Dimanche 5 juillet, An II
Après le Grand Étang, nous voici en route pour le Royaume des Libellules. Avant d’y arriver, il nous faut longer un autre grand étang.
Il aime bien les étangs mon bonome. Il dit que dans ce genre de milieu il y a plus de biodiversité qu’ailleurs. On retrouve les espèces des prairies et celles liées à l’eau. Le problème en ce moment, c’est l’eau. Il y en a de moins en moins. Les zanimos aquatiques vont bientôt avoir des soucis et c’est toutes les chaînes alimentaires dépendant d’eux qui vont en pâtir. Si les poissons meurent, les grébus auront plus de poissons !!! Que vont-ils devenir ? J’arrive même pas à me réjouir de l’éventuelle disparition des brochets 🙂 Mon bonome a dit qu’il fallait pas essayer d’aller au bord de cet étang parce qu’il y a des zoisos qui nichent et que notre arrivée pourraient les faire fuir. Et parfois, quand ils s’enfuient, ils abandonnent leurs petits. Je veux pas qu’ils abandonnent leurs petits à cause de moi. Alors on reste loin des berges et tant pis si on voit pas tout.
En levant la tête, on a vu de gros zoisos. Il a tout de suite essayé de les fotoer. Moi, j’ai eu un peu peur parce que j’ai reconnu des rapaces. Je sais pas lesquels mais ils ont tous un bec crochu et des serres aiguisées et je veux pas leur fournir leur repas 🙁
A gauche, c’est une buse variable (Buteo buteo, Accipitridés). C’est un bon planeur. Elle est pas facile à identifier parce que, comme son nom l’indique, son aspect varie selon les individus. Je suis sûr que tu en as déjà vu. On en voit souvent qui se reposent sur les poteaux au bord des routes. A droite, c’est un faucon crécerelle (Falco tinnunculus, Falconidés). Il se reconnaît parce qu’il fait du vol stationnaire et que sa queue est étalée. Il guette une proie (un petit rongeur, un serpent…) Quand il fait ça, on dit qu’il mulote, en référence à l’une de ses proies : le mulot.
Voilà un papillon tout jaune.
« Tu te doutes de son nom vernaculaire, Max… »
«Il est jaune, c’est un citron.»
« Et bien non, mais c’est bien essayé. Le citron, c’est son cousin. Lui, c’est le soufré, de son vrai nom Colias hyale. Il appartient à la famille des Piéridés. »
« Pfff, tu savais que j’allais me tromper. C’est pas gentil. Et pourquoi soufré d’abord ? On est jaune quand on soufre ? »
« Quand on souffre, Max, avec deux f. Le soufre, avec un seul f, c’est un produit chimique jaune à l’état solide. On en voit souvent sur les volcans. »
« J’ai jamais vu de volcan moi. Hé bonome, t’as cru que j’étais prix Nobel de nature ? »
Ça ce sont des empreintes de chevreuil. Peut être qu’on va voir un chevreuil 🙂 J’aimerais bien. C’est beau, un chevreuil. Mon bonome me dit que c’est possible puisqu’il y a des empreintes… Elles sont pas très fraîches. Elles ont dû se former suite aux dernières pluies et il a pas plu depuis longtemps. Là, la terre est trop sèche. Le sabot s’enfoncerait pas de la même façon. Bonome me dit qu’il en a vu un il y a pas longtemps et qu’il a réussi à s’en approcher pour le fotoer. Il ne veut pas qu’on mette la foto dans cette page parce qu’on met que les fotos du jour. Et il faut pas tricher. Avec de la chance, on aura une foto aujourd’hui. Mais si on le voit pas, je serai pas triste parce que j’ai déjà vu beaucoup de belles choses 🙂
« S’il te plaît, mon bonome, tu veux pas mettre quand même les fotos de ton chevreuil, pour Princesse. Dis, tu veux bien ? S’il te plaît. »
Il a bien voulu. Il est toujours d’accord pour me faire plaisir 🙂 Ou peut-être que c’est à toi qu’il voulait faire plaisir. Le chevreuil est un Capridés. Son nom est Capreolus capreolus.
