Jeudi 6 Août, An II
« Max, réveille-toi. Il faut aller dire au revoir à la mer. »
« Bonjour mon bonome. J’enfile mon sacado et j’arrive. Caféine toi en attendant 🙂 »
« Bonjour petitours. Où veux tu aller ce matin pour dire au revoir à la mer ? »
« Je voudrais aller à la Plage Sauvage, Là Où Les Cailloux Sont Tout Cassés et je voudrais voir l’Île Où On Va à Pieds. Tu veux bien ? »
« Et si je ne voulais pas ? »
« Tu veux pas ? On fait quoi alors ? On va pas dire au revoir à la mer ? »
« Si Max, nous irons où tu veux. »
« Tu m’as fait peur bonome. On y va ? »
Et on y est allés. On a tout chevauché. Je regardais partout pour graver les paysages dans ma mémoire et pour voir les zoisos. Parce que j’aime beaucoup les zoisos. Puis on est arrivés à la Plage Sauvage. Il y avait des zoisos. C’est sûrement bonome qui leur a demandé de venir.
A gauche, il y a des courlis corlieu (Numenius phaeopus, Scolopacidés), des chevaliers gambettes (Tringa totanus, Scolopacidés) et des mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus, Laridés). Et à droite il y a encore les courlis corlieu et les mouettes rieuses. J’aurais bien aimé voir des courlis cendrés (Numenius arquata, Scolopacidés). Le spécialiste en zoisos nous a dit qu’il y en avait mais on les a pas vus. Tant pis.
Puis après il y a eu une aigrette garzette (Egretta garzetta, Ardéidés) et encore des mouettes. Et sûrement des goélands. Mais ils étaient trop loin pour les déterminer. Et puis on était pas là pour faire l’ornithologie mais pour dire au revoir à la mer.
Je me suis assis sur ma serviette pour regarder la mer. Elle était un peu loin mais j’ai pas redemandé à bonome ‘éléoulamer‘. Je sais maintenant la marée haute et la marée basse. Et en Charentmaritimie quand la marée est basse, l’estran est très très grand. Ça veut dire que la mer est très loin.
Après j’ai escaladé un rocher pour m’asseoir en hauteur et regarder la slikke et le schorre.
« Bonome, tu m’entends plus quand j’écris mon blog ? »
« Si petitours. »
« Et tu te moques pas de moi ? »
« 🙂 On dit la chlic et le chloc Max. »
« Ça c’était au début. Quand j’avais pas encore de sacado 😉 »
C’est beau la plage sauvage. Et je comprends bonome. Même si c’est de la vase et que les plantes ont pas des grandes fleurs, c’est beau l’estran vaseux. Et il y a plus de zoisos qu’à la plage.
Après on est allés Là Où Les Cailloux Sont Tout Cassés. C’est le Cénomanien inférieur. Mais on a pas fait la géologie et la paléontologie. On a regardé la mer pour lui dire au revoir. Bonome a dit que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde. Je dois avoir de très gros yeux alors parce que j’en vois beaucoup moi, de beauté.
« Bonome, je peux faire l’escalade ? »
« Tu veux escalader ? Mais que veux tu escalader ? »
« La falaise derrière toi … J’aime bien faire l’escalade. »
« D’accord. Amuse toi bien 🙂 »
« BONOME ! Je suis tout là-haut ! Tu me vois ? »
« Oui petitours. Et comment vas-tu faire pour descendre maintenant ? »
« Tu vas m’aider … »
« Non, je te laisse et je m’en vais. »
« BONOME ! SITEPLAIT, AIDE MOI À DESCENDRE. »
« Allez, saute dans mes bras. »
« Merci mon bonome. On va voir l’île ? »
« On y va. »
On s’est assis sur les gros rochers qui forment la digue. En silence … Pour profiter de la mer encore. La mer montait, montait … Elle était là la mer 🙂
Et puis on a vu les zoisos.
Tu reconnais l’aigrette garzette je suppose. Elle a l’air toute petite l’aigrette garzette à côté des deux goélands. Ils ont le dos foncé et les pattes couleur chair. Ce sont donc des goélands marins (Larus marinus, Laridés). Ce sont les plus grands des goélands. Ce sont de très très gros zoisos. C’est pour ça qu’elle a l’air petite l’aigrette.
