172 – Le sentier botanique

Jeudi 10 Août, An IV

Tôt le matin. Max regarde par la fenêtre. Léo le rejoint.

Léo : « Qu’est ce que tu regardes Maxou ? »

Max : « Le temps… Il fait gris. Il pleut… Bonome voudra pas sortir… »

Léo : « Depuis qu’on est arrivés il est plutôt motivé pour inspecter coûte que coûte. »

Max : « Tu crois que même aujourd’hui… »

Léo : « Il suffit de lui demander. Il est en train de se caféiner. »

Max : « Il est en bas ? »

Léo : « Oui. Tu sais bien qu’après son réveil il s’éloigne guère de la cafetière 🙂 Tu veux que j’aille lui parler ? »

Max : « Non laisse. BOOOOOONOOOOOOOM’ BOOOOOOOOOOONOOOOOOOOOME ! »

Le chevalier apparaît instantanément.

Le chevalier : « Quelle est donc cette douce voix qui m’appelle si affectueusement ? »

Léo : « 🙂 »

Max : « C’est moi 🙂 »

Le chevalier : « Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’une avalanche s’est produite au moment où tu as crié. Que me vaut cet appel matinal ? »

Léo : « C’est parce qu’il fait pas beau. Maxou est inquiet. »

Le chevalier : « Vous voulez inspecter ? »

Max : « Ben oui bonome. C’est pas tout le temps qu’on peut faire l’alpinologie. Il faudrait en profiter. »

Le chevalier : « Malgré la pluie ? »

Max : « C’est pas une grosse pluie. »

Le chevalier : « Bien. D’accord. Je pensais que vous préféreriez rester au chaud. »

Max : « Dans ta poche on est au chaud. »

Le chevalier : « Bien bien bien 🙂 Petit Sam n’est pas avec vous ? »

Léo : « Comme il faisait gris quand on a ouvert les yeux je lui ai dit d’en profiter pour faire la grasse matinée. »

Le chevalier : « Alors va le réveiller en douceur et préparez vous. »

Max : « Chouette alors ! »

Quelques minutes plus tard, alors que notre petite troupe chevauche…

Léo : « Bonome, je t’ai entendu tout à l’heure. Tu parlais d’un guide à quelqu’un. C’est quoi ce guide ? »

Le chevalier : « Ce devait être une surprise. »

Léo : « Oups. Pardon bonome. »

Max : « Un guide ? Tu as pris un guide ? Mais on a pas besoin ! On a toi ! Ça y est ! Tu en as assez de nous ! Tu vas nous confier à un guide et tu vas partir ! »

Samuel : « Cousin Max ! Tu as vraiment le front tout le tour de la tête toi ! Le chevalier ferait pas ça ! Jamais. »

Léo : « Mais pourquoi un guide ? »

Le chevalier : « Pour changer. Vous verrez 🙂 »

Max : « Et on va où ? »

Le chevalier : « Vu le temps nous n’irons ni loin, ni haut. »

Max : « Oui d’accord. Mais ça nous dit pas où on va ça… »

Le chevalier : « Au sentier naturaliste de la réserve naturelle. Au Col des Montets. D’ailleurs nous arrivons… »

Max : « Moi je veux pas de guide. Ça sert à rien d’avoir un guide. Je veux que ce soit mon bonome le guide… »

Quelques minutes plus tard…

Le chevalier : « Notre guide nous attend 🙂 »

En voyant le guide Max saute de la poche et cavale vers lui…

Elvire la marmotte

Elvire : « Bonjour ! Je suis Elvire la marmotte et je serai votre guide aujourd’hui. »

Elvire et Max

Max : « Bonjour Elvire ! Moi c’est Max le petitours. Mes cousins arrivent. Avec mon bonome. »

Léo : « Oh ! Une marmotte ! »

Samuel : « Bonjour la marmotte ! »

Boris : « C’est toi notre guide ? »

Léo : « Tu t’appelles comment ? »

Elvire : « 🙂 Bonjour les petizours 🙂 Je m’appelle Elvire la marmotte et je suis guide botaniste à la maison de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges. »

Léo : « Rhoooo la chance ! »

Samuel : « On va faire la botanique ! »

Elvire : « Oui, avec un guide botaniste on fait la botanique 🙂 »

Max : « On en a déjà fait depuis qu’on est arrivés. Tu connais Gaston toi ? »

Elvire : « Gaston ? Quel Gaston ! »

Max : « Ben… Gaston Bonnier ! Pfff ! Tu es guide botaniste et tu connais pas Gaston… »

Elvire : « Parce que nous, les botanistes, on parle de la Bonnier. Pas de Gaston. Vous êtes prêts ? »

Max : « Ben oui ! On a déjà nos sacados ! »