Plus loin dans les cailloux entassés en bord du chemin, mon bonome a vu des fossiles. Chouette, je vais voir des dinosaures 🙂 J’ai pas peur des dinosaures parce que, même si leur nom signifie lézards terribles, je sais que je risque rien parce qu’ils ont totalement disparu.
« Petitours, tu dis encore des bêtises. Primo, tous les fossiles ne sont pas des dinosaures. Secundo, tous les dinosaures n’ont pas disparu. »
« Euh… Il reste quoi comme dinosaures ? Tu dis ça pour me faire peur. »
« Mais non, petitours. Il reste des dinosaures ! Tu les connais, et même, je sais que tu les aimes bien. »
« Des vrais dinosaures ? Tu es sûr ? Ou tu as encore pris le soleil ?»
« Non, je t’assure. Et n’ai pas peur. Ce sont des dinosaures mignons : ce sont les oiseaux. »
« Ben voilà, tu as encore oublié de mettre ta casquette. »
« Pourquoi ne me crois-tu pas ? Les oiseaux sont des dinosaures et pas juste leurs descendants. C’est un peu difficile à expliquer avec des mots simples. »
« Bon d’accord, je te crois. Tu m’expliqueras un autre jour. Revenons au primo d’abord. C’est quoi un fossile, si c’est pas un dinosaure ? »
« Petitours, on appelle fossile tout reste d’animal conservé dans la roche. Un os, un coquille, un moulage de coquille, une empreinte, un coprolithe… »
« STOOOP !!! Un coproquoi ? »
« Un coprolithe. C’est un caca fossilisé 🙂 Si, si, je t’assure, ça existe 🙂 »
« Tu es en train de me dire que les excréments se fossilisent ? La suite, c’est que tu vas m’annoncer qu’il y a des scientifiques spécialisés en coprolithes… »
« Ben évidemment 🙂 Tu imagines une lithothèque de coprolithes… »
« Non, j’imagine pas. Je sais même pas si j’ai encore envie de te parler… Tu crois que l’empreinte de chevreuil va se fossiliser ? Bon, tu me les montres, tes fossiles. »
« Ouai, ben je dirais pas que je suis déçu, mais un peu quand même 🙁 »
« Dis petitours, tu as déjà essayé de conserver des coquillages et de les ramener de vacances ? »
« Tu sais bien que Princesse m’emmenait pas en vacances. J’ai jamais vu la mer, moi. »
« Pardon, je ne savais pas. Mais si un jour tu essaies, tu verras que c’est difficile de ne pas les casser. Alors imagine que ces fossiles ont traversé le temps… »
« Ouai, peut-être. Viens, on va voir les zoisos. »
Là, ce sont les deux étangs du Royaume des Libellules. C’est beau, tu trouves pas ? C’est une ancienne gravière qui est en réaménagement. Les zoms, qui ont abîmé l’environnement en prenant des tas de cailloux et de sable, tentent de le réhabiliter. C’est encore en chantier mais la nature s’est déjà réinstallée.
J’ai un peu peur quand même. Pas des zanimos. J’ai compris que je risquais rien avec les zanimos. Mais on voit jamais personne. Personne vient ici. Et si mon bonome avait un malaise ? Ou qu’il tombait et se blessait ? Je pourrais pas l’aider moi, je suis trop petit. C’est pas très raisonnable d’être toujours tout seul dans ces endroits isolés.
Là, je fais une pause pour profiter du paysage et me dégourdir les pattes.
« Max, tu as vu ? Tu t’es adossé à un bloc fossilifère. »
« Pfff, encore un mot compliqué… »
« Mais non, ce n’est pas compliqué. Fossilifère, ça veux dire qu’il porte des fossiles. Tiens, regarde. »
« Mouai, c’est même pas des dinosaures. »
« Tu m’embêtes avec tes dinosaures non-aviens. Regarde. »
« Oulala, c’est quoi tout ça ? Des fossiles ? »
« Ben oui Max. Tu vois, il y a des moulages de l’intérieur de Gastéropodes, des moulages de leur extérieur, des moulages internes de Bivalves. Il y a au moins 4 ou 5 espèces juste sur ce petit caillou. »
Bon d’accord, c’est pas des dinosaures non-aviens (je sais pas ce que c’est non-aviens, mais j’ose pas lui demander. A force, il va croire que je suis bête et il va plus m’aimer.) mais c’est joli quand même.
