Samedi 11 Février, An IV
Dans la cabane de Normandie, les petizours sont réveillés depuis un moment et sont face à l’ordinateur. Ils regardent une vidéo en riant aux éclats. Le chevalier est réveillé par les rires et s’approche d’eux…
Le chevalier : « Bonjour mes petizours. Vous allez l’air de bien vous amuser. »
Les petizours : « Bonjour bonome ! »
Léo : « On t’a réveillé ? »
Le chevalier : « Oui. Mais c’était l’heure… Qu’est ce qui vous amuse comme ça ? »
Léo : « On a trouvé ton hymne 🙂 »
Max : « Bonome, les gens d’armes vont venir t’arrêter 🙂 »
Samuel : « Il faut plus boire autant de café 🙂 »
Le chevalier : « Auriez-vous trouvé… Montrez moi cette vidéo 🙂 »
Les petizours rient de plus belle 🙂
Le chevalier : « Oldolaf, le café… Je connais 🙂 »
Max : « Tu connais ? »
Samuel : « Je vous l’avais dit qu’il connaîtrait ! »
Le chevalier : « Un ami troubadour me la passe en boucle à chaque fois que je vais le voir 🙂 J’adore 🙂 »
Max : « Sacré bonome 🙂 »
Le chevalier : « Rassurez-moi : je n’en suis pas à ce point quand même ? »
Max : « Ben… »
Léo : « Certains jours tu sautes partout… »
Samuel : « Heureusement que tu as pas de secrétaire 🙂 »
Le chevalier : « J’ai des petizours. Méfiez-vous ! Bon, maintenant que je suis levé, on pourrait envisager d’aller inspecter. »
Max : « On t’attend, nous ! »
Le chevalier : « Je bois un café et on y va 🙂 »
Max : « Bonome, on va où ? »
Le chevalier : « Aux Confessionnaux ! »
Max : « On va à confesse ? D’accord ! En route les cousins ! »
Après une heure de chevauchée…
Le chevalier : « Nous voici arrivés aux Falaises des Confessionnaux. »
Léo : « Vous voyez bien ! C’était pas des vrais confessionnaux pour aller à confesse. »
Le chevalier : « Ça vous ferait du bien 🙂 »
Max : « On est sages ! On a rien à confesser ! »
Le chevalier : « Pas sûrs… Vous êtes parfois agités. Et pénibles… »
Max : « ON EST PAS PÉNIBLES ! »
Léo : « Parfois agités… »
Samuel : « On déborde d’énergie. »
Le chevalier : « Vous êtes des juvéniles et les juvéniles ça se chamaille. Je sais… »
Max : « Aujourd’hui on va être très sages. »
Le chevalier : « Bien. »
Léo : « Bonome, on va étudier la falaise sur plusieurs kilomètres ? »
Le chevalier : « Oui Léo. »
Léo : « On peut aller voir les zoisos de l’estran avant ? »
Le chevalier : « Si Samuel et Max n’ont pas d’objections… »
Max : « D’accord. »
Samuel : « D’accord aussi. »
Le chevalier : « Alors zoisotons un peu 🙂 »
Léo : « Il y a des Laridés ! La chance ! »
Max : « Léo et ses Laridés 🙂 »
Léo : « Un marin et un argenté ! Oh ! Le marin s’envole ! »
Samuel : « Là-bas il y a un goéland cendré et une mouette qui rigole ! »
Max : « Et deux goélands argentés ! »
Léo : « Rholala ! Quatre espèces de Laridés en trois minutes ! Rhoooo ! »
Samuel : « Cousin Léo, pourrais-tu cesser de rholalaer et de rhoer s’il te plaît ? »
Léo : « Oui oui. Pardon pardon 🙂 Mais j’aime beaucoup les Laridés. Quand j’en vois c’est qu’on est à la mer, ou en inspection au bord de l’eau. Et il y a notre ami le vent… »
Max : « Il souffle pas beaucoup aujourd’hui. Il doit être occupé à faire une grosse tempête quelque part. »
Samuel : « Peut-être au Jurassique pour secouer Tante Yvonne 🙂 »
Max : « Dis le vent, tu peux faire une bourrasque pour dépeigner Tante Yvonne s’il te plaît ? Merci le vent ! »
Léo : « Pauvre Tante Yvonne. Elle est toujours dépeignée à cause de nous 🙂 »
Max : « Mais elle sait qu’on pense à elle. Et elle s’en fiche d’être dépeignée. C’est pas Chien qui va lui faire une remarque. »