« Max, quand nous serons rentrés, est-ce que tu voudras retourner au château ? »
« Retourner au château ? Définitivement ? çavapalatête ? Je veux bien aller voir Princesse mais je retournerai pas au château. »
« Dis Max, que faisais-tu au château ? »
« J’étais porte-clés. »
« Tu étais porte clés ? »
« Oui, j’étais porte-clés. Tu vois les fils rouges sur ma tête. Ils formaient une boucle qui permettait de m’attacher au trousseau de clés de Princesse. Et je surveillais les clés. Je faisais ça de tout mon cœur. Très attentivement. Et puis le fil s’est usé et Princesse a eu peur qu’il casse. Alors elle m’a enlevé de ses clés et m’a posé sur une étagère. J’ai compris que je servais plus à rien. Et que j’avais servi à rien avant. Ça servait à rien que je surveille les clés de Princesse. C’est étrange que tu me demandes ça. Je pensais justement à ma vie au château.»
« Et que pensais tu ? »
« Tu sais bonome, je m’ennuyais au château mais je ne m’en rendais pas compte. Si on m’avait demandé j’aurais répondu que j’étais heureux. »
« Et tu ne l’étais pas ? »
« Je croyais que si. Si tu m’avais proposé plus calmement de te suivre je crois que j’aurais refusé. »
« Tu crois ? »
« Je ne connaissais que le château. L’extérieur me faisait peur. J’aurais jamais imaginé que je me plairais avec toi au Pays des Zoisos. »
« Et ça te plaît vraiment de me suivre de Royaume en Royaume pour voir si tout se passe bien ? »
« Oh oui 🙂 On voit plein de belles choses et puis … »
« Et puis quoi ? »
« Tu sais bonome, avec toi je me sens vraiment bien. Je peux faire ce que je veux sans avoir peur de tes réactions comme j’avais peur au château. »
« Tu avais peur au château ? »
« Oui, je ne savais pas comment me comporter. Avec toi, tout est facile. Tu te souviens quand tu m’expliquais l’os de seiche ? »
« Oui Max 🙂 »
« Je t’ai interrompu en te disant ‘je m’en fiche du grékancien. Moi je fais du surf sur un os de seiche‘ ».
« Oui, tu m’as fait rire 🙂 »
« Et quand je te dis de mettre ta casquette parce que le soleil tape et que ton cerveau fond … »
« Tu m’amuses parce que je vois bien que tu joues. »
« Et Samuel de Champlain ? »
« La planche à roulettes pour pousser les bateaux à partir de ports où il y a pas la mer … C’était drôle. Chaque fois que j’y pense je rigole. »
« Tu vois bonome, c’est ça qui me plaît le plus. Je peux faire ce que je veux avec toi. »
« Tu peux être qui tu es parce que tu es un bon petitours. »
« C’est ça la liberté bonome ? Être soi même ? »
« Tu es quelqu’un de bien petitours. Tu peux être toi même sans crainte de mal faire. Oui, c’est ça la liberté.»
« Et le château c’est un peu une prison. Tu as eu raison de te faire bannir. Et tu as raison de dire qu’il y a trop de règles. Tu crois qu’elle est libre Princesse ? »
« Elle seule peut le dire Max. »
« Et toi ? »
« Je suis prisonnier de ma liberté. »
« C’est un belle prison 🙂 »
« C’est une prison quand même Max. »
« Tu te souviens que c’est toi qui a cassé ma boucle rouge ? »
« Oui. Tu m’en veux ? »
« Non mon bonome. C’est toi qui m’as rendu libre. Alors on va dire que ces deux fils rouges sont le symbole de ma liberté. »
« Si tu veux petitours. »
« C’est beau la mer, tu trouves pas ? »
« Si mon petitours. Je suis content que le séjour t’ai plu. »
« Je ne pourrais jamais te remercier bonome. »
« Profite de la mer Maxou au lieu de parler. »
Il était temps de partir. La chevauchée allait être longue pour rentrer chez nous. Et c’est bonome qui fait tout. Moi, je suis dans sa poche et je me laisse conduire. J’étais un peu triste de partir mais on a vu plein de belles choses et des zoisos. Beaucoup de zoisos. Et puis, en rentrant on va revoir nos grébus, nos grébous … Et puis des Martins. Et les sternes …
« Allez bonome, il faut y aller … Oh, regarde sur le rocher. Il y a un fossile. C’est un moulage interne de Mollusque Bivalve. »
« Tu es un vrai naturaliste petitours. »
« Oui, je suis comme toi maintenant. Je regarde partout tout le temps. Tiens, regarde là, c’est un morceau de zoursin. »
Mais il faut partir maintenant.
Au revoir la mer. Merci pour tout. Et prends soin de tes zoisos.