« Tu sais que j’entends ce que tu penses Max. Non-avien ça veux dire que ce n’est pas un oiseau. Et tu serais bête de ne pas poser de question. »
« Merci mon bonome. Tu as dit que ces fossiles avaient traversé le temps… Ils sont très vieux ? »
« Ce n’est pas facile à dire comme ça, sans carte géologique et sans aucun document mais je dirais qu’il datent du Lutétien. »
« Le lutétien ? C’est il y a 2000 ans, quand Paris s’appelait encore Lutèce ? Oulala, mais c’est très, très vieux… »
« 🙂 Non petitours. C’est bien plus vieux que ça. Le Lutétien, c’est il y a environ 45 millions d’années… »
« 45 millions d’années !!! C’est pas bien de se moquer de son petitours… »
« Dis donc, Maxou, t’ai-je déjà menti ? Ces petits fossiles ont probablement 45 millions d’années. Peut être plus, peut être moins. »
« Oulala, je comprends maintenant pourquoi tu me demandais si j’avais déjà essayé de rapporter des coquillages de mes vacances… Mais dis moi, on dirait des coquillages marins. »
« Bien observé, petitours ! Effectivement, ce sont des animaux marins. Au Lutétien, le bassin parisien était recouvert d’une mer chaude et peu profonde riche en Mollusques et autres animaux. C’est d’ailleurs probablement le moment le plus riche en espèces qui ait existé dans l’espace et le temps. On parle de hot-spot de biodiversité. Mais je te dis tout ça sans être sûr de l’âge de ces fossiles. Il me faudrait la carte géologique du coin. »
« C’est quoi, une carte géologique ? »
« C’est une carte, souvent très belle, sur laquelle on représente les âges des couches et la nature des roches avec des couleurs. On peut y indiquer aussi les sites riches en fossiles. »
« Tu m’en montreras une, s’il te plaît ? C’est un peu comme une carte au trésor, alors ? »
« J’aime bien quand tu parles comme ça Max. Oui, c’est un peu comme une carte au trésor 🙂 Viens, on va essayer de trouver d’autres fossiles… »
Et j’en ai trouvé d’autres 🙂
« Tu viens petit ursidé paléontologue ? Si tu continues à amasser des fossiles, je n’arriverais plus à les porter 😉 Allez, viens, on va voir voir les libellules ».
Il s’arrête jamais ce bonome… Ça lui arrive d’être fatigué ?
Là, c’est le coin aux libellules. On voit pas de zoisos. Tant mieux, parce que depuis que je sais que ce sont des dinosaures, je les vois plus de la même manière. Je sais bien qu’ils sont pas dangereux, sauf les rapaces, mais quand même…
Mon bonome me dit qu’il y a des petits grébus et peut être des petites foulques. On les voit pas mais il les entends et je veux bien le croire. Il connaît bien ces zoisos là et, souvent, c’est avec ses oreilles qu’il les repère. Tu as déjà vu ses oreilles ? Oui, je sais, il faut pas se moquer du physique des gens. Mais tu as déjà regardé ses oreilles ? Bon, au moins, elles fonctionnent bien 🙂 Bon, quand est ce qu’on voit des libellules ?
Oulala, il m’a fait peur !!! Il est parti en courant… Ses pieds se sont enfoncés dans la terre meuble du bord de l’eau et il a failli tomber. Il aurait pu se faire mal, ou ploufer dans l’eau. Mais non. Hop, il s’installe et fait des fotos de l’eau. Qu’est ce qu’il a vu encore ?
Bon d’accord, la foto de gauche est pas vraiment réussie. Mais il voulait absolument que je la mette. C’est un dytique (Dysticidés, Coléoptères). Il voulait vraiment que je la mette parce que c’est la première fois qu’il voit un dytique. Il le connaissait par les livres mais c’est pas pareil de voir les zanimos en vrai. Ça nage vite un dytique. C’est pour ça qu’il a pas réussi à le fotoer. Et on l’a pas revu. J’étais déçu pour lui 🙁 Le dytique est un peu la terreur des étangs. C’est un prédateur redoutable. Il se nourrit de larves, de petits mollusques, de têtards et même de poissons aussi gros que lui !!! A droite c’est une notonecte glauque (Notonecta glauca, Hétéroptères), une espèce de punaise d’eau qui passe son temps à l’envers, à marcher sous la surface de l’eau.