Samuel : « Dites, vous croyez que si on se perd dans la brume on pourrait arriver sur le bateau de Tante Yvonne ? »
Léo : « Seulement si il est dans la brume lui aussi. Mais on peut pas savoir… »
Max : « On pourrait arriver dans la brume ailleurs. Avec des brochets ou des congres… »
Samuel : « Oulala, j’ai peur des brochets moi ! »
Max : « Tout le monde a peur des brochets petit Sam, tout le monde ! »
Léo : « Tiens, un bécasseau variable qui fait sa toilette 🙂 »
Samuel : « Et là un pipit maritime… »
Léo : « Bon, ben les zoisos vont bien. On peut aller faire la géologie alors. »
Samuel : « Ouiiii !!! »
Max : « Par quoi on commence ? »
Le chevalier : « Allons voir la falaise 🙂 »
Léo : « C’est encore le Bathonien ici ? »
Le chevalier : « Oui, le Bathonien supérieur. »
Max : « Bonome, tu as pas expliqué le Bathonien ? Il vient d’où ce nom ? »
Le chevalier : « Le Bathonien a été défini en 1842 par le géologue belge Jean-Baptiste-Julien D’Omalius d’Halloy à Bath, en Angleterre. Le grand d’Orbigny a précisé un peu la paléontologie de cet étage quelques années plus tard. Rappelons que le Bathonien fait suite au Bajocien dont nous avons étudié le stratotype hier, et qu’il est suivi du Callovien, que nous avons pu en partie observer avant-hier. »
Léo : « Tu nous gâtes bonome 🙂 »
Samuel : « Merci chevalier. »
Max : « Oui oui, merci et tout ça mais la falaise bonome, la falaise ! »
Le chevalier : « Elle est en face de toi Maxou 🙂 »
Max : « On voit deux strates principales. En bas, elle forme une encoche. Puis il y a les calcaires de la falaise. Et une couche bizarre tout en haut. »
Le chevalier : « De bas en haut : les Marnes blondes, les Calcaires de Langrune et les dépôts quaternaires. Je propose de commencer par les Marnes blondes. Allez les observer… »
Max : « Les cousins, on descend ! »
Le chevalier : « Soyez prudents 🙂 »
Max : « Euh, bonome… On va pas dans l’encoche à la base de la falaise. Ce serait pas prudent. Il y a risque de crabouillage. Je veux pas finir crabouillé moi. »
Le chevalier : « C’est sage 🙂 Les Marnes blondes affleurent en avant de la falaise. »
Léo : « Vu ! Venez les cousins ! »
Max : « Tout ça de brachiopodes ! »
Samuel : « Il y en a partout ! »
Léo : « Des tas d’espèces différentes ! »
Max : « Bonome, on pourra en collecter ? »
Le chevalier : « Vous pouvez prendre tout ce qui se détache facilement de la roche ou qui ce qui est déjà dégagé. Pas de marteau ici ! »
Max : « D’accord ! »
Le chevalier : « Mais avant, prenons un peu de recul pour mieux voir. »
Max : « On fossile pas ? »
Le chevalier : « Si. Mais d’abord on observe. Ensuite vous collecterez tout ce que vous voulez. Je vous laisserai quartier libre. »
Léo : « D’accord. »
Samuel : « On poche ? »
Le chevalier : « Si vous voulez… Voilà ! D’ici nous pouvons voir presque toutes les formations… »
Le chevalier : « Presque… »
Max : « Tu expliques s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Sur l’estran et à la base de la falaise, ce sont les Marnes blondes. Elles sont faites d’une alternance de marnes et de calcaires. On peut simplifier en disant qu’il y a d’abord les marnes grises puis les marnes blondes s.s. Au dessus c’est le Calcaire de Langrune sans stratification entrecroisée. Puis vient la partie à stratification entrecroisée. Ensuite il y a une zone de calcaires en plaquettes. Il a été débité en plaquettes par l’action du gel lors des glaciations du quaternaire. Encore plus haut, au sommet, ce sont les dépôts quaternaires. Nous étudierons les détails au fur et à mesure de notre inspection. Reculons encore… Là.
