avant si tu me le permets. »
Max : « Je te le permets mon bonome 🙂 »
Max : « Ah bah lui il a trouvé un dragon ! »
Le chevalier : « Ce n’est pas un dragon 🙂 C’est un être antropomorphe dont nous voyons les cornes. Je suppose qu’il a des pieds de bouc… »
Max : « Dis, tu connais une prière à saint Michel ? »
Le chevalier : « La prière de Léon XIII rédigée ne 1884. ‘Saint Michel archange, défendez-nous dans le combat ; soyez notre secours contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu lui fasse sentir son empire, nous vous en supplions. Et vous, prince de la milice céleste, repoussez en enfer, par la force divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes. Amen.’
Les petizours : « Amen ! »
Max : « Merci bonome. »
Yann : « C’était bien la visite ! Mais c’est étrange avec vous. On commence par parler des lichens. On enchaîne avec un zoiso. On regarde des cailloux en se demandant si le sable s’est déposé dans un fleuve, son estuaire ou ses dépôts sous marins. On visite une chapelle en faisant la théologie et on finit par une prière… C’est toujours comme ça avec vous ? »
Max : « On finit pas ! C’est qu’une étape ! On va encore cavaler. »
Samuel : « J’ai posé la même question peu de temps après mon arrivée 🙂 »
Léo : « Boris aussi 🙂 »
Max : « C’est souvent comme ça. Mais parfois on s’ennuie et on fait rien du tout. »
Samuel : « L’ennui est indispensable au bon fonctionnement du cerveau ! »
Max : « Oui petit Sam. Je sais. Mais reconnaît que c’est ennuyant de s’ennuyer. »
Samuel : « Je reconnais 🙂 »
Max : « Bon, on avance Megapus ! »
Remarque des petizours :
Cet article a un peu dérivé sur la théologie et saint Michel en particulier. Cela s’explique. Au moment où nous avons préparé cet article, près de deux ans après la sortie qu’il raconte, le père Michel, que bonome connaît, était en réanimation à cause du virus. Alors on s’est tournés un peu vers Dieu et saint Michel. Il va mieux le père Michel. Il est plus en réanimation.