« Mais, si ce sont des insectes, comment font-ils pour respirer dans l’eau ? »
« Bonne question petitours. En fait, comme tous les Insectes, le dytique et la notonecte respirent dans l’air. Mais, pour y parvenir, ils sont obligés d’adopter des comportements respiratoires particuliers. Le dytique coince une bulle d’air sous ses élytres… »
« STOP !!! C’est quoi les élytres ? »
« Oups, pardon, je pensais que tu savais. Je t’ai dit que le dytique est un Coléoptère. Les Coléoptères sont des insectes qui ont deux paires d’ailes dont la plus externe est dure et ne sert pas à voler. Ces ailes externes ont pour fonction de protéger les petites ailes qu’il y a dessous qui, elles, servent à voler. Les élytres servent d’étui aux ailes véritables. D’ailleurs coléo, ça veut dire étui. Tu as déjà vu ça chez les coccinelles. Tu sais, les ailes qui servent à voler dépassent parfois des élytres. Elles sont fines et noires. Je peux reprendre la respiration du dytique ? Donc, le dytique coince une bulle sous ses élytres. Ses orifices respiratoires, appelés stigmates, débouchent justement sous les élytres, ce qui fait que l’air peut circuler jusqu’aux organes par les trachées. Régulièrement, le dytique remonte à la surface pour renouveler sa bulle. Je pense que, quand je l’ai vu, il remontait justement pour ça. Ça va, tu suis ? »
« Oui bonome. Mais tu as dit aussi que les notonectes sont des Hétéroptères et pas des Coléoptères. Elles ont donc pas d’élytres. Elles font comment, elles, pour respirer dans l’eau ? »
« Elles n’ont pas d’élytres, en effet, mais elles ont une gouttière bordée de poils le long de l’abdomen. Ce sont ces poils qui bloquent la bulle d’air. Elles peuvent donc respirer dans l’air. Et la bulle leur permet de flotter dans cette position caractéristique. »
Là, je sais pas qui c’est mais ils sont in copula 🙂
« C’est bien Maxou, tu retiens tes leçons. Ce sont des gerris (Gerris sp., Hétéroptères). Ce sont aussi des punaises. On les appelle d’ailleurs des punaises d’eau. On dit parfois des araignées d’eau mais il ne faut pas. »
« Je sais pourquoi bonome. C’est parce que ce sont des insectes et pas des araignées. »
« Alors là, tu m’impressionnes mon petitours. »
« Ben oui 🙂 Les Insectes ont 3 paires de pattes et une paire d’antennes et les araignées ont 4 paires de pattes et pas d’antenne. »
« Tu en connais des choses Maxou ! Tu sais donc que les gerris sont aussi des prédateurs. Ils détectent les vibrations des petits insectes aériens tombés à l’eau avec leur pattes de devant et patinent vers eux avec les deux autres paires de pattes. »
« J’aime bien apprendre des choses, mais j’aimerais bien voir des libellules maintenant. »
« Regarde bonome, il y a des centaines de petites libellules à la surface de l’eau. Ce sont des demoiselles. Bonjour mesdemoiselles 😉 Dis, tu veux bien m’expliquer les libellules ? »
« Bien sûr mon petitours. Tout d’abord, il vaut mieux parler des Odonates plutôt que des libellules. Tu connais déjà les demoiselles. Elles sont fines, peuvent replier leurs ailes sur le dos et ont les yeux nettement séparés. Tu vois sur les photos que tu as mises au-dessus, on voit bien les yeux du mâle. En plus, ils sont rouges. Nous avons déjà vu ces demoiselles. Tu t’en souviens ? »
« Oui bonome, ce sont des agrions verts. Mais je me souviens plus du nom en scientifique. Il est trop compliqué 🙁 »
« Ce n’est pas grave. Tu finiras par le mémoriser. C’est Erythromma viridulum (Coenagrionidés). Sur la photo de gauche, ils sont en tandem. Le mâle tient la femelle par le cou avec des pinces qu’il a au bout de son abdomen. Ce sont des cercoïdes. Il tient la femelle le temps qu’elle ponde. Il veut être sûr qu’elle ne s’accouple pas avec un autre mâle. »