Max : « Il y a une surface de discontinuité. Avec… Avec comme des huîtres dessus. »
Le chevalier : « C’est le sommet de la Pierre de Ranville, formée d’un calcaire graveleux à crinoïde. On peut observer sa surface sur l’estran. La présence de nombreuses huîtres montre que la sédimentation s’est arrêtée. Je ne sais pas si il y a eu émersion mais il me semble. Après la formation de la Pierre de Ranville, la mer s’est retirée et il y a eu érosion. Puis la mer est revenue et les marnes blondes se sont déposées. Nous en reparlerons plus tard. »
Samuel : « Les huîtres datent de quand ? Avant ou après l’émersion ? »
Le chevalier : « Bonne question. Avant je pense. Entre l’arrêt de sédimentation et l’émersion. Bien, il est temps de vous laisser arpenter les Marnes blondes en quête de fossiles 🙂 »
Max : « Fossilage ! »
Les petizours se dispersent en courant…
Le chevalier : « Tout se passe bien mon petit Léo ? »
Léo : « Rhooo oui ! Regarde moi ça ! Tout ça de brachiopodes ! On peut tout prendre ? »
Le chevalier : « Tout ce que tu veux mon petitours. »
Léo : « Mets ça dans tes poches. Je peux pas tout porter moi 🙂 »
Quelques minutes plus tard, le chevalier siffle le rassemblement… Samuel et Léo arrivent en poussant des tas de fossiles plus gros qu’eux. Max, lui, en tient un seul et marche avec désinvolture en sifflotant.
Le chevalier : « Alors ? »
Samuel et Léo : « Regarde ! »
Samuel : « Tu connais ces brachiopodes chevalier ? »
Le chevalier : « Je pourrais tenter d’identifier quelques espèces précisément, mais pour beaucoup, je ne ferai que des hypothèses. »
Léo : « On verra ça dans la cabane. »
Samuel : « Et toi cousin Max ? Tu as rien trouvé ? »
Max : « Moi ? Si si… »
Max sort son fossile de derrière son dos…
Le chevalier : « Un Hemicidaris luciensis ! »
Léo : « Tu connais ce zoursin ? »
Le chevalier : « J’ai passé des heures à en chercher ! »
Max : « Fallait me demander bonome 🙂 »
Le chevalier : « Un Hemicidaris luciensis… Et en parfait état en plus ! Ça alors… »
Léo : « C’est ton ami ? »
Le chevalier : « J’en ai trouvé un seul, en passant des heures à inspecter tous les cailloux de l’estran, les retournant un par un, allongé par terre. Tout ça pour en trouver un tout petit usé par les vagues. Bravo Maxou ! »
Samuel : « Bravo cousin Max, bravo ! »
Léo : « Parle nous un peu de ce fossile s’il te plaît. »
Le chevalier : « C’est un oursin régulier de la famille des Cidariidés. Il a été défini ici, en 1850, par d’Orbigny. Le nom d’espèce, luciensis, veut dire qu’il se trouve à Luc sur mer. »
Léo : « Pas ailleurs ? Seulement ici ? »
Le chevalier : « Il est plutôt rare ailleurs. »
Samuel : « Quoi d’autre ? »
Le chevalier : « Il vivait dans les rochers en milieu agité par des courants. Il était protégé par des piquants acérés ornés de ponctuations. »
Max : « Alors on sait que les Marnes blondes se sont formées dans un milieu agité. On continue à fossiler ? »
Le chevalier : « Oui oui… »
Samuel : « Chevalier, c’est quoi ça ? On a déjà vu des comme ça je crois. »
Le chevalier : « Oui. C’est un tube calcaire formé par un ver de la famille des Serpulidés. »
Léo : « Et ça là ? Et là ? »
Le chevalier : « Probablement des bryozoaires branchus… Vous ai-je dit que les bryozoaire sont des Lophophoriens ? »
Max : « Ben oui. Ils ont un lophophore. On sait ça. »
Le chevalier : « Les brachiopodes aussi. »
Max : « Les brachiopodes sont des Lophophoriens aussi ? Ils sont cousins les bryozoaires et les brachiopodes ? »
Léo : « Pourtant ils sont pas du tout pareils ! »
Le chevalier : « Je sais. Les mystères de l’évolution… »