Léo : « Je pense qu’une foto de groupe s’impose. N’est-ce pas bonome ? »

Le chevalier : « Tu me connais bien mon Léo. »

Les petizours et Elvire la marmotte

Elvire : « Allez ! C’est parti ! Nous allons commencer par déambuler un peu sur le chemin puis je vous présenterai quelques végétos et leurs milieux de vie. »

Max : « On connaît déjà des végétos ! »

Léo : « Mais on les connaît pas tous ! Elvire en connaît forcément plus que nous ! »

Samuel (à Elvire) : « Cousin Max ronchonne parfois. Là il fait un peu sa mauvaise tête. Mais il est très gentil. »

Elvire : « Au fait, vous vous êtes pas présentés ! »

Max : « Lui, le petitours à capuche, c’est Léo. Mon doux cousin Léo 🙂 Le petitours blanc, habituellement à salopette, c’est Samuel. Il est venu tout seul du Lac Saint Jean au Québec pour nous rejoindre. Là, c’est Boris. Il a été envoyé par le Grand Conseil des Petizours de Grande Russie pour devenir petitours naturaliste. Et le grand dadais, là, c’est bonome 🙂 »

Samuel : « C’est un grand chevalier. »

Elvire : « Bien 🙂 Bon parlons un peu de ce chemin… »

Le sentier botanique

Elvire : « Nous sommes ici au Col des Montets qui sépare la Vallée de Chamonix de la Vallée de Vallorcine ou Vallée du Finhaut, en Suisse. »

Max : « On est allés en Suisse ! »

Léo : « On a vu les traces de dinosaures ! »

Elvire : « Vous êtes allés à Emosson ? Vous en avez de la chance ! »

Samuel : « Le chevalier est très gentil avec ses petizours. Il savait que ça nous ferait plaisir. »

Max : « Même qu’il m’a fotoé sur une empreinte ! »

Elvire : « 🙂 Revenons au chemin. Nous sommes donc près du col dans une zone relativement humide vers 1500 mètres d’altitude. En raison de l’orientation de la vallée, sa position entre deux grands massifs et son altitude, le sentier naturaliste abrite une flore très diversifiée. Et quelques particularités géologiques comme celle-ci. »

Une source

Boris : « Il y a de l’eau qui sourd du sol ! »

Max : « Elle vient d’où cette eau ? »

Elvire : « Du Massif des Aiguilles Rouges ! L’eau s’infiltre vers les sommets ou sur les pentes du massif. Elle descend puis, en rencontrant une couche imperméable, elle s’accumule puis finit par ressurgir ici ou là. Il y a quelques sources comme celle-ci réparties dans le secteur. Continuons… »

Le sentier botanique

Léo : « Tu nous emmènes où Elvire ? »

Elvire : « Nous allons descendre vers l’étang. C’est très beau. Vous allez voir… »

Elvire : « Voilà ! »

L’étang

Samuel : « Rhooo ! »

Boris : « C’est vrai que c’est beau ! »

Léo : « Et toi tu habites ici ? »

Elvire : « Oui 🙂 Mais les conditions sont pas toujours faciles. Je vous ai emmenés ici pour commencer par les arbres. Comme vous pouvez le voir il y en a de nombreuses espèces. Des aulnes, des bouleaux… Mais je voudrais vous en présenter deux espèces importantes. Venez… »

Épicéa commun Picea abies, Pinacées

Elvire : « C’est un épicéa commun. »

Léo : « Picea abies, Pinacées ! »

Samuel : « Il est à la base d’une association végétale qu’on appelle la pessière ! »

Boris : « On la trouve à l’étage montagnard, vers 800 à 1000 mètres d’altitude. »

Elvire : « Vous connaissez la pessière ? »

Max : « Elvire, on a des sacados nous. On est naturalistes. On connaît pas tout mais quand on vient à la montagne on connaît la pessière. »

Elvire : « D’accord. Je précise quand même que les aiguilles de l’épicéa sont plutôt plates et qu’elles sont attachées individuellement sur les branches. C’est un critère important chez les Pinacées, la façon dont les aiguilles sont attachées sur la branche. Alors allons voir un autre arbre ! Le voilà ! »

Mélèze, Larix decidua, Pinacées

Elvire : « C’est un mélèze ! Comme vous pouvez le voir ses aiguilles sont attachées par groupes circulaires. »

Max : « Il s’appelle Larix decidua, Pinacées. »

Léo : « Ben oui, c’est écrit sur le panneau 🙂 »

Samuel : « Le mélèze est la plante principale d’une association végétale appelée mélézein. »

Elvire : « Oui Samuel. Dans le mélézein on trouve beaucoup d’arbrisseaux rampants. Je vous les montrerai plus tard. Pour le moment continuons à nous promener. »

