Samedi 25 Juillet, An II
« Bonjour Max, où veux tu que nous allions aujourd’hui ? »
« Bonjour bonome. J’aimerais bien retourner à la plage sauvage, pour voir les plantes et faire la botanique. Tu veux bien, s’il te plaît ? »
« D’accord Max, prépare tes affaires et allons-y. Et regarde bien dans tes affaires, il y a une surprise.»
Bonjour Princesse,
Aujourd’hui on va aller étudier la flore de la plage sauvage. Et après, pour se reposer, on ira aux zoisos. Je suis sûr que bonome m’en montrera de nouveaux. Il est fort pour trouver des endroits à zoisos.
« Dis chevalier, par où on commence ? Tu peux m’expliquer pourquoi il y a autant de vase dans la région ? »
« Bien sûr Max. Avec des mots simples je suppose 😉 Alors, commence par imaginer une petite expérience. Il te faut un verre rempli d’eau, des cailloux de tailles différentes et de l’argile. »
« C’est quoi l’argile ? »
« L’argile est un matériaux très très fin. Une espèce de poudre qui, mélangée à de l’eau, peut donner de la boue. »
« D’accord. Et qu’est ce que je fais ensuite ? »
« Tu agites. Pas trop fort pour ne pas en mettre partout. Puis tu attends. Tu vois alors que les cailloux les plus gros se déposent les premiers, puis les plus petits et l’argile met très longtemps à se déposer. D’ailleurs pendant un long moment on ne la voit pas. Elle trouble l’eau. On dit que l’eau est turbide. Tu comprends ? »
« Oui bonome. Mais quel est le rapport avec la Charentmaritimie ? Elle est agitée aussi la Charentmaritimie ? Comme mon verre d’eau ? »
« Max, tu dis des bêtises 🙂 Continuons l’expérience. Si, lorsque tout est déposé au fond du verre, tu l’agites très doucement, tu vas voir que l’argile se mélange de nouveau à l’eau alors que les cailloux ne bougent presque pas. Cette petite expérience montre que l’argile ne peut se déposer que dans des eaux très calmes. »
« Bon, d’accord pour le verre mais ici ? »
« Si tu regarde bien une carte de ‘Charentmaritimie’ tu verras que la côte est protégée par des îles : Oléron, Ré, Aix et la plus petite, l’île madame, que je te ferai visiter tout à l’heure. Il n’y a pas beaucoup de vagues. La mer est souvent très calme. Ces conditions expliquent que les argiles peuvent se déposer ici et non pas, par exemple, sur la côte ouest de l’île d’Oléron. Là-bas, il y a surtout du sable qui se dépose à cause de l’agitation de la mer. As-tu compris petitours ? »
« Je crois. Mais me fait pas une interro s’il te plaît. Je sais pas si je pourrais tout redire. Et la flore ? Tu me montres la flore ? »
« D’accord. Commençons par l’estran. Comme tu peux le voir, il y a deux parties. L’une est entièrement vaseuse : c’est la slikke. L’autre est constituée d’îlots de végétation : c’est le schorre. »
« Bonome. »
« Oui Max. »
« Oublie la chlic et le chloc. C’est mieux 🙂 »
« Ce sont des mots hollandais parce que en Hollande, il y a beaucoup d’estrans vaseux. Ils connaissent bien. Mais il n’y a pas beaucoup de hollandais connus. A part Ted 🙂 »
« Je suppose que tu viens de faire un trait d’humour que personne comprendra… »
« Oui Max, désolé 🙂 La partie entièrement vaseuse est recouverte par l’eau à chaque marée haute. Enfin, quand il y a de l’eau 😉 Il n’y a pas de végétation à part un mince film de bactéries et d’algues unicellulaires qui sert de nourriture à une multitude d’animaux. Mais je suppose que tu préfères les vraies plantes. »
« Tu supposes bien bonome. Tiens, commençons par celle-ci.»
« Excellent choix, Max. C’est en effet par celle-ci que tout commence. C’est une plante pionnière. La salicorne (Salicorna sp., Chénopodiacées). Elle est la première à pousser dans la vase. C’est une plante annuelle sans feuille. Ce que tu vois, ce sont les tiges qui sont gonflées de réserves nutritives. D’ailleurs, on peut les manger. La salicorne est également appelée le cornichon de mer car elle se prépare comme les cornichons. Elle fleurit vers la fin de l’été ou en automne puis ses graines tombent dans la vase et germent au printemps suivant. Elle finit par former des touffes de plus en plus grandes qui bloquent l’argile. Un petit îlot commence à se former et d’autres plantes vont le coloniser. »
« Quelles autres plantes ? »
« Max. »
« Oui bonome. »
« Tu montres des photos à Princesse. »
« Ben oui. »
« Et tu ne lui montres pas ton ‘sacado’ ? »
« Oups, pardon. »
Regarde Princesse. J’ai un sacado !!! Je sais pas comment il a fait bonome pour le trouver mais grâce à lui je suis un vrai petitours randonneur maintenant. Je peux tout mettre dans mon sacado 🙂 Il te plaît Princesse ?