Léo : « Alors dans le groupe des Lophophoriens on doit mettre les bryozoaires et les brachiopodes ? »
Samuel : « Ben… Si ils ont des lophophores… Il faut bien cousin Léo. Bonome, je voudrais pas te vexer… Viens voir… »
Le chevalier : « Ça alors ! Toi aussi tu trouves un Hemicidaris ? »
Léo : « Bonome… On doit être pile sur la bonne couche 🙂 »
Le chevalier : « D’accord… Alors il n’y a que moi qui n’en trouve pas… »
Max : « Pauvre petit bonome… »
Léo : « C’est parce qu’on est des fa dièses 🙂 »
Samuel : « On est tout petits alors on voit mieux. »
Max : « En plus tu as la vue qui baisse… »
Léo : « Tu devrais aller voir le docteur des yeux. »
Samuel : « Et porter des lunettes… »
Le chevalier : « Je vois très bien de loin ! C’est de près que j’ai du mal à accommoder. »
Max : « Aïe ! On l’a vexé… »
Léo : « Sa vanité en a pris un coup. »
Samuel : « Superzieux porte pas des lunettes… »
Le chevalier : « Non, je suis pas vexé… Et je suis ravi de vos trouvailles. »
Max : « On les mettra dans tes vitrines nos Hemicidaris. »
Léo : « Tu as des vitrines avec des fossiles d’ici ? »
Le chevalier : « Oui Léo. »
Max : « Alors ce soir on refait une soirée fotos ? »
Le chevalier : « Cela devient une tradition 🙂 »
Max : « Quand on aura le temps on t’aidera à tout bien identifier et on refera tes vitrines. Comme ça on aura un beau musée dans notre cabane. »
Samuel : « On a un muséum chez nous 🙂 »
Léo : « Non non petit Sam, tu rêves pas. C’est bien vrai 🙂 »
Le chevalier : « Bien, puisque nous avons tout ce qu’il nous faut comme fossiles, nous pourrions retourner observer la falaise. »
Max : « On pourra fossiler encore après ? »
Le chevalier : « Tout dépendra de la marée… »
Max : « D’accord. »
Léo : « Pour étudier la falaise c’est mieux de pocher. »
Le chevalier : « Alors grimpez ! Ça m’amuse de vous voir grimper ou glisser le long de mon pantalon 🙂 »
Max : « Pour monter c’est moins fatiguant quand tu nous portes… »
Le chevalier : « Ça m’amuse moins. Vous êtes installés ? »
Max : « Oui bonome. »
Léo : « J’avais pas fait attention à ces cavités dans la falaise… »
Le chevalier : « Nous avons observé la falaise plus à l’ouest et là-bas, elles ne sont pas présentes. Elles apparaissent quand les Calcaires de Langrune à stratification entrecroisée affleurent au niveau du sable. Ce sont les Confessionnaux. »
Samuel : « Pourquoi elles s’appellent les Confessionnaux ces cavités ? »
Le chevalier : « J’ai entendu deux explications qui ne sont pas mutuellement exclusives. Leur forme rappelle celle des arcs brisés gothiques. Certains confessionnaux gothiques avaient cette forme. »
Max : « Première explication… »
Le chevalier : « Les arcs reposent sur des piliers instables qui risquent de s’effondrer à tout moment. Les vibrations de l’air dues à un bavardage dans l’un de ces confessionnaux pourraient être suffisantes pour le faire s’effondrer. »
Max : « Et hop crabouillé ! »
Le chevalier : « Il vaut donc mieux se confesser avant de s’y aventurer 🙂 »
Max : « Seconde explication. »
Le chevalier : « Pour votre culture : il y a eu deux morts en 1993 ici. Deux collectionneurs de fossiles qui se sont attaqués à la falaise. »
Max : « Paix à leurs âmes… »
Le chevalier : « Que diriez vous de faire une pause ? »
Max : « Oui bonome. Dis, tu veux bien nous fotoer ? »
Le chevalier : « Ici ? »
Max : « Oui. Enfin, à un endroit un peu solide quand même. Tu nous déposes sur la paroi avec nos casques. Tu fotoes et tu viens nous rechercher vite fait. »
Samuel : « Cousin Max veut encore se faire peur 🙂 »
Le chevalier : « Ce n’est pas très prudent… »
Max : « S’il te plaît bonome. »