Il y a beaucoup de demoiselles sur cet étang. Il doit y avoir d’autres espèces mais on a pas les fotos alors on peut pas dire…
« Tu vois ces gros odonates Max ? Ils sont bien plus gros que les demoiselles. Leurs yeux se touchent presque ou totalement et leurs ailes restent perpendiculaires au corps au repos. Ce sont des messieurs. »
« Il y a donc deux grands groupes d’odonates alors. Ils ont aussi des noms scientifiques compliqués ces deux groupes ? »
« Oui Max. Ce sont les Zygoptères (Demoiselles) et les Anisoptères (Messieurs). »
Ben moi je vais garder demoiselles et messieurs. Il y a moins de messieurs que de demoiselles mais ils sont beaucoup plus impressionnants. A droite, c’est l’une des plus grosses espèces de France. Mon bonome dit que c’est un Anax napolitain (Anax parthenope, Aeschnidés) mais il est pas sûr. C’est difficile de les fotoer en vol. Elle est belle cette foto, tu trouves pas ? On peut voir le détail de l’aile antérieure. J’ai vu mon bonome étudier les libellules dans des gros livres. C’est important d’avoir les détails des ailes. Il faut pouvoir compter les nervures anténodales, regarder les orientations des triangles alaires et plein d’autres choses. Je comprends pas tout mais je l’entendais ronchonner hier soir face à ses livres… A gauche, c’est une femelle Anax en train de pondre. Elle est seule. C’est peut être une anax empereur (Anax imperator, Aeschnidés) ou encore une anax napolitaine. La femelle pond ses œufs par le bout de son abdomen dans des tiges de végétaux. Chez d’autres espèces, la femelle largue ses œufs un par un dans l’eau, en vol. Chez d’autres encore, elle les dépose un par un dans l’eau. En volant elle plonge fugacement son abdomen dans l’eau. C’est difficile à fotoer. Bonome a pas réussi de belles fotos mais on l’a bien observé. C’est rigolo parce que la femelle fait des ronds dans l’eau en suivant un trajectoire en zigzag. Je connais pas les espèces qui pondent comme ça. Mais dans tous les cas, les œufs des Odonates sont pondus dans l’eau.
Cet Odonate là a été plus difficile à identifier parce qu’il y en a plusieurs qui sont rouges. Il a fallu compter les nervures anténodales sur le bord de l’aile antérieure. On les voit pas bien sur cette petite foto mais il y en 11. Avec les tâches jaunes à la base des ailes postérieures et les pattes rouges, on arrive à la libellule écarlate (Crocothemis erythraea, Libellulidés). Tu te souviens, on en a vu une hier, au grand étang de T. Mais elle était pas rouge parce qu’elle était immature. Souviens-toi, c’est celle qui était dans la position de l’obélisque. Les crocothemis, c’est comme les fraises : c’est tout rouge quand c’est mûr 🙂
Ce sont quatre fotos d’Anax sp. En haut à gauche, c’est un mâle Anax parthenope posé sur une tige. Après c’est trois fotos des mêmes individus. Le mâle et la femelle volent en tandem entre deux pontes. Puis la femelle pond sous la surveillance du mâle. Enfin le mâle est parti et la femelle continue à pondre seule.
Après ça, j’ai vu mon bonome fotoer un arbre mort. J’ai encore cru qu’il avait trop pris le soleil. Il veut pas mettre sa casquette et il a plus beaucoup de cheveux alors le soleil lui chauffe le cerveau. Heureusement, il boit beaucoup de l’eau pour pas se déshydrater. Quand il m’a montré ce qu’il fotoait ça m’a rassuré. Il est pas fou dans sa tête. Son cerveau a pas encore fondu. C’est juste qu’il observe bien. Regarde Princesse.
Si tu regardes bien sur l’arbre tu verras des tas de choses comme sur la foto de droite. Tu sais ce que c’est ? Moi, j’ai dû lui demander.