Max : « On chemine sur les chemins 🙂 »

Le paysage

Boris : « Un zoiso ! »

Max : « Ouça le zoiso ? »

Léo : « Là ! »

Une femelle rougequeue à front blanc, Phoenicurus phoenicurus, Muscicapidés

Samuel : « C’est qui ce zoiso ? »

Max : « On dirait un Muscicapidé… »

Léo : « Un rougequeue ? »

Max : « Pas noir. Même une femelle ou un juvénile… »

Léo : « Alors un rougequeue à front blanc. Juvénile ? Femelle ? »

Max : « C’est pas un juvénile. Observez bien son bec. C’est un bec fin d’adulte ça. »

Léo : « Tu as raison Maxou. Alors c’est une femelle rougequeue à front blanc, Phoenicurus phoenicurus, Muscicapidés. »

Max : « Bonome, tu confirmes ? »

Le chevalier : « Je confirme. »

Elvire : « Vous connaissez les zoisos ? »

Max : « Elvire, regarde sur nos épaules et sur notre dos. Que vois-tu ? »

Elvire : « Les bretelles de vos sacados et vos sacados. »

Max : « Ben oui ! C’est parce qu’on est na-tu-ra-list’. Et dans naturaliste il y a aussi ornithologue. »

Léo : « Même qu’on aime beaucoup les zoisos. »

Samuel : « C’est notre sujet d’étude préféré 🙂 »

Boris : « Et tous les zoisos c’est leur préféré 🙂 »

Elvire : « Dites donc, vous en connaissez des choses, vous. »

Max : « Ben oui 🙂 On est comme ça ! »

Léo : « Même que le rougequeue à front blanc on l’avait jamais vu ! »

Samuel : « Encore une nouvelle espèce ! »

Elvire : « Vous en connaissez beaucoup des espèces de zoisos ? »

Max : « Ben… On a pas vraiment compté. Bonome, d’après toi ? »

Le chevalier : « Vous devez approcher des 200 espèces. »

Elvire : « 200 espèces de zoisos ! Rholala ! »

Léo : « On connaît les insectes aussi. »

Samuel : « Pourquoi tu parles des insectes cousin Léo ? »

Léo : « A cause de la chenille… »

La chenille du machaon, Papilio machaon, Papilionidés

Boris : « Oh ! Elle est belle ! »

Max : « C’est la chenille du papillon machaon, Papilio machaon, Papilionidés. »

Léo : « Même que si on l’embête elle sort ses cornes qui sont pas des cornes pour émettre un produit qui sent pas bon ! Beurk ! »

Max : « Ça s’appelle un osmeterium. »

Le chevalier : « Oui, mais il n’y a pas que le machaon qui en a. Presque toutes les espèces de Papilionidés en ont. »

Léo : « Le flambé aussi ? »

Le chevalier : « Oui Léo. »

Max : « On a jamais vu la chenille du flambé… On continue Elvire ? »

Elvire : « Oui, on est là pour ça 🙂 Venez sur les rochers. »

Elvire… et les petizours

Samuel : « De quoi tu vas nous parler Elvire la marmotte ? »

Elvire : « Ben, apparemment vous connaissez beaucoup de choses déjà. Je sais plus quoi dire, moi. »

Léo : « Et si tu nous parlais de la jolie plante qui est derrière toi ? »

Elvire : « La callune vulgaire ? Vous la connaissez pas ? »

Max : « Ben si. Mais on sait pas tout ! »

Elvire : « La callune vulgaire, Calluna vulgaris, fait partie de la famille des Ericacées. C’est une grand famille mais la plupart de ses membres n’existent qu’en Afrique du Sud. L’Afrique du Sud c’est le pays des Ericacées 🙂 Les Ericacées de nos régions ont toutes les mêmes caractéristiques. Parlons d’abord de la fleur. Les pétales sont soudés au moins à la base. Si on regarde pas bien les fleurs de la callune vulgaire, on peut croire que les pétales sont séparés mais c’est pas vrai. Ils sont soudés à la base. Regardez… »

Callune commune Calluna vulgaris, Éricacées

Samuel : « Je me serais fait avoir, moi ! »

Léo : « Il faut toujours bien observer petit Sam. »

Elvire : « Oui. La plupart des autres callunes et bruyères ont des petites fleurs en clochettes. La fleur comporte 5 cycles de 5 pièces florales chacun. 5 sépales, 5 pétales, 5+5 étamines et 5 carpelles. »

Boris : « C’est pas dur à retenir alors ! 5 x 5 ! »

Elvire : « Oui Boris. Elles sont pour la plupart adaptées aux sols acides : sur le granite, les gneiss, les schistes… Vous connaissez ces roches ? »

Max : « Elvire, les sacados ! »