Le chevalier : « Vite fait alors. »
Max : « Merci bonome 🙂 »
Max : « On fait la pause ? »
Le chevalier : « Oui. Je cherche un rocher un peu à l’écart des falaises… Là. »
Max : « Tu nous donnes notre chocolat s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Le voici. »
Max : « Bon sandouich bonome 🙂 »
Le chevalier : « Bon appétit mes petizours. »
Max : « Merci bonome. »
Samuel : « Tiens, un zoiso 🙂 »
Léo : « Là aussi ! »
Max : « C’est pas des zoisos ! C’est une bergeronnette grise et un pipit maritime ! »
Léo : « Ce sont quand même des zoisos ! »
Samuel : « Des Motacillidés. »
Max : « Ils viennent nous voir 🙂 Bonjour les zoisos ! Aujourd’hui on fait surtout la géologie. Mais c’est gentil d’être venus. »
Léo : « Ils viennent voir le grand chevalier et ses petizours. »
Samuel : « C’est sûr que c’est pas banal. »
Léo : « Notre réputation nous précède 🙂 »
Max : « Bon, on a bien mangé. Bonome s’est caféiné. On pourrait reprendre. Tu as pas parlé d’étudier les détails de la falaise ? »
Le chevalier : « Si, mais rapidement. Le temps se dégrade. »
Max : « On va encore être tout mouillés… »
Léo : « Pas sûr… »
Max : « Allez ! C’est parti ! Pochage ! »
Samuel : « Oh ! Le poisson ! »
Léo : « Il est pas en forme ce poisson. »
Samuel : « Il est tout mort ! »
Max : « Bonome, tu connais ce poisson ? »
Le chevalier : « Mmmmm… Pas facile… Comme l’a si justement fait remarquer Léo, ce poisson n’est pas en forme… Sa ligne latérale est en forme de S au niveau de la nageoire pectorale… Je dirais donc que c’est une limande, genre Limanda, famille des Pleuronectidés… Sans certitude… »
Samuel : « C’est quoi la ligne latérale ? »
Le chevalier : « Une ligne qui se trouve sur les côtés des Ostéichtyens. Ce sont des organes sensitifs. Des détecteurs de pression… »
Max : « Les os t’y es tiens ! C’est quoi ça bonome ? »
Le chevalier : « Les ostéichtyens ! Les poissons osseux à nageoires rayonnées. »
Léo : « Bonome, je crois que c’est le moment de nous expliquer pourquoi les poissons ça existe pas 🙂 »
Le chevalier : « Pfff ! Je vais faire bref. Vous connaissez les requins, les raies, les roussettes ? »
Max : « On a jamais vu des requins. Encore ouf ! »
Léo : « Et les raies et les roussettes on connaît juste les capsules de leurs œufs. »
Samuel : « Mais on a regardé des images sur Internet. On connaît un peu. »
Le chevalier : « Alors vous savez que leur squelette est entièrement cartilagineux. »
Max : « Le cartilage seulement ? Comme ce que tu as dans ton nez ou tes oreilles ? »
Le chevalier : « Oui Max. »
Max : « Ils ont pas d’os ? »
Le chevalier : « Eh non ! On les regroupe en un ensemble appelé Chondrichtyens. On dit parfois poissons cartilagineux mais il ne faudrait pas. »
Léo : « Ben non, si les poissons ça existe pas… »
Samuel : « Je vois poindre le problème. Tous les autres Vertébrés ont un squelette osseux. Alors il faut mettre tous les autres Vertébrés dans un groupe de zanimos osseux et les Chondrichtyens à part. »
Max : « Et dans tous les autres zanimos il y a les poissons comme la limande. »
Léo : « Ben voilà le groupe des Poissons éclaté en deux ! »
Max : « On pourrait s’arrêter là. »
Léo : « Mais on est des naturalistes nous, alors on veut en savoir plus ! »
Samuel : « Par exemple comment on appelle le groupe des zanimos osseux. »
Le chevalier : « Les Actinoptérygiens. »
Max : « On les appelle tous comme ça ? Même les zoms ? »
Le chevalier : « Ben oui… »
Samuel : « C’est quand même bizarre. Le zoms, les zoisos, les chevaux… et la limande. Tout ça dans le même groupe. »
Le chevalier : « Mais il y a des groupes dans ce groupe 🙂 Prenons la limande, le brochet ou le congre… »