« Reprenons la botanique s’il te plaît. »
« Oui Max. L’autre plante principale est la spartine. Il existe plusieurs espèces. Les plus fréquentes sont la spartine maritime (Spartina maritima, Poacées) ou la spartine de Townsend (Spartina townsendii, Poacées) qui vient d’Angleterre. »
« On dirait de l’herbe. »
« La famille des Poacées comprend beaucoup d’herbes, en effet. C’est une herbe assez haute. »
« Et il y a d’autres plantes ? »
« Il peut y en avoir mais ici, la slikke est peu développé. Retiens déjà ces deux espèces : la salicorne et la spartine. Ce sont les plus importantes. »
« Et dans le sable, il y a quoi comme plante ? »
« Allons voir Maxou. »
« C’est quoi cette plante ? Elle dépasse à peine du sable. »
« Tu sais Max, le sable ne retient pas l’eau. Le vent contient des embruns, c’est à dire de très petites gouttelettes d’eau salée. Et le sel assèche tout. Les plantes doivent s’adapter à la sécheresse. Une des solutions possible est de rester au raz du sol. Comme cela, la plante minimise l’effet du vent. »
« D’accord bonome, mais c’est qui cette plante ? »
« J’ai peur de te dire une bêtise. Je crois que c’est la soude maritime (Salsola sp., Chénopodiacées). »
« On ne peut pas regarder dans ma flore ? Tu sais, celle de Gaston. »
« Elles ne sont pas en fleurs Max. Et tu sais bien que la petite flore de Gaston Bonnier utilise beaucoup la fleur. »
« Et cette autre là ? Elle est mignonne 🙂 Elle forme comme un tapis en haut de plage. Tu la connais celle là ? Je me mets à coté d’elle pour donner l’échelle parce que sinon Princesse verra pas qu’elle est toute petite. Elle est pas en fleur non plus 🙁 »
« Oui je la connais. C’est un peu comme une amie. Je suis toujours content de la voir parce que sa présence montre que la plage va bien. Et elle est très belle quoique très discrète. »
« Ça m’étonne pas que tu sois ami avec une plante ! Tu parles aux zanimos ! Mais si c’est ton amie, tu connais son nom. »
« C’est le petit pourpier des mers. Son vrai nom est Honckenya peploïdes. C’est une Caryophyllacées mais ce n’est pas facile à voir. »
« Et pourquoi dis-tu que la plage va bien ? »
« Tu sais Max, le sable se déplace. Il peut s’envoler ou être emporté par la mer. Toutes les petites plantes que nous voyons fixent le sable. Grâce à elle, une dune peut se former, ou au moins, commencer à se former. C’est donc que la plage résiste aux éléments. Elle va bien. Elles sont très importantes toutes ces petites plantes. »
« C’est pour cela que que tu leur marches pas dessus mais que tu les évites soigneusement ? »
« Oui petitours. J’évite le plus possible de les écraser. »
« Et tu as d’autres amis ici ? »
« Quelques bons camarades… En voici un. »
« Elle aussi est presque ensablée. Tu me la présentes ? »
« C’est la renouée maritime (Polygonum maritimum, Polygonacées). Ses feuilles sont elliptiques, légèrement bleutées et leur bord sont un peu enroulés. Tu vois les petites fleurs blanches. On dit qu’elles sont placées à l’aisselle des feuilles. »
« Bonjour Madame Renouée maritime. Merci de fixer le sable sur la plage 🙂 Et celle-ci ? »
« C’est une euphorbe. C’est de la famille du latex. Si on la casse, la sève qui s’écoule est blanche et donne un latex blanc. C’est Euphorbia paralias (Euphorbiacées). Il existe beaucoup d’euphorbes dans beaucoup de milieux. Tu vois les petites sphères au bout des tiges ? Elles contiennent des graines et ces graines sont dispersées par les fourmis. Je te montre encore deux plantes et ‘on va aux zoisos’. Je vois bien que tu fatigues. D’abord le chardon maritime.»
« Elles sont bizarres ses fleurs et elles sont bleues. Tu crois qu’une fée aux yeux bleus lui a pleuré dessus ? »
« 🙂 Tout le bleu de la terre ne vient pas de larmes de fées aux yeux bleus Max. Cette fleur est une Apiacées. C’est le vrai nom des Ombellifères dont je t’ai déjà parlé. Son nom est Eryngium maritimum. Ses feuilles se terminent par des épines. Fais attention, tu pourrais te faire piquer les fesses 🙂 »
« Je ne fatigue pas bonome. Je suis un vrai naturaliste moi. Avec un sacado 🙂 Et je sais que tu vas faire attention à ce que je me fasse pas piquer les fesses. Montre moi la dernière plante. »
« C’est encore une Poacées. Elle est très fréquente et contribue fortement à stabiliser le sable grâce à ses profondes racines. »
« Mais elle s’appelle comment ? »
« C’est le chiendent des sables (Elymus farctus = Agropyron junciforme, Poacées). Cette Poacée est caractéristique du haut de plage où elle colonise les ‘banquettes’ en période de répit de l’érosion. Sa présence veux dire que la dune est stable ou qu’elle progresse. Je crois que tout va bien ici. A part le plastique. »
« Je suis content que la plage sauvage aille bien. Mais j’aimerais bien voir de beaux zoisos. Tu m’emmènes au zoisos, s’il te plaît. »
« Je sais petitours que tu aimes les ‘zoisos’. Allons-y. »
Alors bonome m’a emmené sur l’île Madame pour voir les zoisos. L’île Madame est une petite île. Comme c’était marée basse, on a pu y aller à pied et on en a fait tout le tour. C’est bizarre la Charentmaritimie. On va sur les îles à pieds secs 🙂