Elvire : « Vous êtes géologues aussi ? »

Léo : « Dans naturaliste il y a géologue aussi 🙂 »

Samuel : « Si on va dans les Alpes et qu’on fait pas la géologie… »

Boris : « Même qu’on connaît les sackungs nous 🙂 »

Elvire : « Les sackungs ? C’est quoi les sackungs ? »

Max : « Tu connais pas les sackungs ? »

Léo : « Max, Elvire est botaniste. Pas géologue ! »

Samuel : « Les sackungs, ça ressemble à des failles normales mais c’est dû à un effondrement gravitaire des pentes des montagnes suite au recul des glaciers. »

Boris : « Il y en a là-haut ! »

Elvire : « Je me renseignerai 🙂 Bon, revenons au Éricacées. Elles forment des landes et leur port est adapté. La croissance est lente et se fait souvent au ras du sol. Les tiges ont donc un aspect tout contourné. Les feuilles sont étroites, bordées de poils et peuvent se replier sur elles-mêmes pour protéger la face inférieure qui porte les stomates. Ça évite l’évaporation. »

Samuel : « C’est quoi les stomates ? »

Elvire : « Mmmmm… Des structures formées de deux cellules dites cellules de garde délimitant une ouverture appelée ostiole. C’est par là qu’ont lieu les échanges gazeux entre la plante et l’air. Quand les cellules de garde gonflent, l’ostiole se ferme et quand elles dégonflent, les ostioles s’ouvrent. »

Max : « Les échanges gazeux il y en a deux chez les végétos. Les échanges gazeux respiratoires : la plante prélève du dioxygène et rejette du dioxyde de carbone. Et les échanges photosynthétiques : la plante prélève du dioxyde de carbone et rejette du dioxygène. »

Samuel : « Et ça se fait par les ostioles des stomates. Merci Elvire la marmotte. »

Léo : « On peut continuer les rochers ? Il y en a un beau là ! »

Elvire : « Alors allons-y ! »

Des rochers

Léo : « Il y a encore des lichens ! C’est beau les lichens ! »

Paysage de lichens

Samuel : « Elvire la marmotte, tu connais les lichens ? »

Elvire : « Oui Samuel. Que veux-tu savoir ? »

Samuel : « Le chevalier nous a expliqué un peu. Tu veux bien nous raconter les lichens s’il te plaît ? »

Elvire : « Je veux bien Samuel. Si votre chevalier vous a expliqué un peu il a dû vous dire que ce sont des symbioses. »

Max : « Ben oui ! »

Elvire : « Je rappelle pour ceux qui ont oublié. Une symbiose est une association obligatoire et à bénéfice réciproque entre deux êtres vivants. »

Samuel : « Les lichens c’est la symbiose d’une cyanobactérie ou d’une algue avec un champignon ! »

Max : « Notre petit Sam retient tout. »

Léo : « Il a une mémoire prodigieuse. »

Boris : « Le chevalier a dit ça une seule fois. »

Léo : « Et Sam s’en souvient. »

Samuel : « Vous me gênez… »

Léo : « Elvire, tu connais l’espèce de ce lichen ? »

Elvire : « Si je dis pas d’erreur c’est un Enterographa zonata mais je suis pas certaine. C’est compliqué les lichens. Mais ce sont des organismes importants dans la colonisation des rochers par la végétation. Parce qu’ils forment une première couche vivante sur laquelle peuvent s’installer des mousses ou des petites plantes saxicoles. »

Samuel : « Saxicole ? Comme dans saxifrage ? »

Elvire : « Oui Samuel. Saxicole signifie qui aime les roches. Vous connaissez les saxifrages ? »

Max : « On a vu la saxifrage paniculée et la saxifrage des ruisseaux. »

Samuel : « La saxifrage étoilée aussi. »

Elvire : « De très jolies plantes 🙂 Là il y a la joubarbe des montagnes. »

La joubarbe de montagne

Max : « On la connaît ! »

Samuel : « On l’a vue hier 🙂 »

Elvire : « Dites donc, vous connaissez déjà bien la flore des Alpes. »

Max : « C’est grâce à bonome. »

Léo : « Wikibonome 🙂 »

Max : « Léo, démonstration ! »

Léo : « Oui Maxou. Bonome, pourrais-tu nous dire quelle est cette petite plante qui se trouve là ? »

Alchémille des rochers Alchemilla saxatilis, Rosacées

Le chevalier (qui était dans sa tête) : « Mmmm ? Oui, pardon Léo. Cette petite plante ? Voyons ça… C’est une alchémille. Comme vous le voyez les feuilles ont toutes cinq folioles. Je dirais donc que c’est l’alchémille des roches, Alchemilla saxatilis, Rosacées. Savez-vous que c’est cette petite plante qui est à l’origine de l’alchimie ? »