Max : « Non ! La limande seulement ! »
Le chevalier : « Si tu veux. Elle a des nageoires rayonnées. »
Léo : « Oui d’accord. Tu expliques ? »
Le chevalier : « Les nageoires sont de fins prolongements de peau soutenus par des os en forme de rayons. »
Léo : « Des nageoires rayonnées, d’accord. »
Samuel : « Le zom a pas des nageoires rayonnées ! »
Le chevalier : « Tous les Ostéichtyens non plus ! Il en existe qui ont des nageoires charnues. »
Max : « Par exemple ? »
Le chevalier : « L’exemple classique est le cœlacanthe. »
Max : « Ah bah oui ! Le c’est là Kant ! J’en parlais justement à Samuel et Léo ce matin ! »
Samuel : « On cherchait où c’était Kant. »
Léo : « Et quand Max a trouvé sur la carte il s’est écrié : ‘C’est là Kant !’ »
Le chevalier : « 😀 Kant m’évoquait plutôt un philosophe 🙂 »
Max : « C’était moins facile à caser 🙂 »
Le chevalier : « Je vous montrerai des fotos du cœlacanthe. De ses nageoires surtout. Elles contiennent des os et des muscles. Et ces os ont une architecture qui n’est pas sans ressembler à celle du membre chiridien. »
Max : « Je connais le membre chiridien ! C’est celui qui a une main au bout ! »
Léo : « Les tétrapodes ont des membres chiridiens ! »
Samuel : « Je vois. Alors le cœlacanthe ressemble plus au zom qu’à la limande ! »
Le chevalier : Et oui mon petitours 🙂 »
Léo : « Si je résume, ce matin on aurait mis les raies, la limande et le coelacanthe dans le groupe des poissons. Et le zom à part.»
Max : « On était des béotiens 🙂 »
Samuel : « Maintenant on sait que les raies sont des Chondrichtyens… Euh… Les autres ? C’est quoi ? »
Le chevalier : « La limande est un Ostéichtyen Téléostéen, le coelancante un Ostéichtyen Sarcoptérygien et le zom aussi. Mais c’est également un Tétrapode. »
Max : « C’est un peu compliqué… »
Le chevalier : « Oui. Un jour, quand je serai à la retraite, je ferai un article sur les poissons qui n’existent pas 🙂 »
Léo : « Bon, on sait pas tout mais on a compris que les poissons ça existe pas. Merci bonome. »
Le chevalier : « J’ai un document simple qui illustre le changement de vision du monde que vous venez de connaître. Voulez-vous le voir ? »
Max : « Ici ? Tu as ton ordinateur dans ton sacado ? »
Le chevalier : « Oui 🙂 Je m’adapte à votre soif de connaissances 🙂 Attendez un peu… Voilà ! »
Max : « C’est tout à fait ça ! »
Léo : « C’est exactement ce qu’il vient de nous arriver ! »
Samuel : « On est passé du monde de la classification classique à celui de la classification phylogénétique. »
Léo : « Aaahhhh ! Je me sens mieux ! »
Samuel : « Ben oui ! »
Max : « Nous étions dans l’erreur ! »
Léo : « Bonome, grâce à toi nous pouvons enfin entrevoir un peu la Vérité ! »
Le chevalier : « Mes petizours je vous rappelle qu’une théorie scientifique n’est juste que jusqu’à ce qu’on ait prouvé qu’elle fût fausse. C’est le principe de réfutation souvent attribué à Karl Popper. »
Max : « Bon ben nous entrevoyons seulement la vérité du moment… »
Léo : « On est quand même plus dans l’erreur. »
Max : « Dis bonome, le vendredi à la cantine il faudra plus dire au gentil chef que tu aimes pas le poisson. »
Samuel : « Tu diras, au choix, que tu manges pas de Chondrichtyens ou d’Ostéichtyens Téléostéens. »
Le chevalier : « Vous êtes bêtes 🙂 »
Max : « Bon, maintenant que nous sommes plus incultes en poissons qui existent pas, on peut reprendre la géologie ? »
Le chevalier : « Bien sûr. »
