Mardi 12 Janvier, An III
Dans la cabane, le chevalier rentre de la schola…
Le chevalier : « Bonjour mon Léo. Que fais-tu sur mon bureau ? On dirait que tu m’attends. »
Léo : « Bonjour chevalier. Oui oui, je t’attends. C’est à cause de Max. Il va pas bien. »
Le chevalier : « Que se passe-t-il ? »
Léo : « Je sais pas. Il travaillait sur ton ordinateur pour son blog. Et puis d’un coup il s’est mis à oulalaer. »
Le chevalier : « A oulalaer ? »
Léo : « Oui, il arrêtait pas de oulalaer. Des oulalas surpris, des oulalas réjouis, des oulalas inquiets, des oulalas joyeux puis plein de oulalas répétitifs et lugubres. Et après, il est allé dans ton fauteuil et depuis, il est prostré. Il dit plus rien et me répond même pas. »
Le chevalier : « Merci pour ces informations mon Léo, je vais aller voir Max… Bonjour Max. Léo me dit que ça ne va pas. Qu’est-ce qui se passe ? »
Max : « Hein ? Quoi ? C’est qui, Max ? »
Le chevalier : « Max ! C’est toi ! Mon petitours Max, mon Maxou… »
Max : « Ah oui, c’est vrai… Je suis Max petitours… »
Léo : « Tu vois chevalier, il sait même plus comment il s’appelle… Qu’est ce qu’il a ? »
Le chevalier : « Petitours, dis moi ce qui ne va pas. »
Max : « Je crois que je vais pas bien dans ma tête. J’ai des hallucinations. Tu crois aux fantômes ? »
Le chevalier : « Aux fantômes ? Explique-toi Max s’il te plaît. »
Max : « Ben, je gravais mon blog et pour faire une pause, j’ai regardé si il y avait des commentaires. J’aime bien quand il y a des commentaires. J’aimerais bien que Princesse en laisse un. Et puis j’ai vu un commentaire de Monsieur de la Fontaine. »
Le chevalier : « Monsieur de la Fontaine ? Tu veux dire Jean de La Fontaine (1621-1695) ? »
Max : « Ben oui. Tu en connais d’autres, toi ? Et normalement, il est tout mort Monsieur de La Fontaine. Alors soit j’ai des hallucinations, ce qui veut dire que je suis fou dans ma tête, soit le fantôme de Monsieur de La fontaine a laissé un commentaire sur mon blog et j’ai peur des fantômes. »
Le chevalier : « Max, m’autorises-tu à regarder ton blog ? »
Max : « Tu sais bien que oui. Va voir et dis-moi si je suis fou dans ma tête ou pas. »
Moi non plus, parmi les zanimos, je n’ai pas de préféré, ni même parmi les zoisos, et voici pourquoi :
Le Paon se plaignait à Junon :
« Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la Nature ;
Au lieu qu’un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du Printemps. »
Junon répondit en colère :
« Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du Rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La Boutique d’un Lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les Cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est léger, l’Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage,
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t’ôterai ton plumage. »
Merci, messire Max, pour le récit de vos édifiantes ambassades dans de si beaux royaumes. Vous m’avez l’air bien moins sot que votre congénère dont j’évoquai onques la bévue dans ma fable intitulée « L’ours et l’amateur des jardins » – et c’est tant mieux pour la longévité de votre ami chevalier qui a l’air d’appartenir à cette dernière espèce de bonome.
Bien plus, je dirais que vous êtes un bien aimable gentilhomme (ou plutôt gentilours) de savoir nous plaire et instruire à la fois (en latin « placere et docere » est la devise des écrivains de mon temps).
Vous nous donnez à admirer les « diverses qualités » ou « propriétés » de la gent des zanimos, comme le faisait, lors de mémorables promenades de mon enfance, Monsieur mon Père, qui était Maître des Eaux et des Forêts.
Irez-vous d’ailleurs un jour au royaume des paons ?
Le chevalier : « Max, ils sont magnifiques ces commentaires ! »
Max : « C’est pas une hallucination alors ? Oulala, c’est un fantôme ! »
Le chevalier : « Tu sais Max, l’esprit des grands hommes ne disparaît jamais. Quelle chance tu as ! Monsieur de La Fontaine t’a laissé des commentaires. Quels beaux compliments ! »
Max : « Tu crois ? »
Le chevalier : « Monsieur de La Fontaine te remercie. Tu plais et tu instruis. Gentillours Max, pensez-vous aller mieux ? »
Max : « Non, je suis pas à la hauteur. »
Le chevalier : « Tu n’es pas à la hauteur de quoi ? »
Max : « Des compliments. Je suis pas à la hauteur des compliments de Monsieur de La fontaine. Je suis qu’un petitours moi. Pas un grand monsieur. Oulala … »
Le chevalier : « Tu es bien plus qu’un petitours Maxou : tu es un gentillours. C’est Monsieur de La Fontaine qui te l’a dit. Oserais-tu contredire cet illustre fabuliste ? »
Max : « Max gentillours ? Tu crois ? D’accord, ça me plaît bien 🙂 Mais je connais pas le Royaume des Paons, moi. Comment je vais faire ? Monsieur de La Fontaine veut que j’y aille en ambassade et je peux pas. Je sais pas où il est ! Je savais même pas qu’il y avait un Royaumes de Paons. »
Le chevalier : « Tu ne le savais pas parce qu’il n’y en a pas. »
Max : « Il n’y a pas de royaume des Paons ? »
Le chevalier : « Non Max. »
Max : « Aucun Royaume des Paons ? Nulle part ? »
Le chevalier : « Non Maxou 🙂 »
Max : « Alors Monsieur de la Fontaine dit des erreurs ? »
Le chevalier : « Même les plus grands hommes disent parfois des erreurs 🙂 »
Max : « Alors je vais pas décevoir Monsieur de La Fontaine en allant pas au Royaume des Paons ? »
Le chevalier : « Maxou, mon gentillours, le paon bleu (Pavo cristatus, Phasianidés) est un oiseau qui vit normalement aux Indes, au Pakistan, au Bangladesh et au Sri-Lanka. Il en existe quelques-uns en Europe mais uniquement dans des parcs. Monsieur de La Fontaine en a sûrement croisé dans de magnifiques jardins mais il n’y a pas de Royaume des Paons. Alors, tu vas mieux ? Tu n’es plus abattu ? »
Max : « Maintenant ? Mais je vais être fulminant, frénétique ! J’ai dix cœurs, j’ai vingts bras ! »
Léo : « Chevalier, merci de t’être occupé de Max mais je crois que nous allons le regretter ! »