Max : « Noooon ? C’est vrai ? Ben ça alors ! »

Boris : « Raconte chevalier ! »

Le chevalier : « Les feuilles de l’alchémille vulgaire forme une espèce de coupe dans laquelle s’accumule la rosée du matin. Cette eau avait la réputation d’être particulièrement pure et les alchimistes, qui ne s’appelaient pas encore comme cela, récoltaient cette eau pour s’adonner à leur passe-temps favori : la réalisation de la pierre philosophale qui devait transformer le plomb en or. »

Samuel : « Et ils ont jamais réussi… »

Le chevalier : « Non 🙂 A force d’utiliser l’eau des alchémilles, ces personnages étranges ont reçu le nom d’alchimistes. Toujours au Moyen-Âge, cette eau, dite rosée céleste, avait la réputation de soigner les maux féminins. Plus tard, on lui attribua la propriété de régénérer la virginité féminine et de raffermir les seins flétris. »

Max (discrètement à Elvire) : « Alors, tu vois 🙂 »

Boris : « Merci chevalier. »

Léo (en adressant un clin d’œil à Elvire et Max) : « Et cette petite plante à fleur blanche. Tu la connais ? »

Euphraise naine

Le chevalier : « L’euphraise naine, Euphrasia minima, Orobranchacées. Elle était autrefois classée dans les scrofulariacées. Je ne sais pas pourquoi ça a changé. Cette petite plante est familièrement appelée casse-lunettes. En effet selon le grand savant italien Matthiole, elle permet « d’ôter tous les empêchements contraires à la vue. » Des études récentes ont montré son action contre les conjonctivites, les larmoiements, les infections ophtalmologiques légères et les orgelets. Euphrasia est un mot grec qui signifie joie. »

Samuel : « C’est la joie d’avoir retrouvé la vue ? »

Le chevalier : « Certainement mon petit Sam. »

Max : « Alors Elvire ? Convaincue ? »

Elvire : « Il est toujours comme ça ? »

Léo : « Oui 🙂 »

Boris : « Et pas seulement pour la botanique. Pour l’entomologie, la géologie… »

Samuel : « Il est incollable ! »

Max : « Mais bon, c’est facile quand on a vu la naissance de l’Univers. »

Elvire : « Quand on en a vu la naissance de l’univers ? Comment ça ? »

Max : « Bonome le dira jamais mais il a 15 milliards d’années. »

Léo : « Au minimum. »

Samuel : « Alors il a assisté à la naissance de l’univers. Forcément. »

Boris : « C’est pour ça qu’il connaît tout. »

Le chevalier (qui sort de dans sa tête) : « Qu’est ce que vous racontez ? »

Max : « Elvire nous demandait pourquoi tu as pris un guide alors que tu connais tout. »

Léo : « J’ai une hypothèse. »

Samuel : « Cousin Léo a toujours des hypothèses 🙂 »

Léo : « Elvire, tu es une juvénile toi aussi. »

Elvire : « Oui. »

Max : « Bonome, c’est pour ça que tu as pris un guide alors ? »

Samuel : « Pour qu’on chahute avec Elvire la marmotte ? »

Max : « Bonome, tu pourrais sortir de dans ta tête quand on te parle ! »

Samuel : « Le chevalier va parfois dans sa tête. »

Léo : « Il redevient sauvage… »

Max : « Bonome, c’est pour qu’on chahute avec une marmotte que tu as pris un guide ? »

Le chevalier : « Moi ? Non 🙂 »

Max : » D’accord 🙂 C’est parti ! »

Quelques temps plus tard, les petizours sont à bout de souffle et Elvire les nargue du haut d’un rocher…

Elvire : « Ben alors les petizours, on joue plus ? »

Léo : « On est tout fatigués ! »

Max : « Moi j’en peux plus ! »

Boris : « Je suis épuisé. »

Samuel : « Tu es trop forte Elvire la marmotte. »

Le chevalier : « Mes petizours se sont faits ratatiner par une marmotte ? »

Léo : « Ratatiner ? Oh non ! Pire que ça ! »

Samuel : « Si on était pas pleins d’humilité on pourrait dire qu’on s’est fait humilier. »

Boris : « Mais on est contents pour Elvire. »

Elvire : « C’est pas tous les jours que je peux chahuter comme ça avec des visiteurs 🙂 »

Max : « Pfff ! C’est facile pour toi ! Déjà tu connais bien les lieux et puis il y a eu des millions d’années d’évolution qui ont fait que les marmottes courent mieux que les ours ! C’est l’évolution qui nous a ratatinés, pas toi ! »

Samuel : « Cousin Max est très mauvais perdant. »

Max : « Je suis pas mauvais perdant ! Je suis un bon gagnant ! »