Max : « Avant je voudrais te féliciter au nom des petizours. Mon bonome tu as pas fait un long exposé indigeste et soporifique. C’était simple et accessible. Tu as même pas utilisé de mots compliqués que personne connaît à part toi, si on enlève Ostéichtyen, Chondrichtyen, Sarcoptérygien, Téléostéen et je sais plus quoi. Bravo bonome, tu progresses 🙂 »
Samuel : « Bravo bonome ! Bravo ! »
Max (à Léo) : « Il l’a encore appelé bonome 🙂 »
Samuel : « Ben oui ! Ça vous défrise ? »
Léo : « Et vlan ! »
Le chevalier : « Bon, reprenons la géologie avant que vous ne vous dissipiez. »
Max : « On dissipe pas ! »
Léo : « On a dit qu’on serait sages aujourd’hui ! »
Samuel : « Reprenons chevalier. »
Le chevalier : « Alors revenons au Calcaire de Langrune. Nous voyons ici un bel exemple de stratification entrecroisée. »
Max : « Moi je sais ! C’est une sédimentation de chenal ! On a déjà vu. C’est donc que la mer était peu profonde avec des chenaux partout. Puis les chenaux se sont remplis de sédiments. »
Le chevalier : « Exact Max. Les spécialistes peuvent même déterminer le sens des courants. »
Max : « Et pas toi ? »
Le chevalier : « Je ne suis pas un spécialiste moi. »
Léo : « En haut de la deuxième foto on voit les calcaires tout cassés. »
Le chevalier : « Oui, c’est à cause des glaciations. L’eau s’infiltre puis gèle. En gelant, son volume augmente et fracture la roche. On parle de gélifraction. »
Max : « Tu parles de gélifraction. Personne d’autre que toi parle de gélifraction bonome. Essaye un peu pour voir. Tiens, avec le gentil chef quand tu refuses de manger de l’Ostéichtyen Téléostéen. Enchaîne sur la gélifraction pour voir… »
Samuel : « Et tout en haut ? »
Le chevalier : « Les dépôts récents du quaternaire. On voit pas bien ici mais au sommet des Calcaires de Langrune, il y a une fine couche de marnes dite Argiles de Lion du Bathonien terminal. Entre le Calcaire de Langrune et les Argiles de Lion existe une surface importante dite Surface de Lion. Elle marque le changement de sédimentation. On passe en effet d’une sédimentation calcaire, que nous avons observée hier et aujourd’hui, à une sédimentation argileuse que nous avons pu voir aux Vaches-Noires et qui commence par ces Argiles de Lion. »
Max : « D’accord. On expliquera tout ça à la fin du séjour. »
Le chevalier : « Terminons par les dépôts quaternaires. Ils ont été déposés par le vent. Ce sont des limons éoliens et on parle de Loess. On peut distinguer deux couches. La partie supérieure, ou lehm, montre des ravines verticales dues à l’infiltration d’eau qui dissout les carbonates. Ce lehm est plutôt sombre en raison de sa pauvreté en carbonates. Les carbonates précipitent dans la couche inférieure où ils forment des concrétions calcaires. »
Léo : « Rholala, tu en connais des choses. »
Le chevalier : « Et encore, je ne vous ai pas tout montré 🙂 Retournons au début de l’estran, on y trouve une structure intéressante. »
Samuel : « Attend chevalier ! C’est quoi ça ? »
Le chevalier : « C’est une foto floue 🙂 »
Max : « Pfff ! Même pas drôle ! »
Le chevalier : « Ce sont les traces de roues de charrettes. »
Max : « Des charrettes jurassiques du Bathonien supérieur ? Les brachiopodes se déplaçaient en charrettes à roues ? »
Le chevalier : « Oui Maxou, c’est bien connu des géologues 🙂 »
Max : « D’accord, c’est ma faute… »
Léo : « Tu expliques s’il te plaît ? »
Le chevalier : « Asseyez-vous. Par où commencer… Vous savez qu’on trouve sur un estran des tas d’objets naturels ou artificiels qui se sont échoués. Il y a des algues, des animaux morts, des épaves… »
Max : « Du plastique ! »
Le chevalier : « Certes, mais pas à l’époque qui nous intéresse. »
Samuel : « On est à quelle époque ? »
Le chevalier : « Au Moyen-Âge… Période gothique, peut-être romane… »