« Ce sont des exuvies et ne me crie pas STOP je vais t’expliquer. Tu sais que les Odonates pondent dans l’eau et tu connais les étapes du développement avec métamorphose. Nous avons vu ça hier. Tu sais donc que de l’œuf sort une larve. Chez les Odonates les larves sont aquatiques. Elles vivent dans l’eau pendant plusieurs années, parfois pendant 5 ans et respirent avec des branchies. Mais les adultes sont aériens et respirent avec des trachées. Il y a donc une période de transition. La larve change d’organes respiratoires et sort de l’eau en grimpant le long d’un tige qui émerge. Puis elle s’immobilise : c’est le stade de nymphe. Dans son cocon, la nymphe se transforme totalement et son corps devient celui d’un adulte. Le phénomène dure plusieurs jours. De l’extérieur, on ne voit rien. Vient enfin le moment de l’émergence. Le jeune imago (c’est à dire l’adulte qu’il soit immature ou mature) déchire son cocon et en sort petit à petit en quelques heures. Quand il est sorti, il reste encore quelques minutes ou dizaine de minutes le temps de sécher et de durcir. L’émergence est le meilleur moment pour faire de belles fotos. Et tu vois tous les cocons sur cet arbre ? Il y a plusieurs espèces, des dizaines d’individus. J’espère que je vais pouvoir venir l’an prochain pour l’émergence. »
Il avait l’air d’être déçu d’avoir raté les émergences de ce printemps. Alors pour lui faire plaisir j’ai cherché un exsuvie. J’en ai trouvé une et j’ai voulu lui offrir. Il a souri.
« Petitours, tu as déjà collecté de beaux fossiles. Maintenant tu as une belle exuvie. Alors on va te faire une belle étagère pour ta collection naturaliste. »
Et là c’est moi qui ai souri 🙂 🙂 Vraiment, je l’aime bien ce bonome. Grâce à lui j’ai déjà : un appareil foto, une flore, des fossiles et une exuvie d’odonate. J’ai appris des tas de choses passionnantes et j’ai plus peur dans la nature. Sauf des brochets. Mais tout le monde a peur des brochets.
Bon, il commence à se faire tard. Le soleil commence à baisser sur l’horizon : il va falloir rentrer.
C’est difficile de quitter un tel endroit. Dire qu’il y a des gens qui préfèrent rester chez eux et qui s’ennuient dans la nature. Il y en a qui trouvent que c’est toujours la même chose, qu’un zoiso est un zoiso…
Puisqu’on parle de zoisos et puisque la nature est pleine de surprises… On arrivait près de notre monture quand soudain… C’est à l’oreille qu’il les a repérés…
C’est un groupe de mésanges. Il y a plusieurs espèces mais c’est fréquent chez les mésanges. Elles se déplacent en bandes regroupant de nombreux individus de plusieurs espèces.
La première est pas vraiment une mésange même si on l’appelle la mésange à longue queue. C’est mieux de dire orite longicaude (Aegithalos caudatus, Aegithalidés).
La deuxième, toute jaune, ça ressemble à une mésange bleue (Cyanistes caeruleus, Paridés). Elle n’a pas toutes les caractéristiques de l’espèce. Je dirais que c’est un juvénile 🙂 un individu né cette année.
La troisième, c’est une mésange nonette (Poecile palustris, Paridés). On pourrait confondre avec la fauvette à tête noire. Mais si tu regardes bien, sous le bec, il y a un petit carré noir. Pas facile à voir, n’est ce pas ? J’ai triché. C’est bonome qui me l’a dit, et lui, il a regardé d’autres fotos.
En rentrant, mon bonome a tenu à s’arrêter là où le soleil se couche. J’étais fatigué et je voulais rentrer alors j’ai ronchonné. Il m’a souri et m’a conseillé d’être patient. Lui aussi était fatigué et il avait faim. Mais on a attendu. Plus d’une demi-heure. Et, de minute en minute, le paysage changeait et c’était de plus en plus beau. Alors j’étais content d’être là, en silence, à regarder les sternes, les foulques, les grébus et les bernaches du Canada en ombres chinoises dessinées sur la surface lisse de l’eau rougie par le soleil…
Si j’avais eu des doigts, je lui aurais tenu la main.
Trop beau le coucher de soleil !
Les dernières fotos avec Max devant un coucher de soleil sont magnifiques. Je me demande une chose : les odonates qui ont les yeux tout rouge est ce qu’elles voient comme nous avec différentes couleurs ?