Léo : « Ben ça, on peut pas avoir. Tu gagnes jamais ! »

Samuel : « Et vlan cousin Max 🙂 »

Le chevalier : « Bon, si vous vous êtes bien amusés nous pourrions reprendre la visite. »

Max : « On peut. Elvire, veux-tu qu’on te fasse visiter ? »

Elvire : « Vous ? Vous voulez me faire visiter la réserve ? »

Léo : « Oui 🙂 Avec wikibonome. »

Samuel : « Elvire la marmotte, ça serait pas une centaurée ça ? »

Centaurée de montagne Centaurea montana, Astéracées

Elvire : « Si. C’est la centaurée de montagne, Centaurea montana, Astéracées. »

Max : « On a vu la centaurée uniflore déjà. »

Elvire : « Oui, on la voit beaucoup là-haut. »

Léo : « Il y a aussi des centaurées au bord de mer, Centaurea aspera par exemple. »

Elvire : « Vous allez au bord de la mer aussi ? »

Max : « Ben oui ! On a une cabane à notre disposition en Charentmaritimie alors on y va souvent quand bonome est en vacances. Tu devrais venir un jour. »

Elvire : « Ça va pas être facile. Parce qu’il y a l’hibernation bientôt. Jusqu’en mars ou avril. Et puis après je fais la guide, moi. »

Léo : « On te donnera l’adresse et si tu peux venir hésite pas 🙂 »

Boris : « Il est beau ce chemin. »

Le chevalier : « Nous y reviendrons. »

Max : « On va revenir ? Quand ? »

Le chevalier : « Avant notre départ. J’aimerais grimper jusqu’au Lac Blanc. Enfin… Si le temps le permet. »

Elvire : « Le Lac Blanc ? Oui, c’est par là. Mais il faut beaucoup marcher. Avec un peu de chance vous verrez de beaux zanimos… »

Max : « On les verra. Bonome parle le zanimo alors il leur demande de venir pour ses petitzours. »

Elvire : « Il parle le zanimo ? »

Léo : « Oui, bonome il est polyglotte du zanimo. Il parle le zoiso, le renard, le chevreuil… »

Samuel : « Il parle tout le mammifère. »

Max : « Mais il le dira pas. »

Elvire : « C’est un drôle de bonome votre chevalier. »

Max : « Bah… C’est un peu un grand dadais maladroit mais il est pratique. Il nous évite de nous promener avec une bibliothèque 🙂 »

Samuel : « Les cousins ! Regardez ! »

Un rougequeue noir

Max : « Un rougequeue noir ! »

Léo : « Ben oui, forcément. C’est notre zoiso-gardien d’ici. Il fallait bien qu’il se montre ! »

Elvire : « Parce qu’en plus vous avez des zoisos-gardiens ? »

Max : « Toujours ! Ici ce sont les rougequeues noirs. En Bretagne c’était les pipits maritimes et les bécasseaux sanderlings. En Charentmaritimie ce sont les chardonnerets rigolos… »

Léo : « En Normandie et en Vendée on a pas fait attention… »

Max : « En Normandie c’était les Laridés. »

Elvire : « Vous êtes allés en Bretagne, en Vendée, en Normandie, en Charentmaritimie ! Tout ça ! »

Max : « J’ai tendance à oublier qu’on a vraiment de la chance… »

Samuel : « Quand je vous le dis vous vous moquez de moi ! »

Léo : « On se moque pas petit Sam. »

Max (à Elvire) : « Petit Sam croit toujours qu’il vit un rêve. Mais je le comprends. »

Boris : « Vous vous rendez pas compte de la chance que vous avez… »

Léo : « Toi aussi tu vas beaucoup inspecter avec ton chevalier. »

Max (à Elvire) : « Parce que Boris va retourner en Grande Russie où il va être confié à un chevalier pour inspecter le Pays des Zoisos et voir si tout s’y passe bien. »

Léo : « J’entends des mésanges… Des charbonnières, Parus major, Paridés. Bonome, va par là s’il te plaît. »

Samuel : « Elles sont là ! »

Max : « Il y a des juvéniles ! Fotoe bonome ! Fotoe ! »

Une mésange charbonnière Parus major, Paridés

Max : « Chez nous on a des restaurants à zoisos. On a des mésanges charbonnières, des bleues, des moineaux… On les voit tout petits. »

Léo : « On les voit grandir. Mais il y a une petite bleue qui est venue mourir à la fenêtre. On a pas pu la sauver… »

Elvire : « Quel roman que votre vie ! »

Samuel : « Quand je vous dis qu’on a de la chance ! »

Max : « Tu devrais lire mon blog Elvire 🙂 »

Elvire : « Tu graves un blog ? »