Max : « Donc il y a des épaves de tout genre… »
Le chevalier : « Oui. En anglais wreck, en allemand wrack, en danois vrek… »
Max : « Tu vas faire toutes les langues ? »
Le chevalier : « J’arrive au français. Mais avant, on peut affirmer que ce mot est très vieux puisqu’il a diffusé un peu partout en Europe du Nord. On suppose qu’il a été introduit dans ces pays lors des invasions vikings (vers 900) ou saxonnes (vers 600). »
Max : « J’ai envie de dire : Et alors ? »
Le chevalier : « En français il a donné varech qui se prononce varek. »
Max : « D’accord. On sait maintenant qu’il y a des mots dans tous les pays pour parler d’épaves. Et alors ? Le rapport avec les charrettes ? »
Le chevalier : « Depuis des siècles, le varech est utilisé pour engraisser les terres ou pour être brûlé comme combustible par les paysans très pauvres. On peut trouver des poissons qui donnent de la nourriture ou de l’huile. Du bois ou différents objets… »
Léo : « Les charrettes servaient à la récolte du varech ! »
Samuel : « Elles devaient passer souvent ! »
Le chevalier : « Oui, peut-être chaque jour. Saviez-vous qu’il existait un droit de varech, réservé aux ecclésiastiques ? »
Max : « Bonome, comment on pourrait savoir ça ? »
Le chevalier : « Il existe un texte de l’époque de Philippe III (1275) qui confirme le ‘droit de varech’ de l’abbaye Saint-Étienne de Caen sur le territoire de Luc sur Mer. »
Max : « Et toi tu connais ce texte… »
Le chevalier : « J’en ai entendu parler 🙂 En réalité ce droit s’exerce sur les objets de valeurs et, bien évidemment, il n’était pas facile à faire respecter. Une dernière chose : les algues encore fixées sur les rochers forment le goémon. Leur exploitation est soumise à d’autres règles. »
Léo : « Je savais pas que tu connaissais le droit de l’exploitation des algues au Moyen-Âge… »
Max : « Merci bonome pour ce cours d’épaves… »
Samuel : « On va voir ta structure intéressante ? »
Le chevalier : On y va ! Que diriez-vous de zoisoter pour y aller ? »
Léo : « On va voir des Laridés 🙂 »
Max : « Commençons par un goéland marin crabivore 🙂 »
Samuel : « Et là-bas ? »
Léo : « C’est encore un marin. Avec un juvénile… »
Max : « On dirait qu’il a du manger… Allons voir ! »
Max : « Un Ostéichtyen Téléostéen ! Tu le connais bonome ? »
Le chevalier : « Absolument pas ! »
Max : « Pas grave. On sait donc que les goélands sont crabivores et nécrophages. »
Léo : « Astérophages aussi ! »
Samuel : « Et kleptoparasites ! Ils se volent les uns les autres. »
Léo : « Max est kleptoparasite aussi ! »
Le chevalier : « Ah ? »
Léo : « Il a essayé de me voler mon chocolat tout à l’heure 🙂 »
Max : « Cafteur ! »
Léo : « C’est pour de rire Maxou. Je te l’ai donné en plus. »
Max : « C’est parce que j’aime beaucoup le chocolat 🙂 »
Léo : « Tu vas avoir des grosses fesses 🙂 »
Samuel : « Et un gros ventre 🙂 »
Max : « Pfff ! »
Le chevalier : « Nous y voici ! »
Max : « Qu’est ce que c’est encore que ça ? »
Le chevalier : « Un petit récif à spongiaires qui appartient à la base du Calcaire de Langrune. Il est colonisé par des vers qui se construisent des tubes à partir de grains de sable soudés les uns aux autres. Ce sont des hermelles. »
Léo : « Il repose sur la Surface de la Pierre de Ranville non ? »
Le chevalier : « Oui mon Léo. Vous vous souviendrez de ce petit récif demain ? »
Max : « Bonome, quand même ! »
Léo : « On est pas amnésiques ! »
Le chevalier : « Très bien. Nous aurions pu étudier plus en détail le Calcaire de Langrune mais je suis fatigué et, pour une fois, j’ai froid. »
Max : « Alors on rentre bonome. »