Max : « Léo et Sam m’aident. C’est pour montrer à Princesse que bonome fait bien sa mission. »

Boris : « Vous papotez, vous papotez… Moi je voudrais bien faire la botanique un peu quand même ! »

Max : « Oui Boris. Tu as raison. Elvire, cette petite plante là s’il te plaît… »

Le mélampyre des près

Elvire : « Pétales soudés… »

Max : « Section B ! »

Elvire : « On le voit pas là mais les étamines sont soudées à la corolle… Je vous passe la suite. C’est une Orobranchacées anciennement Scrofulariacées. C’est le mélampyre des prés, Melapyrum pratense. C’est une plante hémiparasite, comme tous les mélampyres. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’a placée dans les Orobranchacées qui sont toutes parasites ou hémiparasites. »

Boris : « C’est quoi hémiparasite ? »

Elvire : « Un parasite est un être vivant qui se développe au détriment d’un autre. Un hémiparasite est pas obligé d’être parasite. Les mélampyres peuvent voler la sève élaborée d’autres plantes mais ils font aussi la photosynthèse et donc ils peuvent survivre seuls. »

Max : « Je vois. Le mélampyre est un gros paresseux. Il pourrait se débrouiller tout seul mais il préfère voler le manger des autres… »

Elvire : « 🙂 C’est un peu ça 🙂 »

Léo : « Et ça ? »

Rhinanthe crête de coq Orobranchacées

Elvire : « Le rhinanthe crête de coq, Rhinanthus alectorolophus. C’est aussi une Orobranchacée ancienne Scrofulariacée. »

Boris : « Elle est hémiparasite aussi ? »

Elvire : « Oui Boris. »

Max : « Et celle-ci ? »

Elvire : « Celle-ci ? Mmmmm… »

Sedum spectabile, Crassulacées

Elvire : « Oui oui, c’est ça. C’est un sédum, Sedum spectabile, Crassulacées. Il est pas très courant. Je me souvenais pas qu’il y en avait ici. »

Max : « Wikibonome tu veux bien sortir de ta tête et nous raconter une anecdote s’il te plaît ? »

Le chevalier : « Une anecdote ? Sur la centaurée des montagnes ? »

Max : « La centaurée des montagnes ? La dernière fois que tu as écouté on parlait de la centaurée des montagnes ? Pfff !!! »

Léo : « Tu peux rester dans ta tête bonome 🙂 »

Elvire : « Je connais pas des anecdotes mais je sais que ce sedum peut servir contre les aphtes, les brûlures ou les cors aux pieds… »

Samuel : « Merci Elvire la marmotte. »

Elvire : « Je vais retenir qu’il y en a ici. Je l’avais pas vu celui-là. On arrive dans le secteur des Éricacées que je voulais vous montrer. Les plantes de la lande à Éricacées… Commençons par la plus connue : le rhododendron ferrugineux… »

Rhododendrons ferrugineux

Elvire : « C’est très beau là-haut quand les rhododendrons sont en fleurs. Son nom en scientifique est Rhododendron ferrugineum. On le trouve dans ce qu’on appelle la zone de combat à la sortie de la forêt. C’est là que les tétras-lyres aiment à nicher. Vous avez déjà vu des tétras-lyres ? »

Léo : « Ben non… C’est rare les tétras-lyres et c’est la première fois qu’on vient dans les Alpes. »

Elvire : « Oui, je comprends. Ensuite il y a le genévrier nain. »

Genévrier nain

Le chevalier : « Juniperus sibirica, Cupressacées. Autrefois il avait la réputation de protéger de la peste si on en mâchait les baies. On disait même qu’il protégeait du diable lui-même 🙂 Il sert encore aujourd’hui à soigner des affections des bronches ou alors à parfumer les plats comme la choucroute. On peut aussi en faire du genièvre ou du gin. »

Max : « Tu es sorti de ta tête ? »

Le chevalier : « Oui mais j’y retourne de ce pas. »

Max : « Mais qui m’a affublé d’un pareil bonome ? Pfff ! Il est dans sa tête. Il sort de sa tête. Il retourne dans sa tête… »

Samuel : « C’est pour nous laisser entre juvéniles. »

Léo : « Ça m’étonnerait pas de lui… »

Max : « Bon, on continue. Tu as d’autres plantes à nous montrer Elvire ? »

Elvire : « Oui, la myrtille 🙂 »

Myrtilles

Max : « Alors là pas d’anecdote ! On s’en fiche ! Dégustation de myrtilles pour tout le monde ! »

Le chevalier : « Mes petizours sont baccivores ? Vous allez avoir la gueule noire ! »

Max : « La gueule noire ? Sois poli bonome ! »

Le chevalier : « C’est comme ça qu’on appelait les oiseaux ou renards gourmands de myrtilles. Leur pulpe violacée colorent le bec ou la gueule de ceux qui venaient de s’en goinfrer. Enfin, faites vous plaisir. C’est bon contre la diarrhée et les troubles intestinaux. »

Léo : « C’est bon les myrtilles 🙂 »

Le chevalier : « Oui mais ne vous en gavez pas trop. »

Max : « Et pourquoi pas ? »

Le chevalier : « Parce qu’il y a des airelles rouges juste là. »

Boris : « C’est bon les airelles rouges ? »

Elvire : « Très bon 🙂 »

Max : « Alors on y va ! »

Airelles rouges

Le chevalier : « Mes petizours baccivores… »

Samuel : « Ça veut dire quoi baccivore ? »

Le chevalier : « Qui se nourrit de baies. »

Max : « Alors on est baccivores 🙂 »

Le chevalier : « Je pensais que vous étiez chocolatophages ? »

Max : « On peut être chocolatophages et baccivores bonome, voyons ! »

Le chevalier : « Comment faites-vous pour manger autant sans prendre un gramme ? »

Max : « Tu aimerais bien savoir 🙂 »

Léo : « Bonome se laisse pousser le ventre… »

Elvire : « Il est plutôt svelte. »

Le chevalier : « Ah ! Merci Elvire ! Vous êtes tellement occupés à baccivorer que vous n’avez pas demandé les noms scientifiques de la myrtille et de l’airelle rouge… »

Léo : « Elvire peut pas nous dire ! Elle mange ! »

Le chevalier : « Vaccinium myrtillus et Vaccinium vitis-idaea. »

Max : « Merchi bonome… »

Le chevalier : « Vous avez englouti votre propre volume en baies d’Éricacées… »

Léo : « Je me sens un peu lourd là… »

Boris : « Moi aussi… »

Samuel : « Je crois qu’on a abusé. »

Max : « Mais c’était booooon ! »

Le chevalier : « Je suis ravi que vous vous soyez régalés 🙂 Elvire, pourrais-tu nous montrer une ou deux plantes encore avant que nous partions ? »

Elvire : « Oui, j’en ai justement deux en réserve 🙂 Venez les voir… Je les montre pas à tout le monde. Commençons par celle-ci… »

Lycopode en massue Lycopodium clavatum, Lycopodiacées

Elvire : « C’est le lycopode en massue, Lycopodium clavatum. C’est une petite plante rare bien que localement abondante. On la trouve surtout en montagne mais il y en a un peu dans les Mont d’Arrée en Bretagne. Vous connaissez ? »

Max : « Ben non… »

Léo : « C’est pas une plante à fleurs ! »

Elvire : « Non non ! C’est un groupe à part : les Lycopodiophyta, ordre des Lycopodiales, famille des lycopodiacées. C’est pas tout le monde qui les connaît ! »

Samuel : « Merci de nous la présenter Elvire la marmotte. »

Elvire : « J’ai mieux. Venez… Là. Vous voyez ? Approchez vous… »

Drosera à feuilles rondes Drosera rotundifolia, Droséracées

Le chevalier : « La drosera à feuilles rondes ! »

Max : « Tu connais ? »

Le chevalier : « Je connaissais par les livres ! Je ne l’avais jamais vue en vrai ! Merci Elvire ! »

Elvire : « A ton service chevalier. Je suis ravi de te montrer quelque chose que tu avais jamais vu. »

Léo : « C’est pas tout le monde qui peut dire ça ! »

Le chevalier : « Drosera roduntifolia, Droséracées… »

Max : « Pourquoi elle a des poils gluants sur ses feuilles ? »

Elvire : « Pour piéger des insectes ! C’est une plante carnivore. »

Boris : « Une plante carnivore ? »

Max : « Rhoooo la chance ! »

Léo : « On en a vu au jardin du muséum de la Ville Capitale mais ça fait pas pareil… »

Elvire : « Comme vous le voyez sûrement le sol est très humide et pas très riche en azote. Alors la drosera prend l’azote là où il est : dans les zanimos. »

Léo : « Ça c’est de l’adaptation ! »

Samuel : « Une plante carnivore… Rhooo ! »

Max : « Elle est toute petite ! On l’aurait pas vue sans toi Elvire ! Rholala merci ! »

Elvire : « Chevalier, vous allez repartir ? »

Le chevalier : « Il le faut bien… »

Elvire : « On a le temps de chahuter ? »

Le chevalier : « … Y-a-t-il du café au chalet d’accueil de la réserve ? »

Elvire : « Il y a ! »

Le chevalier : « Alors je vous laisse le temps de me caféiner. Ne ratatine pas trop mes petizours 🙂 Quoi que ça m’arrangerait que tu les épuises 🙂 »

Un lichen du genre Bryoria

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